Maintenant, ici. J'ai rendez-vous avec vous.
Vous qui n'avez jamais rechigné à recevoir mes visites, qu'elles soient diurnes ou nocturnes.
Vous qui êtes les seules choses que j'ai toujours aimé imaginer, observer, caresser, triturer, peloter, savourer, déguster et pénétrer jusqu'aux frontières de l'imaginaire.


Mes chers livres. Mes seuls amours...
J'arrive à la bibliothèque, je regarde les quelques étudiants qui n'ont pas envie de rester ici éternellement, et qui ont décidé de se mettre à travailler et je me mets en quête de voir si mes livres chéris n'auraient pas subi les mesquineries de ces garnements.

j'arrive au premier rayon, qui rassemble toutes les poésies du monde, les plus connues bien sur. Je tombe sur Verlaine.

je me souviens...




_ Allez, Wilson. Récite-moi celle que tu as choisi.
_ Hum hum..

L'enfant se poste devant la vieille dame, et se redresse, pour paraître le plus droit possible. Il veut prendre celle qu'elle a toujours aimé. Sa poésie préférée, parce qu'elle a toujours aimé l'automne. Martha, elle a toujours eu

"Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone."

Il s'arrête un instant pour voir dans les yeux de la vieille dame mille feux luire quant à l'écoute de cette poésie, la première qu'elle lui a lue, la première qu'elle lui a enseigné. Deux ans sont passés, et il n'a pas oublié. Elle non plus.

_ Continue, dit-elle.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Son sourire est si grand que le gamin ne pense même pas à continuer, et qu'il se met à sourire, lui aussi.
Quelques secondes se passent ainsi, et elle

_ Allez, le dernier maintenant, insiste la vieille dame.

Il se ressaisit, se rend compte qu'il ne se souvient plus du dernier vers, ferme les yeux quelques secondes, histoire de ressasser le deuxième vers, et enfin, retrouve la mémoire. Alors il ouvre les yeux, et déclare fièrement :

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Bravo mon p'tit !

Elle sourit. Elle aime tellement cette poésie.
Elle l'aimait tellement...




Souriant à la vue de ce petit bouquin, je me mets à regarder le reste. Tout est bien rangé, tranquillement ; les livres sont entreposés soigneusement les uns à côtés des autres. Et ils attentent tout simplement qu'une main gentille vienne se poser sur eux et ouvre légèrement ouvrir la couverture qui renferme les merveilles dont ils regorgent.
Ces chers livres ! Si seulement la jeunesse savait ce qu'elle peut devenir en lisant seulement ces sources de savoir incroyables... Que disait Martha à ce sujet déjà ?
Ah oui "Ah ! Si Jeunesse savait !"... Ce à quoi je répondais souvent "Ah !Si Vieillesse pouvait !"

Regardant de part et d'autres, j'en profite pour remettre les livres au même niveau, histoire que ça soit plus présentable encore. J'observe les tables qui sont toutes propres et sagement alignées, parallèles aux étagères du savoir !
Ah, que c'est beau !

Bibliothèque. Comment, un mot qu'on croirait un bégaiement peut-il en fait désigner un endroit aussi merveilleux ? Pourquoi donc, le langage est-il si cruel envers le savoir ? C'est un grand mystère. Mais, le jeune criminel était bien content d'avoir trouvé un tel lieu dans cet établissement. Il ne tarderait sans doute pas à en être un fervent utilisateur ! Ça pour sûr ! Il se souviendrait toujours de la bibliothécaire de son lycée, s'étonnant du nombre de livres qu'il pouvait lire. Mais comment peut-on résister à l'envol dans un roman d'aventure ? Comment rester insensible à la poésie ? Comment ne pas s'imaginer dans un rôle de Shakespeare ? Et puis, les livres permettent évidement de se perfectionner, d'apprendre.

