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| | Sujet: Petit emprunt Sam 12 Juin 2010 - 2:44 | |
| [Désolé de l'attente! ] La journée tirait à sa fin. Sven constata avec satisfaction que toutes ses consultations s'étaient bien déroulées et que tout le monde s'était présenté à l'heure; il n'aurait donc pas de paperasse à remplir pour signaler que quelqu'un avait manqué un rendez-vous. Il marchait lentement dans le couloir menant à son bureau. Après sa dernière consultation, il était allé au restaurant du coin grignoter un morceau en regardant les gens passer. L'estomac plein et quelques miettes de gâteaux aux coins des lèvres, il s'approcha, nonchalamment, de son bureau dans l'intention d'y mettre un peu d'ordre en vue de la journée de demain. Il avait surtout très hâte de son plonger dans un des nouveaux livres qu'il avait acquis, un livre sur la religion catholique qui allait lui servir à étoffer ses rencontres avec Léonore Bel. Cette dernière lui posait quelques problèmes puisque la raison de son internement était sa foi considérée comme maladive. N'ayant jamais eu de curiosité envers la religion, que l'esprit logique de Sven considérait futile et ennuyante, le psychiatre était, pour la première fois depuis longtemps, dans l'incapacité de maintenir une discussion avec une patiente. Il voulut remédier à cette situation humiliante au plus tôt et, pour ce faire, avait acheté pratiquement tous les livres qu'il avait pu trouver sur le sujet de la religion catholique, en plus d'une Bible qu'il se promit d'apprendre.
Le cours de ses pensées fut brutalement arrêté lorsque Sven remarqua un détail différent: la porte de son bureau était entrouverte. Il fouina dans sa mémoire et se remémora avec exactitude les mouvements effectués lors de son départ. Il était sûr, à cent pourcent, qu'il avait bien verrouillé la porte. Pourquoi alors était-elle ouverte? Un collègue n'aurait eu aucune raison de venir. Même si c'était le cas, jamais il n'aurait laissé la porte ouverte ainsi, comme une invitation pour n'importe quel délinquant à venir mettre son nez dans des dossiers qui ne le regardait pas.
Sven s'approcha prudemment. Il savait que, si un patient de l'institut se trouvait à l'intérieur, l'effrayer pourrait tourner très mal, particulièrement pour le psychiatre et son inefficacité à se défendre. Il poussa la porte, gardant une distance sécuritaire. Les lumières n'étaient pas allumés, hormis la petite lampe qui trônait dans un des coins du bureau. Une silhouette ombragée se trouvait dans ce même coin, dos à la porte, farfouillant dans les livres. Toujours sur le pas de la porte, Sven jeta un coup d'œil rapide pour s'assurer que tout était en ordre dans la pièce: le bureau en chêne massif était près du mur, face à lui. Devant se trouvait deux chaises assorties. Le mur du fond et celui à gauche de la porte était recouvert d'étagères contenant des livres. Le mur à droite portait l'unique fenêtre, cachée en partie par des rideaux rouges. Le quatrième et dernier mur affichait les diplômes de Sven. Tout était à sa place. Même les papiers en fouillis sur le bureau ne semblaient pas avoir été déplacés; l'intrus ne s'intéressait qu'à la bibliothèque. Cela rassura le psychiatre; certains tiroirs de son bureau contenait des dossiers qu'il valait mieux ne pas montrer à qui que ce soit...
Sa nervosité diminuant, Sven entra silencieusement dans la pièce. Sans quitter l'étranger des yeux, il porta sa main sur le mur et ouvrit la lumière. Maintenant qu'il voyait mieux, il crut reconnaître une de ses patientes, Kaelynn Bicelmos, plus communément appelée Kajila. Il n'avait pas eu la chance de la connaître vraiment; elle n'était pas du genre bavarde, ni même très agréable. Pour être parfaitement honnête, Sven ne l'aimait pas. Elle ne s'ouvrait pas à lui et lui refusait la joie de lui conter ses problèmes. De plus, d'après ce que le psychiatre avait pu remarquer, elle semblait avoir une conversation intéressante, une grande logique et une estime assez faible de ses congénères, ce qui se rapprochait de la façon dont Sven percevait les siens. Pourtant, chaque fois qu'il essayait d'en savoir plus sur elle, elle se refermait comme une huitre et ne disait plus rien, mettant en colère l'homme. Cette situation lui faisait le même effet que d'être en face d'un merveilleux morceau de gâteau, bien moelleux et sucré, mais d'être électrifié chaque fois qu'il tentait d'en prendre un bout.
-Je peux vous aider? demanda Sven en se déplaçant vers son bureau, y déposant son agenda, comme si de rien n'était.
