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Au bord du vide, il y a de l'air || Allister

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MessageSujet: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyMar 23 Fév 2010 - 2:55

    Le jeune homme au fond de la salle écoutait les éphèbes déclamer le célèbre texte d'une oreille distraite. Il avait connu de meilleurs acteurs Shakespearien, bien que le jeune Hamlet n'était pas si mauvais. Destiny avait toujours aimé les salles de théâtre vides, le velours délicat des sièges rembourrés, le pourpre discret de ces derniers. Le pourpre avait toujours été une de ses couleurs préférés, devant le noir, le gris et le vert émeraude, serait-ce une nouvelle preuve de cette fascination morbide que l'adolescent nourrit pour ce liquide poisseux qui coule dans ses veines, qui nourrit son corps. Il s'était faufilé discrètement dans la salle en plein milieu de la répétition, parce qu'il n'avait que cela à faire. Cela ne faisait que quelques jours qu'il était enfermé ici et déjà l'ennui commençait à doucement l'enfermer dans une torpeur cruelle, indolente et infinie.

    Voilà, infini, c'est ce que le temps semblait au jeune homme. Ses nombreuses tentatives, ses fuites en tout genre n'y changeait rien, le temps était, toujours et sans changements, il passait, il marquait ses bras de cicatrices immondes, il déposait lentement mais sûrement des poches noires sous ses yeux, de la maigreur sur ses côtes. Le temps était, et Destiny n'y pouvait rien. A une époque, ça le rendait fou, de rage et de peur, de craintes insensées, d'angoisses dévorantes. A présent, le jeune anglais s'en foutait.
    C'était comme une sorte de malédiction, ou plutôt il le vivait ainsi. Certains, plus logiques et rationnels, y verraient une conséquence logique. A force de trop brûler, de trop se laisser dévorer par cette passion qui le rendait malade, l'enfant a fuit, très loin de tout cela, à l'opposé, là où la glace ne fond jamais et où tout semble lisse, plat, inerte. Inintéressant et décevant. Là où n'existe que le mépris le plus total. Là où tout n'est que je m'en foutisme. Destiny semblait l'incarnation parfaite de cet endroit imaginaire et inexistant, il ne se souvenait pas d'avoir un jour été vivant, non, lui; tout ce dont il se souvenait c'était le vide, le vide le plus total et le plus complet. Et pourtant sûrement n'était-il pas encore assez vide, pas comme il le faudrait, puisqu'un vide complet devrait le remplir, non ? Oui, c'est comme lorsqu'on a mal, lorsqu'on a tellement mal que la douleur est tout ce à quoi on peut penser, tout ce que vers quoi tend notre esprit endolori, ce n'est que lorsque la douleur est complète qu'alors tout cela n'est plus torture, la douleur fait partie de nous à un point tel qu'on ne la ressent plus, un point dans le cœur un trou dans l'estomac, ce n'est plus désagréable, c'est habituel, au moins, ça donne quelque chose à quoi penser, mais tout ça ne dure qu'un temps, au fond la douleur devient toujours synonyme de vide, et à quoi bon parler le vide, à quoi bon, puisqu'il n'y a rien à l'intérieur, rien, rien, rien.

    Le jeune punk fixait. Il fixait le vide il fixait le rien, le néant avait toujours semblé si doux à ses yeux de verre. Peu à peu il s'était enfuit dans ses pensées, il avait abandonné ces autres récitant plutôt platement ces mots fébriles appris par cœur. C'était souvent qu'il faisait ça, qu'il abandonnait, s'abandonnait lui-même, abandonnait les autres. Cela revenait toujours au même, puisque si ceux que Destiny abandonnait s'en remettaient toujours, s'ils finissaient forcément par sourire à nouveau, l'adolescent lui, restait là, triste et esseulé, à ressasser ses souvenirs, à haïr ce sourire qui lui était une fois adressé, même si c'était lui qui, dans un mouvement d'égoïsme exacerbé, abandonnait l'autre, c'était finalement toujours lui qui en souffrait le plus, qui en mourrait à petit feu, puisqu'il avait choisi, il y a longtemps déjà, le passé au présent, le passé au futur, la mélancolie comme façon de vivre.
    Destiny regrettait, il regrettait sa mère, il regrettait son enfance, cette enfance qui chaque jour qui se passait lui semblait toujours un peu plus belle, rayonnante d'un charme et d'une pureté qu'il ne pourrait à présent plus jamais retrouver. Le problème de Destiny sûrement, c'est qu'il était resté un enfant, un enfant qui courre à travers quelque chose qu'il n'aura jamais. Tout le monde sait, pourtant, à partir d'un certain âge, qu'il faut renoncer à certaines choses, qu'il faut regarder en face, l'horreur de ce monde, qu'il faut assumer ses choix, qu'il faut accepter que le meilleur n'est pas toujours devant nous, qu'on perd forcément lorsque l'on prononce un choix, mais qu'on gagne, aussi. Destiny ne peut pas, il ne peut pas accepter, il ne veut pas, il ne veux pas grandir, il ne veut pas être heureux si cela revient à oublier, il n'a pas de sens ni de logique, oublier il le fait tout les jours, il se ment il s'imagine doucereusement une vie qu'il n'a jamais eu. Oui mais voilà, il ne peut pas, si réellement la vie n'est que cela, si vraiment il n'a jamais eu de moments de pur bonheur, si vraiment il n'a jamais été heureux alors tout ceci est bien trop triste, alors tout ceci méritait de finir, là, maintenant, tout de suite.

