Saleté. Saleté, saleté, saleté de journée qui venait à peine de commencer. Au fond de lui, du vide. Ah ! Il en avait tellement marre. Marre d'abord d'être toujours tout seul. Au fond, il venait à peine d'arriver ici, il ne faisait que regarder les résidents de cet asile stupide. Quoi que, c'est pas vraiment un asile ici, n'est-ce pas. En tout cas, il n'avait rien à foutre là. Il le sentait. Depuis son arrivée. Pourquoi est-ce qu'on l'avait foutu dans un bled pareil ? Ce n'est pas un si mauvais garçon après tout. A part quelques fautes par ci par là.. ça arrive à tout les jeunes. Dérailler à un moment donné de leur vie. Mais Logan, bien sûr, fallait que ses satanés parents l'emmène dans cet endroit bizarre rempli de jeunes qui le ferrait sûrement replonger dans sa drogue et compagnie. Et dire qu'après sa dernière arrestation, il s'était promis d'arrêter... c'était pas gagné. Il se souvenait de sa mère, peinée, devant les flics. Au commissariat, lorsqu'il s'était fait -manque de bol- arrêter pour prostitution. Bizarrement, il avait senti venir qu'on allait lui faire un coup bas pareil. Bon, d'accord. Cet endroit n'est pas mal tenu, les gens ont l'air sympa mais cet environnement ne fait pas du tout partie de sa vie. Il aimait mieux lorsqu'il était dehors, qu'il gambadait comme un imbécile pour un oui ou pour un non. Planer en fumant tout et n'importe quoi. Mais non, il n'avait décidément plus le droit. Mais, plus le temps passait, plus il se disait qu'il pourrait certainement s'en aller lorsqu'il serrait majeur. Enfin, il pouvait toujours attendre.

Aujourd'hui, il ne pleuvait pas. Au contraire, il faisait plutôt beau. Un petit soleil caché derrière les nuages comme s'il ne voulait pas se montrer, timide comme il était. En fait, c'était dans les jardins qu'il s'était rendu compte qu'il était trop bas. Trop bas pour bien observer le ciel, trop bas pour se sentir libre, en train de voler... comme un oiseau (sauf qu'un oiseau ne se ramasse pas comme une m*rde lorsqu'il essaie de sauter d'un arbre). Enfin bref, il fallait qu'il prenne de l'altitude. D'urgence. Et pas grimper sur un arbre. Ooooh ! Non ! Il n'était définitivement pas fait pour cela. Il a beau descendre du singe, il n'a rien d'un singe. Logan, il est plus pour la marche, monter des escaliers. Ces choses simples de la vie quoi. Même si... les ascenseurs existent. Mais, ici, ils ne semblent pas connaitre, alors...
Assis sous son arbre, à l'ombre, il finissait par se décider à se lever pour aller jusqu'à l'endroit qui menait au toit. Honnêtement, il ne retenait pas vraiment tout les mots qu'ils utilisaient, ici, pour nommer une entrée de... toit. En fait, ça s'appelait sûrement une tourelle... une tour... il n'en savait trop rien en réalité. Le brun pouvait juste dire qu'il était pratiquement sûr qu'on accèdait au toit par cet endroit. Et d'ailleurs, il n'y avait certainement pas plus haut que le toit. Il rêvait, c'était comme s'il était aimanté par le ciel. Restait plus qu'à mourir et il y était pour de bon. Ahah. Quel marrant. Non, il n'est pas suicidaire, loin de là. Il ne comptait pas non plus sauter du toit. En fait, ce qu'il voulait, c'était surtout essayer de toucher un nuage. J'avoue que... sa conscience d'enfant prend parfois le dessus sur sa façon d'être habituelle.
Puis, il poussait la porte pour monter les escaliers.
Aussi bizarre que ça puisse paraître, il avait entendu par l'un des résidents qu'on était obligé de passer par l'observatoire pour aller sur le toit. Ce n'était pas un problème. Logan n'était ni pressé, ni fantaisiste au point de s'imaginer dans le ciel des poneys en train de voler sans l'attendre. Non, ça, c'était pas lui du tout. Il pouvait avoir une âme d'enfant autant qu'il le voulait, des imaginations pareilles, il s'en passait très bien.