Il contrôla le ton de sa voix pour le rendre agréable, sans laisser paraître son irritation de trouver quelqu'un fouillant dans ses affaires. Si cette situation pouvait l'aider à en apprendre plus sur Kajila, il devrait faire avec. |
| | Sujet: Re: Petit emprunt Lun 28 Juin 2010 - 2:51 | |
| De part son éducation, Kajila avait une notion très particulière de la propriété privée. Habituée dès son enfance à avoir tout ce qu'elle voulait avant même de savoir qu'elle en avait envie, puis privée, à son adolescence, de superflus ET du nécessaire, elle avait décidé que tout ce qui appartenait aux autres était à son libre service, tant que l'autre n'en n'avait pas besoin, ne s'en servait pas et qu'elle finissait un jour par le rendre. Et comme demander était fatiguant, elle se servait, c'était aussi simple que ça.
Et puis franchement, elle voulait bien croire que les auteurs avaient besoin de sous pour vivre comme le moindre paysan mais on n'allait pas lui faire croire que 30$ le livre était un prix honnête. Surtout que ce n'était pas l'écrivain qui en recevait la majeure partie mais les maisons d'édition dont le seul travail était d'appuyer sur une touche à la c** d'une bécane au moins aussi stupide. Alors les leçons de morale comme celles qu'elle avait reçues lors de ses différentes arrestations, inutile de dire qu'elles n'avaient servies à rien. Le plus drôle dans tout cela, c'était qu'on l'enfermait pour l'empêcher de piquer des bouquins mais qu'on prenait soin de la confier à un médico-psy dont la bibliothèque regorgeait d'ouvrages dans un ordre pour le moins chaotique.
Les premières fois, la jeune fille avait testé. Déplaçant un volume, intervertissant deux tomes, pour essayer de savoir si le psy allait s'en rendre compte. Pas de commentaires. Mieux même, les bouquins déplacés restaient à leur place. Ce n'était donc pas un désordre ordonné mais un vrai bordel. Tant mieux. Depuis, elle se servait régulièrement. Prenant d'abord les premiers qui lui tombaient sous la main puis, au fil des références qu'elle trouvait, cherchant de plus en plus longtemps LE trésor qui illuminerait ses soirées et alimentait ces débats avec Léo. Faudrait qu'elle pense à piquer une bible un de ces huit pour savoir mieux de quoi l'Oie Blanche pouvait bien parler bref.
Cela faisait quelques semaines déjà que ce jeu durait. Kajila n'articulait pas un mot durant les séances, laissant le Moldave (comme elle l'avait surnommé) se dépêtrer tout seul, chose qu'il faisait étonnamment bien d'ailleurs. A la fin de consultation, elle jetait un coup d'œil aux bouquins, finissait par en repérer un et passait, de nuit, rendre l'ancien et piquer le nouveau. Les serrures ne résistaient pas à ses épingles, elle ne touchait ni aux papiers, ni aux dossiers (le secret médical et professionnel étant toujours très fortement ancré en elle…bon sang ne saurait mentir) et elle ne faisait de mal à personne, sauf peut-être à la dignité du bon docteur mais ça, pour le coup, elle n'en avait rien à battre.
Ce soir n'avait donc rien à envier à tout un tas d'autres soirs si ce n'était qu'elle cherchait un ouvrage bien précis et qu'il ne se trouvait pas là où elle l'attendait. Mettre "Jeu et Réalité" à coté des "Trois essais sur la sexualité" et au dessus de Jung était pourtant très logique. Il l'avait déplacé ou quoi ?! Elle qui aimait tant Winnicott ! Sale bête de Moldave à la c**. Et qui osait lui parler pendant qu'elle réfléchissait, hein ?
Inconsciente de ce qui était en train de se passer, Kaj se retourna, prête à dire à l'idiot que non, elle n'avait pas besoin d'aide, lorsqu'elle tomba nez à nez avec le propriétaire des lieux, ce qui lui rappela qu'elle n'avait peut-être pas autant le droit d'être là qu'elle avait fini par le penser. Il n'avait pas l'air faché. Il n'avait pas d'air spécial. Il était…psy.
"Vous n'avez pas vu Jeu et Réalité par hasard ? Parce que c'est tellement le bordel chez vous que je ne retrouve rien."
Une des choses bien quand on est intelligent, c'est que non seulement on pouvait réfléchir, mais en plus, on le faisait rapidement. Si elle n'avait pas répondu du tac au tac, elle n'avait toutefois pas laissé le silence s'installer et sa réponse avait été lancée dans un temps totalement normal pour une conversation. Evidemment, ce n'était pas un bijou de réthorique ni une de ces vannes que les autres crétins trouvaient merveilleux de lancer mais c'était une réponse, et elle n'était ni agressive (ce qui pourtant avait été son premier réflexe. Acculée, elle attaquait toujours), ni repentante (en même temps, vous croyiez quoi). Elle avait été articulée avec calme mais énergie, comme elle faisait tout, essayant de faire passer une touche d'humour dans la critique et avec un sourire de circonstance (hum). Elle ne s'attendait pas à ce qu'il l'aide évidemment et pariait même qu'il allait au mieux la foutre dehors, au pire la mettre en isolement mais peu importait. Si elle avait réussi à surprendre le doc', cela ferait toujours des secondes en plus pour repérer sa proie. D'ailleurs, ses yeux, loin de fixer son interlocuteur, continuaient sans cesse à balayer la pénombre. Il fallait se dépêcher.