    Destiny avait souvent rêvé à son suicide, il en avait planifié des milliers tous plus glauques et gores les uns que les autres. Avec son sens du drame et de la théâtralité, le jeune garçon avait toujours trouvé que dans l'absolu, mourir sur une scène était une belle fin. Que les rideaux de velours pourpres se referment à jamais sur son corps impur et souillé. Personne ne se douterait de sa mort alors, les spectateurs comme fous applaudiraient la prestation du jeune homme, une ovation sans précédent, sans se douter que leur héros ne réapparaitrait pas sur la scène lors du salut, que ce qu'ils avaient applaudis n'était pas le jeu mais bien la mort.
    Certains gamins lorsqu'ils se perdent dans leur pensées finissent toujours par se faire un scénario érotique avec la petite blonde aux seins fantasmagoriques, Destiny lui, finissait toujours sur un scénario de suicide toujours plus théâtral les uns que les autres. Faut dire que la petite blonde et les seins énormes c'était pas son truc à Destiny, pas qu'il ait préféré les hommes, non Destiny ne s'était jamais pleinement posé la question de sa sexualité, il considérait sûrement qu'on ne lui en avait pas laissé le temps. Sa mère lui avait inculqué que la masturbation était quelque chose de sale et d'indigne, l'avait tellement bien culpabilisé qu'il n'avait jamais pu satisfaire réellement ses « besoin », et l'idée même ne lui avait pratiquement jamais traversé l'esprit. Et ce « viol », qu'il refusait d'appeler ainsi, il l'ignorait, il le refoulait dans un coin de sa tête, hop, il n'a jamais existé, et moi-même je n'existe pas, mes souvenirs ne sont que mensonges, hop hop, on oublie tout, on fait semblant, on ignore les cris on ignore les larmes, de toute façon cela fait longtemps que Destiny ne pleure plus, qu'il a arrêté de s'abaisser à quelque chose d'aussi pitoyable, le vide qui le dévore et qui le ronge a fait tant et si bien et ce depuis tant d'années qu'il ne reste plus de larmes en lui, car le vide se nourrit des larmes, de la souffrance et du mal-être, et il grossit, de plus en plus, à mesure qu'il nous dépèce de notre humanité, celle-là même que Destiny n'a pas su préservé, celle-là même qu'on lui a arraché, parce qu'il ne la tenait pas assez fort entre ses mains tremblantes, il était si jeune aussi, oui, il était jeune, mais la vie ne fait pas de cadeau, la vie est une chienne et ce petit punk au visage d'ange serait bien le premier à le dire.

    Ce fut premièrement le filet de lumière qui apparut sur le sol presque noir qui fit sortir l'enfant de sa rêverie morbide. Il mordit sa lèvre inférieure, ses dents entrèrent en contact avec son piercing glacé et il eut envie de s'enfuir alors qu'il entendait les pas à la résonance inconnue se rapprocher dangereusement de lui. C'était tellement pathétique qu'il eut envie de rire, de se moquer de lui-même, et finalement le jeune homme ne fit un seul mouvement, se forçant à se concentrer à nouveau sur les silhouettes en jean et converses qui récitaient des textes d'un autre temps, bien qu'il y voyait de moins en moins d'intérêt. Si Destiny aimait beaucoup Hamlet, il préférait tout de même Phèdre.
    Seulement, voilà, l'autre, dont il n'avait pas vu le visage – puisqu'il n'avait pas cherché à le faire – n'avait pas l'air de souhaiter vouloir le laisser tranquille.

    « Et toi, ta préférence va-t-elle aux sombres interrogations sur la vie que pose Hamlet, ou à l'élucidation de morts accidentelles, passe-temps d'Hercule Poirot ? »

    Le jeune punk d'abord ne dit rien, puis, au bout de quelques secondes qui lui semblèrent éternité, finit par tourner son visage d'ange vers l'homme à la voix grave. Il s'était assis juste à côté de lui, et sans même s'en rendre compte, l'adolescent avait rabattu au plus près de son torse ses bras défoncés.
    Il n'arrivait à distinguer dans la pénombre de la salle qui était cet importun, sûrement un adulte à la vue de la carrure et du timbre de la voix de l'homme. Une fois ses yeux bleus ancrés de l'image floue de celui dont il n'avait souhaité la présence, Destiny fixa de nouveau la scène d'où parvenait, étouffées, les voix des pensionnaires se donnant à présent des conseils furtifs et se posant des questions sur le texte. Le jeune homme aurait presque voulu les aider à interpréter le comportement d'Hamlet pour échapper à une conversation avec l'autre, cet autre qui le fixait d'une manière plus que désagréable, autre qui pouvait être dans le pire des cas, un psychologue. Ou plutôt, dans ce que Destiny croyait encore être, le pire des cas.

    Il finit par murmurer, fixant le velours pourpre du siège lui faisant face.

    « Je suppose que si je devrais choisir, ma préférence irait à ces interrogations morbides. »

    Et puis, après un nouveau temps où l'enfant soupira pour montrer sa supériorité et son ennui grandissant.

    « Pourquoi donc ? »

    Pourquoi donc vouloir m'importuner ainsi alors que je ne fais rien de mal ? La voix du jeune homme était, comme à son habitude, froide et pleine de mépris. La politesse aurait sûrement voulu qu'il réponde « Et vous ? ». Oui, mais voilà, Destiny n'était pas toujours d'humeur à être poli.


Dernière édition par Destiny J. Orwell le Lun 1 Mar 2010 - 4:04, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyMer 24 Fév 2010 - 2:04

Allister éteignit son ordinateur de bureau. Dix-nef heures et trente minutes venaient de sonner la fin de son labeur de la journée, labeur dont il se tenait satisfait. Il avait été si assidu à la tâche, si peu déconcentré par de potentielles convocations de résidents trop désobéissants, qu'il avait réussi à effectuer une partie de ses tâches du lendemain dans le temps imparti. À présent, il était temps de laisser libre cours à ses lubies vespérales, après avoir envoyé un mail à sa chère et tendre. Ce qu'il fit; racontant sur un ton impersonnel les cas des nouveaux résidents – comme un Daëron Vehviläinen pyromane, un Destiny J. Orwell suicidaire et drogué, un Ethan M. Hawkins prostitué – tous très intéressants et sûrement interlocuteurs passionnants. D'ailleurs, Allister mourait d'envie de s'entretenir avec ceux-ci, comme avec tous les délinquants qu'il ne connaissait que de vue, aux noms soigneusement enregistrés grâce à sa phénoménale mémoire.

Après avoir envoyé le mail, Allister commanda un repas à être monté pour 20h30 dans son bureau – ou sa chambre, les deux communiquant par une porte située entre. Puis il enfila son manteau en fourrure, découpé dans la peau de bêtes qu'il avait lui-même tuées, lors de ses très chères chasses. Il s'agissait pour cette fois de loups bruns, ce qui donnait une couleur chaude au vêtement et rehaussait la couleur de ses cheveux. Remontant ses lunettes qui avaient quelque peu glissé sur son nez, le Sous-Directeur remonta le long couloir et sortit du bâtiment. Quelques secondes plus tard, une cigarette allumées aux lèvres, il arpentait les chemins parfaitement ratissés – car Allister avait engagé des hommes pour parfaire l'apparence du domaine, maniaque comme il l'était, et gare à qui osait ruiner cet ordre parfaitement agencé – en réfléchissant à la manière dont il allait tuer cette heure qui l'attendait avant son dîner.

Il pensa à passer à l'oasis, surprendre des amants inconscients, mais décida dans sa grande mansuétude d'épargner une scène désagréable aux résidents, quoiqu'ils ne soient en général pas malheureux ici, selon lui. Enfin, tant qu'ils ne le rencontraient pas. Un sourire se dessina sur ses lèvres et il écrasa son mégot de cigarette dans un des cendriers attachés aux poubelles qui parsemaient les chemins du parc, puis il prit un autre chemin pour retourner au manoir. L'air froid lui caressait le visage, ce qu'il appréciait, haïssant la chaleur et tout ce qui s'y rapportait.