Il n'est pas fatigué pour aussi peu de chemin. Des marches, c'est facile à gravir. Une porte, c'est également facile à pousser. Et il s'attardait un moment dans l'observatoire. La vue était belle. Mais ce n'était pas ce qu'il voulait. Il n'avait pas le nez en l'air, la tête dans les nuages, à quelques centimètres du ciel. Non, bordel ! Il avait cette furieuse envie d'être.. sur le toit. Ses yeux cherchaient l'accès. Sûrement une porte abandonnée. Un truc de ce genre. Bah, après tout, ça ne faisait que quelques mois qu'il était ici. Il ne pouvait pas connaitre par cœur les endroits qu'il n'avait carrément jamais vu. Quoi ? Habituellement, il n'accède pas aux toits. Logan plane d'en bas, lui. Il n'a pas besoin de sauter sur une toiture. Non.
Et soudain, elle lui crevait presque les yeux. Cette porte.
Il savait qu'il était seul, pourtant, il ne pouvait pas se retenir de zieuter autour de lui. Histoire de, justement, s'assurer qu'il allait en solitaire. Ca ne menait pas à grand chose. Il était seul, c'était silencieux. A moins qu'il ne loupait quelques coins de l'observatoire. Vous savez, ces coins sombres que l'ont ne vois pratiquement jamais lorsque l'ont passe au milieu d'une pièce.
Puis, enfin, il la poussait. Et un courant d'air s'abattait sur son visage. C'était si agréable qu'il en oubliait de fermer la bouche. Un courant d'air lui fait toujours un bien fou. En fait, c'est tellement doux qu'on à l'impression que quelqu'un nous caresse du bout des doigts. Souvent, l'affection, il la cherche de cette façon. Après tout, même au pied d'un arbre, il y a une petite brise. Mais Logan venait de se rendre compte que sur un toit... c'était mieux qu'une caresse. C'était comme si on te faisais l'amour, rien qu'en te frôlant.
Doucement, il s'avançait jusqu'à être au milieu du toit. Le nez levé vers le ciel. Pour le moment, il ne faisait que cela. Observer. Autant de temps qu'il le pouvait. Le vent pénétrait les pores de sa peau, le touchait intimement. Il devenait peu à peu son amant.
Puis il entendit un bruit dans son dos, le faisant automatiquement faire volte-face.

- Qui est là ?! s'écriait-il, irrité qu'on l'ait interrompu dans sa discussion avec le vent.

Crispant les yeux, il remarquait que la personne n'était pas assez vieille pour être du personnel. Dans tout les cas, on ne le ferrait pas dégager. Alors il soupira et releva à demi le nez vers le ciel. Les nuages avaient définitivement cachés son bleu.

Il y a des jours comme ça où tout semble aller bien.
Finalement, il suffit de ne plus penser à rien.

Tel était son crédo depuis des années. Ne plus penser aux choses qui fâchent, tout enterrer, tout oublier. La lucidité, ça peut se contrôler, et pour ça on peut dire merci à l'Héroïne. Ou on peut aussi se réconcilier avec sa meilleure amie. Ou encore, la cerise sur le gâteau : ne pas croiser Jeremiah. Pour la première fois depuis longtemps, c'est une journée sans pépins, ou presque. Il reste toujours les problèmes quotidiens, car la vie à Teenagers n'est jamais facile, et pour preuve : si on y a atterrit, c'est qu'on est pas défaut un nid à problèmes. Et par derrière, il y a le personnel psychiatrique qui en rajoute une couche. 'Parle nous, et ça ira mieux'. C'est ça, et tu suces pour un Mars aussi ? C'est comme ce stupide procureur qui l'a envoyé ici "pour son bien". Ils veulent tous bien faire. Mais même les pires choses ont été faites avec les meilleures intentions du monde...Lui n'avait rien demandé. Il voulait juste qu'on le laisse tranquille, qu'on le laisse crever dans la rue ; tout aurait été plus facile. Enfin. Même s'il voulait ruminer sur tout ça, il ne pourrait pas. On ne raisonne jamais clairement sur l'utilité de la vie quand on est sous l'emprise d'une drogue dure.