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| | Sujet: Re: Petit emprunt Dim 18 Juil 2010 - 23:48 | |
| Sven resta bouche-bée, planté près de son bureau, la main gauche sur la couverture de cuir de son agenda et la droite dans la poche de son pantalon. Il analysa la situation: une jeune délinquante de laquelle il n'avait pas réussit à tirer quoi que ce soit se trouvait présentement dans son bureau, le soir, après avoir crocheté la serrure et cherchait maintenant "Jeu et réalité". Le psychiatre hésitait entre éclater de rire, éclater de colère, ou ne pas éclater du tout. Il opta pour la dernière option, qui semblait la plus judicieuse. Se raclant la gorge et dénouant son foulard rayé, il jeta un regard à la pièce. À quel endroit avait-il bien pu ranger ce livre? Il ne l'avait pas lu depuis sa sortie de l'université. Il ignorait même s'il ne trouvait pas plutôt à son appartement, dans une boîte au fond du placard. Son regard se reporta sur Kaelynn et bifurqua vers l'étalage qu'elle fouinait.
-Il n'est pas dans cette bibliothèque-là. Probablement dans celle-ci, dit-il en pointant celle du mur opposée, la plus loin de son bureau.
Contrairement à ce que pouvait penser les gens, Sven avait bel et bien un ordre de classement. Un ordre très bâclée et basé sur sa propre fainéantise, mais un ordre tout de même. En fait, ses bibliothèques étaient classées en fonction que ses livres préférés ou de références utiles soient le plus près de son bureau, pour qu'il ait le minimum de pas à faire pour les atteindre. Ceux qu'il ne lisait plus étaient loin de lui. Et étrangement, Jeux et Réalité n'était pas un de ses livres favoris. Un peu trop classique. Il se souvenait avoir eu un sermon de trois heures par un de ses professeurs sur la façon dont ce livre était un chef d'œuvre, d'après lui. Détestant ce professeur en particulier, il s'était mis à haïr de façon puérile tout ce que celui-ci vantait. Winnicott en faisait partie.
Délaissant ses souvenirs d'université, Sven se dirigea vers son fauteuil. Il s'y assit, sans porter attention à Kaelynn. Elle fouinerait un peu partout et grognerait de ne pas trouver le livre. Le psychiatre savait pertinemment qu'il se trouvait sur la dernière tablette, coincé entre un vieux manuel scolaire et L'Analyse expérimentale du comportement de Skinner, livre qui, se souvenu-t-il à ce moment, ne devrait pas se trouver là. Sven aimait bien les travaux de Skinner, mais n'avait jamais relut ses livres; à quoi bon, puisqu'il les avait dévoré il y a deux ans à peine.
Confortablement sur son fauteuil, le psychiatre rejeta la tête vers l'arrière et fit basculer son siège. Il regarda le plafond en réfléchissant à la façon dont il pourrait aborder cette séance improvisée. Devait-il se renseigner sur les goûts de Kaelynn en matière de psychologie ou lui conseiller des ouvrages? Peut-être devrait-il plutôt sacrifier cette occasion en ne disant rien pour, avec chance, gagner un peu de son estime. Ou, au contraire, la confronter dans son pillage et lui demander depuis combien de temps elle venait dans son bureau.
Cette situation l'exaspérait. Il ne savait pas comment agir et aurait besoin de plus de temps pour y penser. Il n'était pas habitué à réagir sur le vif. Il planifiait avec soin chaque entretient, s'assurant d'avoir des reparties, des questions et un comportement approprié à la situation. Malgré son intelligence, les joutes verbales n'étaient pas son fort. Il était plutôt du genre "renfrogné-muet" en situation de conflit. Il penchait la tête sur le côté, fermait les yeux à demi et regardait d'un air condescendant la personne qui s'évertuait à lui parler. C'était, entre autres, une des raisons pour laquelle il n'arrivait pas à soutirer des informations à Kaelynn: elle avait cette manie de trouver une phrase, une réplique que Sven n'avait pas prévue, en partie parce qu'il ne la connaissait pas encore assez. Chaque fois qu'il croyait être amplement préparé, la délinquante faisait quelque chose pour le déstabiliser. Dans la situation présente, Sven était à un niveau de déstabilisation rarement égalé.
Le psychiatre cessa sa contemplation du plafond et pivota la tête vers la fouineuse. Il opta finalement pour le mutisme, laissant Kaelynn entamer la conversation, si elle le voulait. Ses prochaines phrases - si il y avait - lui permettrait de planifier ses actions à venir. |
| Lucy Cantarella | Sujet: Re: Petit emprunt Dim 30 Jan 2011 - 19:10 | |
| Si vous souhaitez récupérer ce RP, envoyez-moi un MP. |
| | Sujet: Re: Petit emprunt | |
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