À peine à l'intérieur, Alistar se dirigea à nouveau vers son bureau. Il déverrouilla la porte, jeta son manteau sur un des fauteuils, tous de cuir et recouverts de peaux de bêtes, puis, après avoir soigneusement re-verrouillé la porte, il s'en fut vers le sous-sol, jugeant que la troupe de théâtre qui répétait actuellement pouvait être d'un intérêt non négligeable. Et puis au pire, il pouvait donner des conseils aux acteurs.

Après avoir descendu l'unique étage, Alistar se dirigea vers la salle de répétition, non sans avoir jeté un coup d'oeil au gymnase, vide à cette heure. Du théâtre, au contraire, provenaient des vois déclamant des vers, qu'il identifia avant même d'entrer, comme écrits par Shakespeare. Il se tint un instant à l'extérieur, main sur la poignée, se demandant, d'après les tons forcés, si c'était bien la peine d'entrer. Mais la voix plus assurée du rôle-titre l'incita finalement à entrer. Après avoir être resté appuyé à la porte, observant la salle, Allister avisa un jeune homme assis au milieu de la salle, semblant porter peu d'intérêt à la répétition, ce qui était bien compréhensible, vu le niveau des interprètes. Aussi s'avança-t-il vers le résident, cherchant dans sa mémoire qui ça pouvait être. Mais reconnaître quelqu'un qu'on n'a jamais vu de visu, simplement grâce à la couleur de ses cheveux est malaisé.

Le Sous-Directeur s'engagea dans la rangée de fauteuils pourpres, certains plus élimés que d'autres. Il nota mentalement qu'il fallait remédier à la dégradation du lieu. Puis, finalement, en se penchant en avant pour sortir le strapontin sans froisser son costard beige, il interrogea l'adolescent :

« Et toi, ta préférence va-t-elle aux sombres interrogations sur la vie que pose Hamlet, ou à l'élucidation de morts accidentelles, passe-temps d'Hercule Poirot ? »

Il s'assit ensuite et épousseta son pantalon du revers de la main. L'endroit avait vraiment besoin de maintenance, c'était certain, et surtout d'un bon coup de chiffon. Enfin, ce n'était pas pour l'heure ce sur quoi devait se concentrer le roux.

« Je suppose que si je devais choisir, ma préférence irait à ces interrogations morbides. »

Allister laissa échapper un rire sec mais tout de même presque chaleureux. Il avait l'habitude des résidents insolents, mais aussi de ceux qui se demandaient pourquoi ils étaient nés. Ils n'étaient pas rares non plus, ceux-là. Pour Alistar, la réponse, la raison de la vie était claire : pour s'amuser, et tant pis pour les religions et l'Enfer. Ces interrogations n'avaient donc pas lieu d'être, mais enfin, les enquêtes sur des cadavres, non plus, puisque de toute façon, cela ne le ramenait pas à la vie. Tout cela n'était que futilités. L'éphèbe, qu'entretemps le Sous-Directeur avait reconnu comme un des nouveaux dont il avait justement [haha] écrit à sa femme, à savoir Destiny J. Orwell, soupira, désirant sans doute marquer sa supériorité. Un sourire naquit sur les lèvres du richissime roux, qui se délectait déjà de la conversation à venir.

« Pourquoi donc ? »

Le Sous-Directeur ne fut pas surpris de l'antipathie que lui témoignait déjà le résident. Au contraire, cette mauvaise humeur l'amusa au plus au point, et le mit d'emblée de bonne humeur.

« À vrai dire, tu t'en doutes, Destiny Jay Orwell, il ne s'agissait là qu'une mise en bouche pour entamer une conversation qui pourrait nous être profitable à tous deux, malgré ton opinion contraire. »

Il n'était pour l'instant pas difficile de deviner les pensées ou émotions du jeune homme : étonnement, puisque cet inconnu connaissait son nom, antipathie, doute sur l'intérêt de la conversation, ennui de devoir parler... Typique.

« Et pour répondre à la question qu'aurait exigé la politesse, ma préférence ne va ni aux unes ni à la seconde. »

Il jeta un regard désintéressé sur les jeunes gens qui discutaient des interprétations aux rôles. Pitoyable.

« Tu t'ennuies déjà, je suppose ? Pas encore habitué aux rouages de la Résidence... »

Allister avait tendance à volontiers parler aux éphèbes incarcérés, surtout s'ils avaient du répondant et/ou s'ils ne témoignaient aucune envie de lui parler. C'était toujours ce qu'il y avait de plus drôle à son goût.

« Ne t'en fais pas, tu t'y feras vite. »
prédit-il sur un ton faussement paternel, joint d'une tape affectueuse sur la tête.
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyJeu 25 Fév 2010 - 2:20

    L'enfant ne se demandait pas, interrogations puériles, pourquoi lui, pourquoi cet être désagréable avait décidé ce soir là de l'embêter lui plus qu'un autre. Il avait arrêté depuis bien longtemps ce genre de monologues romantiques où l'auto-apitoiement était de mise, où l'on passait des heures à se demander ce qu'on avait fait pour mériter « ça ». Et dans la plupart des cas, le « ça » sur lequel ces êtres pathétiques se penchaient n'était rien, qu'un petit abandon esseulé, au milieu d'amour et de rires.
    Destiny ne pouvait plus se pencher sur ses problèmes, les analyser et les penser rationnellement, il était plongé dedans, constamment, au point d'étouffer, de se laisser bouffer par le foutre noir de sa déprime, de se noyer lentement, calmement, sûrement. Sans plus même résister.

    Un bout de vide qui ne sait plus se battre.

    « À vrai dire, tu t'en doutes, Destiny Jay Orwell, il ne s'agissait là qu'une mise en bouche pour entamer une conversation qui pourrait nous être profitable à tous deux, malgré ton opinion contraire. »

    Fixant un point au devant de lui l'adolescent ne put cependant s'empêcher de laisser un rictus douloureux transparaitre sur sa face angélique. Son coeur s'affola un peu. Son prénom, ses prénoms et son nom dans sa bouche, dans la bouche d'un inconnu, dieu qu'il détestait ça. Il ne se demanda pas même comment l'homme le connaissait : ce n'était malheureusement pas un secret, tout le monde ici devait être fiché. Cette idée le réjouissait tellement. Une conversation profitable ? Putain, ce mec est forcément un psy, c'est pas croyable. Enfin, remarque, un psy vraiment, mais vraiment trop enthousiaste. Parce que faut être lucide, y'a rien qui lui profite, à ce gamin aux cheveux bleux aux piercings par milliers qui regarde blasé. Regarde quoi ? Regarde rien. Quel intérêt.