C'est une belle journée, donc. Le ciel est bleu, et les éléphants roses font un numéro de claquettes dans le jardin. Mais il reste toujours l'éternelle question qu'on se pose après quelques mois passés à Teenagers : "qu'est ce que je vais bien pouvoir foutre de ma journée ?" Y'a des jours comme ça où on s'emmerde un peu, où l'on a l'impression d'avoir tout vu après avoir exploré les moindres recoins de l'institut. Errant dans les couloirs glacials et mal isolés, Nathanaël s'allume une cigarette - qui n'est que la première d'une longue série. Pendant qu'il pompe son énorme dose de nicotine quotidienne, son esprit embrumé cherche quoi faire. Sa lessive est faite, il a prit sa douche, son déjeuner aussi, même son lit est fait. Aby doit être sûrement en train d'éliminer son trop plein d'énergie au gymnase...L'idée d'en faire autant ne le tente guère. Les autres résidents ont tendance à jouer les brutes quand il s'agit de sport. Nath' en a déjà fait les frais plusieurs fois, et il n'a pas l'intention de se rajouter quelques bleus. Ceux qui le martyrisent lui en fournissent déjà bien assez. Il reste toujours le parc, ou même la bibliothèque, mais ces endroits sont des zones considérées comme potentiellement dangereuses, dans la mesure où Jeremiah prend plaisir à y traîner aussi.

Donc, pour ne pas gâcher cette belle journée, Nathanaël renonce à y mettre les pieds aujourd'hui. Même s'il ne l'avouera jamais, ce type lui fait peur, de par son comportement et par le désir qu'il arrive à créer chez lui. Impossible de contrôler ses émotions primaires en sa présence. Et Aby ne pourra pas le protéger tout le temps...De même qu'il ne pourra pas éviter éternellement la personne qu'il craint le plus au monde. Mais ça devrait être possible aujourd'hui. Si on sait où aller. Les caves et autres souterrains sont déjà occupés par les résidents psychologiquement très atteints. Il lui reste donc le toit...Et vu comme ça caille aujourd'hui, malgré le ciel bleu, il y a beaucoup de chances pour qu'il n'y trouve personne. Donc va pour le toit, décide t-il en jetant sa cigarette fumée jusqu'au filtre par la fenêtre la plus proche.

L'irlandais aime bien le toit. On y a la meilleure vue, et c'est aussi le meilleur endroit pour regarder le ciel. Ce si beau ciel qui l'a de nombreuses fois empêché de sauter par dessus le balcon. Un très bon endroit quand on veut tout simplement être tranquille. Il connait le chemin par coeur pour l'avoir emprunté des centaines de fois. Le junkie ignore si son persécuteur favori connaît cet endroit...C'est peut-être mieux comme ça. Il finit par arriver à l'observatoire, et le vent en profite pour lui fouetter le visage. Le froid traverse ses vêtements et pénètre dans ses os, et pendant un instant il sent tout son corps frissonner. Évitant délibérément de jeter un regard dans le vide, il enfonce son menton dans le col de son sweet pour conserver sa chaleur et emprunte le petit grillage qui mène au toit.

- Qui est là ?!

Surpris, le junkie relève la tête, et doit chasser une mèche de ses cheveux battus par le vent pour s'apercevoir enfin que la place est déjà prise par...Par quelqu'un qu'il ne connaît pas, mais qui ne semblait pas ravit d'être déranger. Précipitamment, Nathanaël met les choses au clair.