Et sa première recherche de livres s'étaient apparenté à cela. En fait, il avait fait le tour de l'institut, et avait découvert un théâtre qui offrait totalement un lieu pour qu'il puisse se remettre à sa passion première : la danse classique ! Mais avec le temps, il avait dû bien rouiller, et il n'était pas sûr de retrouver les bons pas, les bons gestes. Alors, il avait décidé de s'en remettre aux meilleurs professeurs : les livres.

Il avait d'abord fait un petit tour silencieux dans l'endroit, repérant tous les recoins, comprenant le rangement, tout d'abord par genre, puis par ordre d'alphabétique d'auteurs. Un rangement somme toute assez classique dans le milieu du livre. Par exemple, la bibliothèque de San Fransisco -bien plus grande- avait le même fonctionnement. Il avait eu l'occasion d'y emprunter quelques livres, avec une carte qu'il avait dérobé... Habituellement, il ne volait que l'argent, mais face à cette petite carte permettant l'accès au savoir, il n'avait pas résisté. Au final, il l'avait laissée en vue sur une table après deux ou trois utilisations, pensant qu'une telle usurpation était vraiment malhonnête. On peut être un voleur et avoir un minimum d'éthique !

Il trouva finalement l'espace réservé aux documentaires. Il trouva bien vite plusieurs ouvrages sur la danse classique. Il étoffa ses choix de quelques biographies de danseuses, telle que Polina Semionova. Et puis, ses pas reprirent leur inlassable promenade. Théatre... Pourquoi ne pas relire Roméo et Juliette ? Il lui avait manqué quelques répliques quand il avait déclamé son amour à une nouvelle Juliette. Soyons fou ! Et maintenant, la poésie ! Tiens, quelqu'un était déjà en train de regarder le rayon. Sloan se fit donc le plus discret possible, ne voulant surtout pas déranger la recherche de quelqu'un. Qui plus est, cette personne devait sans doute être soit un professeur, soit le bibliothécaire lui-même. Il ne savait pas trop. Ou peut-être était-ce un pensionnaire. Très sincèrement, il n'en savait rien, et pour le moment, sa priorité, c'était Oscar Wilde. Ses doigts fins effleurèrent les reliures, soulignant les noms d'auteur, et... ça y est ! Il les avait trouvé ! Les poèmes en prose du plus auteur irlandais de tous les temps ! Le recueil était assez mince, mais nul doute, qu'il ferait son bonheur. Il l'ouvre avec empressement, en faisant néanmoins attention aux autres livres qui encombrent ses bras. Ses yeux parcourent vivement le premier sur lequel le hasard le fit tomber. Le poème s'appelait « Le maître », et la plume de Wilde lui arracha un petit rire, qu'il étouffa bien vite. Il referma le livre, s'il le lisait ici, il risquait de rire dans un lieu de silence. Il fallait qu'il le lise dehors.

Le dilemme étant de savoir si cela était permis, et surtout, comment on faisait ! Il prit son courage – oui oui, il en a un peu-, et regarda autour de lui, l'homme de tout à l'heure remettait un peu d'ordre dans les livres, les alignant. Aucun doute possible, il était le bibliothécaire ! Il s'avança donc vers lui, assez timidement. Oui, il avait peur de le déranger, donc d'être mal vu, d'être détesté de lui, et de ne jamais pouvoir lire son livre ! Oui, en scénario dramatique, il est très inventif ! Arrivé à côté de lui, il hésita encore quelques secondes, puis se risqua à parler.

« Excusez-moi, monsieur... Bonjour... En fait, je suis nouveau ici... Et je me demandais si... si vous étiez le bibliothécaire... Et si... si on pouvait emprunter des livres... Et quelle est la... formalité pour cela.... »bafouilla-t-il dans un américain totalement teinté de cet accent si reconnaissable, qu'on lui avait si souvent reproché à l'école.

Ses mains s'étaient légèrement crispées sur les livres, et il les avait légèrement avancé, les mettant un peu en évidence, pour que l'homme comprenne que c'était ceux-là qu'il aurait aimé emprunter. En espérant que voir un garçon se documenter sur la danse classique ne fasse pas naître chez le bibliothécaire des piques moqueuses.