    « Et pour répondre à la question qu'aurait exigé la politesse, ma préférence ne va ni aux unes ni à la seconde. »

    « Si je n'ai rien demandé peut-être était-ce parce que je n'y voyais pas d'intérêt ? »

    Certains jeunes trouvaient, sûrement, un frisson d'excitation, à provoquer, faire preuve d'insolence, tout n'étaient en eux qu'apparence et illusion. Destiny n'éprouvait plus cela, plus depuis une éternité, c'était devenu une habitude, quelque chose dont il ne se rendait même pas compte. Lui aussi n'était qu'apparence et c'était bien ça qui était dur à accepter. Qu'il soit aussi humain faux et hypocrite que tous les autres. Plus encore, puisque lui n'hésitait pas à mépriser pour ces raisons.
    Il n'avait pas envie. Pas envie de connaître de comprendre celui qui lui imposait sa présence. Et pourtant, il l'observait sans s'en cacher, essayant en vain de mettre en visage sur cette face qu'il déterminait à présent comme rousse.

    L'homme jeta un regard aux élèves pathétiques puis reprit, ignorant l'insolence de Destiny – sûrement devait-il y être habitué pensa le jeune homme, et cette idée l'agaça autant qu'elle le « soulagea ». Soulagea parce qu'il ne voulait pas, oh vraiment pas, être remarqué ici. Et pourtant... Pourtant. Il était trop, bien trop contradictoire pour être compréhensible, et lui-même ne cherchait plus depuis longtemps à le faire.

    « Tu t'ennuies déjà, je suppose ? Pas encore habitué aux rouages de la Résidence... »

    Mwé. Plus l'homme parlait moins il avait d'intérêt. C'était quoi ça ? Il essayait de faire copain-copain ? Il pouvait toujours bien crever. Destiny arrêta de scruter son visage et commença à se lever, se ravisa, se rassit, bien au fond du siège rapiécé, il tira un peu sur son t-shirt trop large qui laissait ressortir une de ses épaules osseuses et la courbe de ses omoplates saillantes et ramena contre son torse ses genoux qui chatouillaient l'air à travers son jean troué à de nombreux endroits et liés entre eux par des bondages. Ainsi en position foetale le jeune homme posa son menton sur ses genoux et resta là, comme pour répondre silencieusement à la question de l'autre. OUI JE ME FAIS CHIER MON AMOUR MAIS CHEZ MOI C'EST CONSTANT.

    « Ne t'en fais pas, tu t'y feras vite. »

    La main du roux s'abattit amicalement sur la tête de l'adolescent. Celui-ci fit d'abord une grimace avant de se mordre violemment la lèvre qui laissa perler une goutte de sang écarlate, et d'un réflexe incertain le punk se tourna un peu vers la droite à l'opposée de là où se tenait l'homme essayant ainsi de mettre fin au contact qu'il n'avait ni souhaité ni amorcé et abattit violemment son bras contre celui de l'homme pour qu'il le baisse, au niveau du coude sûrement, c'était un acte nerveux et incontrôlable que l'adolescent faisait sans s'en rendre compte, parce qu'il ne trouvait que ça à faire, parce qu'il était perturbé et pitoyable et qu'il ne supportait pas non il ne pouvait supporter ça, la chaleur d'un autre sur lui.
    Destiny à moitié relevé la respiration saccadée les membres en feu ne jeta pas un regard à la victime de ses délires paranoïaques et de ses angoisses intarissables se souciant d'abord de lui-même – puisqu'un parfait inconnu n'avait aucun intérêt. Il se leva complètement, passa une main devant ses yeux fatigués, resta ainsi quelques secondes. La salle était silencieuse, les pseudos comédiens avaient arrêté leur insipide bavardage et c'était aisément que Destiny imaginait sur lui, sur sa silhouette morbide, leur regards surpris, indignés.

    L'enfant laissa tomber ses bras endoloris contre sa taille et serra entre ses doigts osseux le dossier du siège lui faisant face. Il écoutait d'une oreille absente l'autre se rassoir sûrement d'une façon plus appropriée, avait-il eu mal avec sa main sur son articulation, Destiny n'en savait rien, et il s'en foutait, ce n'était pas comme s'il frappait pour faire souffrir, c'était un réflexe involontaire, quelque chose qu'il ne comprenait ni ne contrôlait. Et il se détestait pour ça, mais il ne pouvait revenir en arrière. Alors comme d'habitude, il irait jusqu'au bout, pour ne pas se ridiculiser, parce qu'il ne pourrait jamais s'excuser, parce que montrer ses faiblesses serait la pire chose qui pourrait – encore – lui arriver.

    « Oui, je me fais chier. Mais je m'y suis déjà fait, haha, je me fais chier, depuis une éternité. »

    Il se retourna, ses mains araignées torturant toujours le siège de velours, et fixa indifférent des réactions qu'il provoquait derrière lui l'homme au visage inconnu.

    « Quant au pseudo intérêt de notre conversation », et sa voix était calme et posée, « Permettez moi d'en douter. »

    L'enfant cru percevoir un sourire sur le visage de son interlocuteur et lui même laissa échapper un pseudo rictus pendant quelques secondes avant de le laisser disparaître.

    « Mais sûrement tout ceci vous amuse t-il grandement. » Il prit une pause et reprit de sa voix glaciale : « Quoi qu'il en soit, et qui que vous soyez, vous n'êtes pas autorisé à me toucher. »

    Pitoyable petit animal effrayé.
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyVen 26 Fév 2010 - 3:09

[C'est reparti pour te faire mourir de rire witi]
« Si je meurs avant toi, je t'en prie, ensevelis-moi dans un de ces draps. »
Othello, Shakespeare

« C'est Monsieur le Sous-Directeur ! » s'écria l'Ophélie de la soirée. Enfin, elle s'écria en chuchotant, d'une manière peu discrète, mais avec l'intention de l'être. Les autres acteurs se tournèrent vers l'adulte roux en complet-veston beige, impassible si ce n'était pour ce petit sourire froid qui le quittait rarement. Les adolescents se mirent à chuchoter entre eux. La plupart avaient déjà conversé avec lui [Ndla : juste conversé] et avaient ce jour-là décidé qu'ils l'éviteraient désormais comme la peste. Le Hamlet lui, se tenait coi, et était-ce de la pitié qui emplissait son regard quand il se posa sur l'adolescent dont les cheveux avaient une pigmentation azurée ? Il évita cependant soigneusement le regard du Sous-Directeur, qui, heureusement pour lui, ne le cherchait de toute façon pas. Claudius et Polonius, eux, ne comprenaient pas l'émoi de leurs camarades, et décidèrent qu'ils préféraient ne pas le comprendre. La petite troupe jeta un coup d'œil à l'adolescent qu'ils n'avaient pour la plupart pas remarqué quand il était arrivé. L'indignation qui pouvait émaner d'eux était destinée autant à l'adolescent, qui avait osé frapper le Sous-Directeur, et interrompre leur répétition, qu'à l'adulte, mais pour des raisons plus confuses. Un vague sens de la conservation peut-être ?

Allister, pour sa part, ne s'était pas attendu à une telle réaction à son geste affectueux et paternel. Bon, ce n'était pas surprenant en soi, que l'adolescent veuille se défendre, mais là, en toute honnêteté, il n'avait rien fait, rien qui puisse éveiller une telle velléité en l'éphèbe tremblant. Une réaction instantanée ? Un réflexe au moindre contact ? C'était intéressant, sûrement dû à un traumatisme... Le pauvre, il portait la poisse du monde entier sur lui ou quoi, se demanda, lucide, le roux, très amusé par cette possibilité.

Enfin, pour l'heure, il était plus important de se soucier de l'état du gamin. Non seulement il tremblait comme une feuille, mais en plus il se levait, ce c**. Ah, non, il se rasseyait. Sage décision, à moins qu'il n'ait eu envie de faire plus intime connaissance avec le sol. Ce qui aurait été franchement sale... Franchement, quand pour la dernière fois avait-on fait le ménage dans cet amphithéâtre ? Aberrant, mais alors, à un point... Allister se rassit un peu mieux. Son bras de lui faisait pas souffrir, il avait eu le réflexe de donner le tranchant de son avant-bras contre celui de son agresseur. En fin de compte, c'était celui-ci qui avait du le plus souffrir des deux. Haha, franchement, il avait les moyens de devenir emo s'il s'en donnait la peine. Quoique ce look punk, cette coloration... particulière, ces nombreux piercings exprimaient déjà pas mal ce mal-être, que venait confirmer la maigreur inquiétante visible sur cette épaule quelque peu dénudée. Mais il avait la peau sur les os, ce gamin, ma parole ! Il était temps de prendre soin de lui [Ndla : non, on ne se demande surtout pas comment...] !

« Oui, je me fais chier. Mais je m'y suis déjà fait, haha, je me fais chier, depuis une éternité. » répondit finalement l'adolescent, agrippant comme une planche de secours qui pourrait l'emmener loin de ce requin, le dossier du fauteuil de la rangée de devant.

Les acteurs debout sur la scène décidèrent qu'ils avaient déjà assez répété comme ça, et après de brèves, polies et timides salutations à l'adresse du Vice-Directeur, ils s'en furent, inquiets.

« Quant au pseudo intérêt de notre conversation, permettez moi d'en douter. » ajouta-t-il. Oh, il avait du répondant. Cela plaisait, cela plaisait beaucoup au riche roux, qui lui n'en doutait pas du tout, mais alors pas du tout, du tout, du tout. Ce qui transparut par une légère chaleur dans le sourire constant de l'homme. Sourire auquel fit écho un rictus douloureux de l'adolescent qui avait momentanément tourné la tête pour le regarder.

« Mais sûrement tout ceci vous amuse t-il grandement. Quoi qu'il en soit, et qui que vous soyez, vous n'êtes pas autorisé à me toucher. »

Et bien sûr, toujours le meilleur pour la fin, le clou du spectacle, la cerise sur le gâteau : une interdiction. Rien que pour signaler que respecter une interdiction, surtout de ce genre, n'était pas dans ses cordes, Allister laissa échapper un petit rire, sec, hautain, moqueur, et presque amical pourtant. Je dis bien presque.

« Tout ceci... »
Il fit un vaste geste désignant toute la salle, et pour lui, tout, intégralement tout. « Oui, tout ceci m'amuse grandement, comme tu as eu l'heur de le reconnaître. »

Il croisa un instant les bras, se demandant vaguement comment tourner la suite. Il ne fallait probablement pas presser cet animal craintif et blessé. Il fallait l'apprivoiser, d'abord. Tant pis, Alistar mettrait son impatience de côté pour cette fois, comme pour de nombreuses fois. À force, il apprenait la patience, ce qui n'était pas négligeable non plus.

« Quant au « qui que je sois », je crains hélas que mon identité ne t'ait été révélée par ces charmants petits acteurs. Le Hamlet était bon, pourtant... »

Pourtant. Enfin, il n'était pas temps de penser à ça, à présent. Allister revint à ses préoccupations présentes, enfin, à sa préoccupation présente, à savoir Destiny, et sa phobie tactile.

« Le contact humain semble être une de tes faiblesses... Mon pauvre enfant ! » plaignit le Sous-Directeur, en remettant joyeusement quelques couches. « Quel dommage... »

Alistar avait l'intention de ne pas prêter attention à ce traumatisme, mais autant cacher, enfin, s'il est possible d'utiliser ce terme, cette insensibilité sous des dehors attentionnés et louables.

« Je t'aiderai à t'en vacciner. » C'était une affirmation, et non une question.

Et d'un mouvement fluide, saisissant d'une main celles de l'adolescent, et de l'autre, sa tignasse bleutée, Allistar infligea ces contacts insupportables à l'adolescent.

« Il ne faut pas avoir peur, voyons... » murmura-t-il à l'oreille de Destiny, effleurant de ses lèvres l'oreille de l'adolescent, conscient que la peur n'était sans doute pas ce qui prédominait chez son interlocuteur. Il le lâcha.
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyVen 26 Fév 2010 - 18:15

[Haha rien qu'à lire ta phrase entre crochets j'ai ri, alors. x) Par contre, je sais pas si ma réponse convient dans le sens où soit Allister le laisse filer soit c'est encore lui qui fait tout l'action... mais bon c'est le principe de leur "relation" (sisi) aussi ? -_- Enfin bon, msn <3]

    Le rire de l'homme, sec et hautain, sembla transpercer l'air et l'esprit de l'adolescent qui se sentait grossir d'une haine qu'il ne se connaissait pas. Destiny n'était pas habitué à tout ça, à la rage, à la vie brûlante et grandissante. La seule vue de cet être qui se croyait tellement supérieur lui donnait envie, non pas de mettre fin à sa vie, mais à la sienne. Le jeune homme avait toujours choisi la facilité, la fuite. Toujours choisi de s'oublier plutôt que d'oublier les autres. Toujours choisir de se blesser plutôt que de blesser les autres. On pourrait voir dans ce comportement une certaine bravoure, une grandeur d'âme ; une gentillesse enfin. On se trompe : si Destiny choisit sa propre souffrance à celle qu'il pourrait infliger aux autres c'est uniquement une question de facilité. C'est plus simple de se faire mal soi-même, c'est plus simple de se déchiqueter ses propres veines, que de trouer celles des autres. C'est plus simple de se tuer que de tuer l'humanité toute entière ? Haha, logique.