[Encore plus nul qu'avant ! Et pire encore : en retard T_T

Au passage, j'ai une petite idée en tête ! Est-ce qu'on pourrait faire en sorte qu'il s'agisse d'un RP suivant la mini-intrigue ? La bibliothèque est un des endroits qui seront plongés dans le noir ! On pourrait tenter de décrocher la Horror Doll ensemble ^^^]




Après les tables, j’observe à nouveau mes chers livres adorés, sagement appuyés les uns contre les autres, si beaux, si parfaits ! Un livre, c’est la perfection incarnée ! On peut tout savoir dans un livre, on peut tout inventer en écrivant une histoire ! Le livre, c’est l’évasion ! Pourquoi c’est pas une des définitions du dictionnaire ?! Pourquoi ce mot simple et mêlant le mot « lit » qui donne déjà envie de dormir, avec le mot « ivre » qui titube et rote à chaque glouglou fait par l’estomac, donne-t-il tant d’ennui à tous ces jeunes en besoin de rééducation ?! S’ils savaient la vie qu’ils pourraient avoir s’ils décidaient tout d’un coup de devenir le héros d’une de ces histoires fabuleuses de Tolkien ! S’ils savaient le pouvoir des mots ! Jamais ils ne quitteraient ces murs consolateurs pour un être brisé dans sa chair comme dans son âme. Ils sont si tendres ! Si doux, si sensibles, à l’intérieur ! Un peu comme ces gâteaux que je mangeais, enfant. Ils semblaient durs à l’extérieur, alors que le cœur était fondant et terriblement délicieux !

Je suppose qu’il n’y a quasiment personne, et donc qu’aucun de ces élèves ne viendra me déranger si je décide de bouquiner un peu, je ne tiens plus face à l vue de toutes ces choses merveilleuses qui s’offrent à moi et me murmurent d’entrer dans leur univers ! Leur langage silencieux, rares sont ceux qui savent le décoder. J’en fais partie. Et je ne peux résister à leur appel bien longtemps.
Alors je tapote, encore un peu par ci, hop, un tout petit peu par là… histoire que tout le monde croit que je suis en train de faire mon boulot… après tout, le boulot d’un bibliothécaire n’est-il pas aussi de savoir renseigner correctement les élèves sur la pertinence d’un sujet à étudier, ainsi que les bons ouvrages ?
Ouh là ! Faudrait pas pousser non plus, Maurice ! Je veux bien aider, mais point trop n’en faut ! Ils doivent apprendre à se débrouiller seuls, c’est que le monde autour est vaste et empli de requins, alors ils se démerdent ! Ce sont de grands enfants, après tout !

Perdu en pleines pensées, je ne me rends pas compte qu’un jeune homme est en attente d’une réaction de moi. Jusqu’à un instant où il commence à bafouiller.
Là, je me rends compte qu’on essaie de me parler, je lève la tête avec cet air qu’ont tous ces enfants qu’on appelle pour le diner alors qu’ils sont perdus dans leurs jeux, je l’observe, telle une certaine Leeloo dans un certain film dont tout d’un coup le titre m’échappe, et il cherche ses mots…
/Ses cheveux étaient de la couleur du miel et son corps comme une fleur blanche/

_ Excusez-moi, monsieur... Bonjour...

Euh ouiiii… qu’est-ce qu’il me veut lui ?! Je bredouille un vif et sec « ‘Jour » mais il continue. Il y a quelque chose qui cloche chez lui, qui ne lui fait pas ressembler aux autres élèves de ce bâtiment…

_ En fait, je suis nouveau ici... Et je me demandais si... si vous étiez le bibliothécaire... Et si... si on pouvait emprunter des livres... Et quelle est la... formalité pour cela...