    « Tout ceci... » L'homme désigna la salle entière d'un geste large. « Oui, tout ceci m'amuse grandement, comme tu as eu l'heur de le reconnaître. »

    « Wah, qu'est-ce que je suis intelligent », pensa Destiny se demandant s'il était encore énervé, encore dégoûté par le contact physique que l'homme avait amorcé, ou s'il revenait à cette indifférence qui le guidait constamment. Il aurait vraiment, vraiment préféré l'indifférence, la douce attitude blasée, le léger amusement désabusé. Mais il n'y pouvait rien, tous ses membres étaient tendus, tout son esprit bloqué par le dégoût et le mépris qu'il éprouvait face à cet homme.

    « Quant au « qui que je sois », je crains hélas que mon identité ne t'ait été révélée par ces charmants petits acteurs. Le Hamlet était bon, pourtant... »

    « Ah. » murmura le jeune punk. C'était supposé être une question, comme un « Je n'ai pas entendu alors, j'étais plus préoccupé par un salaud qui me touchait sans autorisation » mais ce n'était pas forcément très clair. Tant pis.


    « Le contact humain semble être une de tes faiblesses... Mon pauvre enfant ! Quel dommage... »

    Destiny passa une main dans ses cheveux presque turquoises, puis replaça ses mains sur le fauteuil. Faiblesses. Ce mot raisonna en lui comme s'il avait été crié par une foule en colère. Il détestait ce mot. Il détestait l'idée que celles-ci soient montrées au grand jour.
    L'adolescent n'avait pas réellement une phobie tactile. Il pouvait supporter le contact. Il pouvait supporter de poser une main sur l'épaule de quelqu'un, de déposer un baiser sur la joue pleine d'un enfant. Il pouvait supporter, tant que c'était lui, lui qui contrôlait, lui qui choisissait, et voilà, il savait, il savait qu'avec cet homme, il n'aurait pas de choix. Il grimaça sous le coup du « pauvre enfant », mais ne le montra pas. Il n'était plus question de réagir comme il venait de le faire, non, il n'en était plus question, voilà ce que se répétait inlassablement le jeune homme dans sa tête en ébullition. Plus question de donner ce qu'il veut.
    Haha, qu'il est naïf, tout cela est bien beau n'est-ce pas.

    Oui parce que quand l'autre menaçant sourit d'un air amical en disant qu'il va vous débarrasser d'une angoisse que vous ne pouvez contrôler et que vous chérissez presque, il est dur de ne pas paniquer un tant soit peu, même lorsqu'on s'appelle Destiny Jay Orwell et que rien ne nous intéresse.
    C'était un mélange de rage et d'incompréhension. m*rde, il avait rien demandé ! Destiny avait toujours vécu avec ses angoisses avec ses peurs et ses idées morbides. Il avait toujours vécu ainsi et il n'avait rien demandé. A force de s'enfoncer, on s'habitue. C'était ça. Destiny était habitué, habitué à vivre avec lui-même, à vivre renfermé sur lui-même, seul et triste, fuyant toutes âmes humaines, tous contacts quels qu'ils soient. Le changement lui faisait peur, il n'en voulait pas. Pas question. Si je change, ça veut dire que je prends le risque. Le risque de regretter, de faire des choix. De m'abandonner moi tel que je suis à présent. Si je change ça veut dire que j'abandonne ce que j'aime, ce que je n'aime pas, ça veut dire que je recommence une nouvelle page, que je referais des erreurs, que je serais obligé d'agir. Si je change, je pourrais plus fuir, m*rde. Si je change, je prends le risque de vivre.
    Et ça, Destiny ne veut pas. Destiny ne veut pas vivre, il ne veut pas en prendre le risque, il préfère fuir. Il avait rien demandé.

    « Allez vous faire fout... »

    La vulgarité était rare chez le jeune homme, elle n'apparaissait que lorsqu'il ne voyait que ça à faire, que lorsqu'il ne se contrôlait plus, lui qui d'ordinaire était toujours si calme et posé. Mais l'homme le coupa dans sa rage, menottant ses mains avec l'une des siennes – elles devaient être terriblement grandes, mais Destiny n'eut pas l'occasion de se faire cette réflexion – et passant l'autre le long des cheveux hérissés de l'éphèbe. Qui, parfaitement droit et tendu, restait ainsi, les lèvres pincées, la respiration retenue. Chaque parties de son corps comme pleines d'une vie, cette vie-même qu'il s'évertuait à rejeter. S'il avait pu mourir à cet instant. Le contact le brûlait, tout entier, il détestait ça, il restait droit, comme si rien ne se passait, les yeux fixes, comme morts, et pourtant, et pourtant il était si vivant à cet instant, malgré lui, malgré lui. Il avait envie de hurler, de le déchiqueter, lui qui était là, trop proche, trop proche, ce qu'il supportait pas, c'était son souffle, son souffle, ah, putain, putain. Dans sa bouche l'adolescent mordait avec force ses joues, au point de les faire saigner, la douleur il ne la sentait pas, il ne sentait rien, rien sinon les doigts de l'autre qui emprisonnaient les siens, rien sinon son souffle près de son cou, de sa nuque, et le dégoût, le dégoût qui s'emparait de lui tout entier, tout entier, c'était un peu comme s'il sombrait, il avait envie de vomir, de s'enfuir. Et il restait là, comme un imbécile, comme un pauvre c** attardé, sans rien faire sans rien dire, sa bouche sanguinolente, sans même respirer, sans même déglutir, à attendre, attendre que ça soit fini, attendre que l'autre se lasse. Quand il s'était fait violé, Destiny n'avait pas poussé un seul cri. Il n'avait rien fait. Absolument rien.


    « Il ne faut pas avoir peur, voyons... »

    L'homme, après avoir murmuré ces mots à l'oreille du jeune hommes, ses lèvres sa bouche son souffle bien trop près, se retira. Il lâcha les mains du jeune homme, se décala un peu.
    Destiny mit quelques secondes à émerger réellement de la sorte de torpeur dans laquelle il s'était enfermé. Enfoncé, plutôt. Il leva d'abord les yeux, vers l'homme, parcourut un peu ce qu'il y avait autour de lui, comme s'il ne savait plus vraiment où il était. Il prit conscience du fait qu'ils étaient seuls, et il eut presque envie de rire. Presque. Crever de rire.
    L'enfant avala le sang qui avait envahi sa bouche, fourra ses mains dans ses poches, lentement. Pas de gestes précipités. Qu'il ne remarque pas ses tremblements, son air perdu. Rien. Rien qui traduirait l'angoisse qui le dirigeait, qui l'occupait et le bouffait tout entier. Rien. C'était presqu'admirable, avant tout pathétique, et il le savait, c'était bien là le pire. Il se détestait d'être pathétique.

    Et il sourit.

    « Je n'ai pas peur, Chéri. ». Mon chéri, mon amour, ou tous ces surnoms qu'attribuait Destiny aux gens qu'il ne pouvait supporter. « Je suis juste profondément dégoûté. »

    Il n'y avait pas d'autres mots. Le sourire de l'enfant restait immortel sur ses lèvres au dessin parfait alors qu'il fixait l'homme. Sans même se rendre compte, sûrement, que c'était là une provocation plus qu'attirante.
    L'inconscient. Il jeta un coup d'oeil derrière lui pour confirmer leur solitude. « Leur » solitude. Le fait qu'il était « seul » avec un autre. Rien que la grammaire de cette phrase était stupide. Puis Destiny regarda à nouveau l'homme, son sourire disparu, il dit de sa voix froide, indifférente, comme insensible. Quelle jolie carapace il avait là. Crédible ? Peut-être pas pour ce prédateur là.

    « Puisque vous avez interrompu la répétition, je crois que je n'ai plus rien à faire ici. »

    L'adolescent posa son casque, resté inerte autour de son cou, sur ses oreilles percées, sans pour autant mettre en route son mp3, et rajouta.

    « Et cette pseudo conversation, a été, comme je l'avais prédit, bien peu profitable. »
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptySam 27 Fév 2010 - 18:22

[Toutes les opinions exprimées dans ce texte sont celles du personnage. L'auteur dénie toute responsabilité.]

L'enfant tremblant resta figé quelques secondes, comme s'il était parti pendant ces quelques instants de torture. Un moyen efficace d'oublier, certes, mais qui ne résolvait pas grand-chose. Autant se débattre dans ces cas-là, surtout qu'Allister, parant à cette éventualité n'avait pas mis vraiment de force dans ses mains, juste assez pour pouvoir resserrer sa poigne si l'adolescent s'était débattu. Ce qu'il n'avait hélas pas fait. Au lieu de ça, il avait fermé son esprit au contact extérieur, fuyant encore, fuite désespérée vers un ailleurs qui n'existait pas, puisque le corps restait. La dimension charnelle, la plus pénible des dimensions.

Destiny leva les yeux, presque hagard, déglutit sans doute. Dans ses yeux dansait une lueur incertaine. Allister observait avec attention les diverses réactions de l'éphèbe, sans chercher à les analyser. Ce n'était plus la peine, il était pris. On le voyait sur cette feinte d'un rire qui ne vint pas, parce que pour lui non plus ce n'était plus la peine. Profondément, il devait savoir que quelque chose était perdu. Il mit les mains dans les poches, comme si ça pouvait le protéger, lentement, comme si ça pouvait effacer l'infime tremblement qui le secouait tout entier. Comme c'était charmant cette horreur du contact infligé. Et ce désir de paraître maître de soi, de ne pas paraître pathétique, de se rendre d'une certaine manière supérieure.

« Je n'ai pas peur, Chéri. Je suis juste profondément dégoûté. »

Oh, tant mieux ! se retint de répondre le Sous-Directeur, qui avait toujours préféré dans ses proies celles qui ne se laissaient pas prendre à ses appas arachnéens mais préféraient fuir, fuir loin, fuir vite et s'éloigner de ce danger. Elles voyaient en l'araignée son côté venimeux et dangereux, et non sa grâce élégante. Ses toiles perdaient leur délicatesse auréolée de gouttes de rosée, pour ne devenir que de mortels filets. Bien, bien, tout cela s'annonçait fort divertissant [Ndla : on ne se demande pas pour qui].

Enfin, cette phrase, prononcée sur un ton qui se cherchait méprisant reprouvait à Alistar que son interlocuteur désirait par tous les moyens ne pas se mettre en position d'infériorité. Tant pis pour lui, et tant mieux pour le Sous-Directeur, qui appréciait tout particulièrement ceux qui ne baissaient pas les bras si facilement, et qui ne supportaient pas les personnes du genre du Sous-Directeur. Lui, s'appréciait tout particulièrement, il avait besoin de la haine d'autres. C'était l'inverse chez l'adolescent, devinait-il, qui se haïssait et avait donc besoin de l'amour des autres. Quoique, il était assez douteux qu'Allister puisse remplir ce rôle. [Ndla : Quoique, on peut vraiment s'attendre à tout, venant de sa part.]

Son sourire froid. Son corps figé dans une tentative de résistance contre toute agression extérieure. Que c'était délicieux, charmant. Cette tentative d'être hautain. Mais l'inquiétude était toujours là. Alistar, bras croisés, toisait l'adolescent, attentif, toujours attentif. Il ne manqua pas le regard qu'il porta sur la salle, remarquant qu'ils étaient vraiment seuls, l'un et l'autre, seuls, mais ensemble, ensemble sans quiconque d'autre. Solitude à deux.

« Puisque vous avez interrompu la répétition, je crois que je n'ai plus rien à faire ici. »

Froid. Insensible. Il se voulait froid et insensible. Il y serait arrivé à la perfection si Allister n'avait pas été un maître de ce jeu-là dans son adolescence, premier de classe froid et insensible, et pourtant prédateur déjà à cet âge-là, prédateur qui savait à l'époque se contenter de jeux moins douloureux. Ou pas.

Il mit ses écouteurs sur ses oreilles, comme pour se couper du monde. Alistar avait toujours eu en horreur ces trucs que l'on se pendait aux oreilles, dépendance à quelque chose de trop inhumain, dépendance à une musique qui souvent était du genre de celle qu'il abhorrait.

« Et cette pseudo conversation, a été, comme je l'avais prédit, bien peu profitable. »

Bon, il était temps de cesser ce préambule sans intérêt, la patience n'était plus de mise, ce n'était même pas la peine avec lui, il ne se laisserait apprivoiser que sur une trop longue période, et Allister n'attendrait pas si longtemps. Et puis, à la base, une araignée n'apprivoise pas ses proies, elle les séduit. Enfin, même pas, à vrai dire, ça, c'est la plante carnivore. La plante carnivore à la toison rousse se leva donc à la suite de sa future victime et la rejoignit dans l'allée en quelques pas, juste avant la porte. L'adolescent avait entretemps mis son lecteur mp3 en marche, avec le volume suffisamment fort pour se couper efficacement du reste du monde. Délicatement, le Sous-Directeur ôta le casque des oreilles de Destiny et posa par la même occasion son bras sur ses épaules, familièrement.