Hum… la formalité pour emprunter les livres, c’est qu’il est intéressant le gamin ! Ca prouve que s’il n’est pas intelligent, il cherche au moins à le devenir. Et poli avec ça. Peut-être un peu trop poli. Hmm, non.
On n’est jamais trop poli, disait toujours Martha. Qu’est-ce qui cloche chez lui ? C’est très étrange, mais j’ai comme l’impression qu’il habite mon quartier. Pas mon quartier d’ici, plutôt mon quartier irlandais… pourquoi je pense à ça moi ?!
Et, tendus devant moi, comme une preuve de sa bonne foi et de sa volonté à travailler comme un élève normal et sérieux, des livres. Danse classique, théâtre, et…
Serait-ce un indice supplémentaire ? Oscar Wilde ? Ce petit a du gout en plus de cette chose qui fait déjà de lui un pensionnaire anormal de l’établissement. Je laisse un regard sur les livres, puis sur lui, puis à nouveau sur les livres… il n’a pas l’air de vouloir du mal à mes chers livres adorés, il semble même les apprécier autant que moi.
Pourquoi ne pas lui laisser une chance ? Une seule, bien sur !

_ Eh bien, il suffit de remplir le formulaire d’adhésion à la bibliothèque. Il se trouve à l’entrée, et il suffit pour la première utilisation, d’écrire les titres des livres ainsi que leurs auteurs sur la fiche. Une carte vous sera remise demain. Cependant, vous ne pouvez garder les livres qu’une semaine. Après quoi, s’ils ne nous sont pas rendus dans les temps, ou sont ne serait-ce qu’amochés, il vous sera inutile de demander la prochaine fois à les emprunter, car vous serez obligé de rester ici pour les feuilleter.

Mais c'est quoi ce quelque chose qui me fait penser à Martha... je n'arrive même pas à prononcer la suite. trop occuper à sonder son regard, histoire de trouver ce petit truc en plus...

Comment voir que l'on dérange quelqu'un ? Et bien, c'est assez simple.... Il relève vers vous une tête vaguement dédaigneuse, n'affichant pas un brin de sourire, et ajoute à cela un bonjour mal prononcé et antipathique. Sloan se demanda s'il n'avait pas à faire à un psychotique de l'établissement plus qu'à un bibliothécaire... Pour dire vrai, il regrettait presque de lui avoir adressé la parole. Il se demandait s'il n'allait pas lui sauter dessus pour lui dire d'aller emmerder quelqu'un d'autre. Non voyons, les gens civilisés ne font pas cela. Et nous sommes ici entre gens civilisés hein ? Le rouquin s'accrochait à cette idée, la civilisation étant sa seule chance de survie dans cet univers hostile. Oui, Sloan a un don pour tout dramatiser, comme tout bon froussard !

Il supporta la regard instigateur de son interlocuteur. Pourquoi le regardait-il ainsi ? Avait-il une tête qui ne lui revenait pas ? Faisait-il quelque chose de mal ? Vraiment, il se demandait. Peut-être avait-il une cochonnerie sur le visage qui le rendait ridicule... Vraiment, il s'interrogeait. Pourtant, les réponses finirent par arriver. D'une manière assez neutre... C'était sans doute un bon signe. Le moral de Sloan remonta, il n'avait pas un si mauvais karma que ça ! Il avait trouvé un lieu qui lui conviendrait pour toutes ses heures perdues, qui lui fournirait un foyer, des compagnons de papiers, et la culture. Quelle chance quand même.... Et puis... Il avait un accent.... Irlandais ? Nooon ? Sloan avait du rêver... Ce serait une telle coïncidence que de trouver ici un « frère » des origines ! Cela lui rappellerait le quartier de son enfance, toutes ces voix, ce gaélique que seuls les anciens les plus érudits connaissaient encore par fragments, le folklore, tout ça... Un tas de chose que les américains ne comprennent pas...