« Si notre conversation a été si peu profitable, c'est parce tu ne lui as laissé aucune chance de l'être. »


Son bras pesait de tout son poids sur les épaules de l'adolescent, et rien au monde n'aurait pu l'ôter de là. De l'autre main, il sortit sa montre gousset de la poche de son gilet. 20h23. Bien, le dîner qu'il avait commandé serait bientôt servi, exactement ce qu'il voulait.

« Je t'invite à venir dîner chez moi, tu as besoin de mettre un peu plus de chair dans ce corps maigrichon. »

Il avait bien fait de commander pour deux.

Il ouvrit la porte et poussa Destiny devant lui, sans pour autant le lâcher, et le guida d'un geste ferme mais souple vers l'escalier.
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyLun 1 Mar 2010 - 3:51

[Un tit peu plus court, comme promis. x)]
    Le jeune homme marchait d'un pas neutre entre les fauteuils souhaitant s'échapper au plus vite de la salle presque déserte – et tout résidait dans ce « presque » fatidique. Il régla la musique de son mp3, la lança au hasard sans trop chercher même à l'écouter – l'important était de se couper du monde, d'oublier. La voix puissante et délicieuse de Billie Holliday assommait l'adolescent qui s'efforçait de garder un rythme de pas correct. Ni trop rapide, ni trop lent.
    Il aurait mieux fait de courir.

    Et puis la voix se fit soudainement presqu'inaudible, la chaleur au niveau des oreilles de l'enfant inexistante. L'homme posa son bras sur l'épaule de l'éphèbe qui ne put réprimer un frisson à ce contact, la chaleur de la veste du roux le surprenant malgré lui. Lui qui était si calculateur, si prévoyant, si observateur, il se sentait tellement démuni. Il ne pouvait rien prévoir, ne se soucier que du moment présent et de gérer ses angoisses. C'était tellement pathétique, ça le remplissait de cet rage qu'il avait l'impression d'avoir perdu depuis si longtemps qu'il en avait perdu le souvenir. Mais sûrement était-elle restée là, soigneusement cachée. Destiny se sentait vivant. Vivant de sensations et d'émotions.
    Et il détestait ça.

    « Si notre conversation a été si peu profitable, c'est parce tu ne lui as laissé aucune chance de l'être. »

    L'homme murmura à son oreille. Évidemment. Destiny avait été naïf, à vrai dire, il l'avait toujours été, c'était dans son caractère. Cependant, il avait toujours su le contrôler, il est dur de rester naïf , pur et innocent lorsqu'on traverse tant d'abandons et de désillusions. Et pourtant, pourtant il avait vraiment cru, pendant quelques secondes, pouvoir s'échapper aussi facilement de cette sangsue donc le bras pesait, de tout son poids, sur son épaule trop maigre et trop frêle.

    « Peut-être ne mérite t-elle pas cette chance dans ce cas », répondit le jeune homme au teint de plus en plus pâle mais dont la voix se faisait au contraire, de plus en plus assurée et tremblante de résistance et de haine retenue à mesure que l'homme l'entrainait.

    L'enfant put apercevoir sur la montre à gousset – horrible, tout aussi horrible que son manteau de fourrure – l'heure affichée : 20h23. Prétexter le sommeil semblait donc une échappatoire peu envisageable, quel dommage, pensa l'adolescent avec un ton terriblement cynique, comme si l'idée aurait pu réellement lui traverser l'esprit.

    N'importe qui aurait pu ici prendre la fuite, tout simplement. Prendre la fuite au sens propre, courir. Oui, n'importe qui.
    Destiny n'a plus rien à perdre, et c'est justement parce que sa fierté n'est qu'attirail qu'il s'y rattache autant. Qu'il cherche tant à la préserver. S'il était convaincu d'être à la hauteur, s'il était convaincu de valoir, d'être aimé, s'il était convaincu de, que sais-je, être digne de quoi que ce soit, sûrement serait-il plus libre, libre de ses choix et de ses gestes, sûrement pourrait-il, afin de se protéger, courir pour sa vie, oui mais voilà, le jeune homme aux cheveux bleus n'a pas de fierté, il n'a rien et c'est pour cacher ce rien au plus profond de lui-même qu'il se fabrique de toute pièce cet attirail de froideur, de fierté et d'insolence, et qu'il s'y attache autant.
    Parce que de connaître ses angoisses est une chose, de découvrir qu'elles sont seules à habiter l'enfant, c'en est une autre, et cette découverte est bien pire encore que la précédente.

    « Je t'invite à venir dîner chez moi, tu as besoin de mettre un peu plus de chair dans ce corps maigrichon. »

    Résister semblait, en réalité, impossible. Et résister aurait été avouer, affirmer la supériorité de l'autre sur son petit corps meurtri. Et il n'en était pas question, ah, pauvre petit Destiny, quelle pitié.
    L'homme ouvrit la porte et dirigea l'enfant à travers la nuit d'un geste ferme, n'étant pas décidé à le lâcher. C'en était presque amusant. Avec un demi sourire et un ton des plus sarcastique, l'adolescent répondit calmement.

    « Ainsi vous aimez les petits gros, j'aurais pensé que les hommes comme vous » et il insista sur ce vous d'une voix dégoulinante de mépris, « aimaient plutôt ceux dont le mal-être se lit sur leurs os, mais au fond, vous devez juste aimer vous acharner, comme votre vie doit être bien ennuyante pour que vous n'ayez que cela à faire Chéri. »

    L'enfant se laissait guider se concentrant sur ses mots pour ne pas porter attention au contact agencé, à cette proximité qu'il exécrait.

    « Et vous pouvez me lâcher. Je ne vais pas m'enfuir », il rajoute après quelques secondes, voulant sûrement paraitre amusé, mais ne contrôlant pas cet accès d'agressivité qui transparut dans sa voix rauque.

    « Je vais pas m'enfuir parce que je vois vraiment pas comment sans perdre mon semblant de dignité », qu'il pense.

    L'idée de manger lui semblait inadmissible. L'idée de manger face à cet homme lui semblait inconcevable. Rien que d'y penser, c'était comme s'il allait vomir.

    Un seul problème à la fois, veux-tu, mon enfant ? Là, c'est plutôt pour ta pseudo fierté qu'il faudrait t'inquiéter.
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MessageSujet: Re: Au bord du vide, il y a de l'air || Allister Au bord du vide, il y a de l'air || Allister EmptyLun 1 Mar 2010 - 16:12

Topic terminé.

=> Au fond du gouffre, il y a Allister, au bureau du Directeur.
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