« D'accord.... Je vais aller le remplir alors. Merci de m'avoir renseigné monsieur... »

Il eut à peine le temps de finir cette phrase, en soutenant le regard de cet homme tout de même assez étrange, quand, une chose peu ordinaire se produisit. Relativement peu ordinaire. Le sol. Il trembla. Sloan connaissait ça. Dans la région, près de la faille San Andréa, les tremblements de terre sont chose assez fréquente. Mais le terrorisent. Un trouillard comme lui fait donc preuve d'un respect des règles de sécurité avec une docilité presque débilitante. Dès la première vibration, son regard parcourut l'endroit, ce n'était pas terrible, tout pouvait leur tomber dessus. Il y avait bien une table massive qui pourrait sans doute les protéger. Les protéger ? Pourquoi songeait-il à le protéger ? Sans doute parce que vu son accent, il ne devait pas être du coin, ni familier de ce genre de phénomène.

« Venez ! Vite ! »cria-t-il presque.

Il n'eut guère le temps de réfléchir plus, son instinct allant plus vite que ses pensées. Calant ses livres sous son bras, il saisit le bras du bibliothécaire, et l’entraîna avec lui sous la table, en un temps record. Digne des championnat du monde sprint. Le tout sans lui demander son avis. Une fois, accroupi, sous la table, on pouvait clairement lire dans ses yeux une peur panique. Ses mains tremblaient fortement. L'habitude et les conseils n'enlèvent pas la peur. Sa main gauche tenait toujours celle du bibliothécaire, il ne voulait pas perdre le dernier contact humain qu'il avait en cet instant, il en avait besoin pour tenir le coup, pour ne pas céder totalement à la peur.

Le gamin me regarde comme si je le dévorais des yeux. Quoi ? Il a jamais vu un misanthrope ?
Et puis, lorsque je parle, il semble oublier qui je suis, comment je l’ai dévisagé, il paraît même content de m’entendre… content de m’avoir face à lui. Mal à l’aise. C’est exactement la sensation qui me transperce de part en part. mais il n’en dit rien, c’est sans doute ma réponse qui l’a ravi… faut croire qu’il est moins stupide que les autres, ce petit, puisqu’il lit ! Alors oui, qu’il soit tout heureux d’apprendre qu’il peut signer un formulaire, pourquoi pas.

A peine a-t-il terminé sa phrase avec cette voix singulière mais familière, que je ressens comme quelque chose qui se dérobe sous mes pieds… Hein ? Nan, pas possible ! On dit toujours que…non, y’a forcément une autre explication. Et en regardant autour de moi, je suis soulagé de voir que ma seconde idée est plutôt confortée : c’est bien un tremblement de terre. Les étagères bougent dangereusement, le sol tremble, les meubles émettent des cris qui me brisent le cœur, ils hurlent leur douleur tandis que les lumières décident de nous fausser compagnie… ah non ! J’avoue que ce n’est pas pire que ma première idée, ma hantise devrais-je dire, qui a osé effleurer mon esprit un instant… Mais c’est tout aussi flippant ! Peut-être plus ! Tout simplement parce que sur le coup, on risque de mourir.

Bien sur, j’ai pas le temps d’en penser plus, sans doute trop fasciné par cette chose atroce qui se déroule sous mes yeux et sous mes pieds, que je me retrouve tiré puis quasiment projeté sous cette table de bois immense que j’ai observé il y a à peine une ou deux minutes, au plus, histoire de voir à quel point elle était polie et élégante. Sans doute le jeune avait-il parlé, en tout cas je n’ai rien entendu et j’ai juste senti le contact de sa peau contre la mienne, un contact étrange. Familier, lui aussi…
Et me voilà, là-dessous, alors que le reste du monde s’effondre autour de nous, face à ce gamin aux yeux dont on a l’impression qu’ils vont sortir de leurs orbites, et aux mains jouant de la batterie invisible.
« Il aurait fait un bon fouet de cuisine », me dis-je avant de me rendre compte qu’une de ses mains, celle qui avait créé ce contact entre nous deux, est non seulement en train de battre l’air comme sa sœur, mais qu’elle laboure littéralement la mienne…
Sa main est en train de broyer ma main ?
Y’a pas un problème là ?

Si on omet le fait que c’est la fin du monde, que ce môme est particulièrement effrayé et le fait que je suis persuadé d’avoir oublié quelque chose que je considère comme terriblement important, j’ai comme l’impression que, sortie du contexte, l’idée d’être main dans la main avec une autre personne – un garçon qui plus est – sous une table est assez… malsaine !
QUOI !
Sous une table ? Main dans la main ?
Nan, mais elle se fout de ma gueule la danseuse étoile ? Tu veux pas mon autre main dans la figure tant que tu y es ?
Incapable de faire le moindre geste banal, comme d’ordonner mes pensées, je le regarde, les yeux grands ouverts, plus par incompréhension que par peur de ce qui se passe à nos côtés. Coi. Je suis totalement coi ! Comme le lapin devant les phares d’une voiture, comme la poule retournée. Je comprends pas du tout ce qui est en train de m’arriver. Je n’ose pas bouger, et seule ma bouche tente de faire quelque chose d’intelligent, mais rien, rien n’en sort, rien ne parvient à franchir les portes désormais sèches de ma gorge…

C’est là que je me souviens. Cette chose terriblement importante : Mes chats !
Je tente alors de me défaire de son emprise, mais il a sacrément peur, le pauvre ! sa main refuse de céder !

[Désolée, pas du tout terrible comme post, avec des mois de retard.... No comment ! ]

Sloan avait terriblement peur. Vous me direz, cela ne changeait pas vraiment de d'habitude ! C'était courant de le voir fuir lâchement, mais là, c'était bien pire. C'était une peur panique. La peur qui terrorise les petits enfants le soir quand ils croient que le loup va les dévorer. Là, il avait peur que ce soit la terre qui le dévore dans sa colère totale. Il tremblait de toute part, ses yeux s'étaient embués de larmes. Un vrai gamin, il n'arrivait pas à contenir sa peur comme les autres. Il n'était pas un adulte à ce niveau là. Il cédait à la panique avec la rapidité de l'éclair.

Aussi, la main de ce bibliothécaire, il ne la lâcherait pas avant que la dernière secousse se soit produite. Et même après, il ne le lâcherait pas jusqu'à être sorti de là ! Non, non, non, on ne le laisserait pas tout seul ici ! Hors de question ! Il ne le lâcherait pas ! De toute façon, il en était incapable, il avait tellement peur, qu'il était incapable de reprendre le contrôle de son corps. Les muscles de ses doigts s'étaient crispés avec le stress au point d'en faire des étaux bien bloqués. Tant et si bien que quand l'homme essaya de fuir ses doigts, il n'y arriva pas. Lui même n'arrivait pas à desserrer ses doigts, même si le sol ne tremblait plus depuis quelques secondes. Mais l'obscurité a remplacé les tremblements. De quoi le maintenir dans un état de panique toujours total.

Le noir. C'est terriblement oppressant. C'est la fin de tout. C'est la mort. C'est horrible. Cette noirceur totale fait couler les larmes que ses yeux ont accumulé. Il était retombé en enfance, dans ses terreurs du noir total.

« Monsieur.... Ne me laissez pas... »murmura-t-il d'une voix sanglotante. « S'il vous plaît... »

Il déposa les livres par terre, et s'approcha de l'homme. La peur le rendait totalement inapte à réfléchir. Il ne pendait plus qu'il avait un téléphone dans sa poche qui aurait pu les éclairer. Il ne pensait plus qu'il n'était plus un enfant et qu'un adulte ne doit pas se laisser aller à un tel comportement, surtout vis à vis d'un bibliothécaire qui n'a rien demandé... Sa deuxième main attrapa sa manche. Il ne le lâcherait plus, c'était certain maintenant, il avait des prises sûres !