« Du calme. J'viens juste pour fumer. »

Secrètement, il espère que l'invité surprise n'est pas du genre 'dégage-si-tu-veux-pas-mon-poing-dans-la-gueule'. Pendant quelques secondes, il l'observe plus attentivement, pendant que les nuages se font plus nombreux à l'horizon. Non, il ne se souvient pas l'avoir croisé. Il était sûrement à Teenagers depuis pas très longtemps, bien qu'il ne peut pas se vanter de connaître tout le monde ici. En tout cas, l'inconnu semble seulement irrité par sa présence, mais pas au point de le virer à coups de grands coups de pieds aux fesses. C'est du moins ce qu'il espère...Et comme il n'a pas le courage de chercher un autre endroit à squatter, il se décide à se lancer dans une tentative de cohabitation :

« J'peux rester ? Promis, je ferais pas de bruit. »

Qui ne tente rien n'a rien, et comme à Teenagers la domination d'un territoire est également monnaie courante, mieux vaut ne pas réveiller le chien qui dort et simplement demander la permission. Évidement, rien ne l'empêchera de faire ce qu'il veut par la suite, mais en général, la politesse fonctionne plutôt bien. Il prend même un peu les devants en sortant une nouvelle cigarette de son paquet - tout en s'inquiétant de savoir s'il en aura assez pour la journée -, sans cesser de fixer le jeune homme dont il attendait la réponse.

« Du calme. J'viens juste pour fumer. »

Il soupirait. Au fond, il n'avait pas à se montrer hostile. Cet endroit ne lui était pas réservé. De plus, il ne pouvait pas se permettre de faire la langue alors qu'il venait d'arriver ici. Un petit nouveau ne pouvait pas se rebeller. Quoi que... Au fond, il le pouvait. Logan n'allait quand même pas se laisser marcher sur les pieds pour si peu ! Enfin... ce n'était pas comme si le garçon qui venait d'arriver lui ordonnait de partir. Au contraire, en fait. Alors il détournait ses yeux du ciel et allait vers lui lentement, les mains dans les poches. Détrompez vous, il n'allait pas vers lui pour le taper, loin de là. C'était peut-être l'occasion d'avoir une connaissance entre ces quatre murs. Ca l'énervait de ne pas avoir beaucoup de connaissances. C'était comme si il ne pouvait pas vivre sans ami. Et c'était à moitié vrai.
Un coup de vent et le long de son échine, un frisson meurtrier. Logan haïssait frissonner.

« J'peux rester ? Promis, je ferais pas de bruit. »

Un léger sourire en coin. Plus il était proche de lui, mieux il se portait. La fumée de la cigarette le rendait joviale. De plus, sa phrase était assez enfantine. Elle en avait des tons. S'il pouvait rester ? C'était une évidence. Non, Logan n'allait pas le virer, c'était net. Ce type était sûrement là avant lui. Il haussa alors les épaules. Après tout, qu'il soit là avant où non n'était pas le sujet.
Une fois devant lui, le brun passait sa main dans ses cheveux machinalement.

« Tu peux rester si tu m'en passe une ♥ »

Sans se gêner, il attrapait celle qu'il venait de retirer du paquet. Rien que toucher une cigarette (même si ce n'était que du tabac) le rendait heureux. Ca faisait un moment qu'il n'en avait plus touché. Au fond, il essayait de faire des efforts. Mais l'envie est trop forte. Il fallait vraiment qu'il se la grille. Alors il sorti de sa poche le seul et unique briquet qu'il lui restait. C'était le rescapé. Il n'était plus accompagné de ses amantes. Mais cette fois-ci, il jouirait d'allumer celle entre ses doigts. Il espérait quand même que le brun ne le prenne pas mal. Logan entendait par là qu'il ne prenne pas mal le fait qu'il lui piquait une clope. C'était peut-être difficile d'en avoir ici. Enfin, il n'en savait trop rien.
Il tirait sur le bâton de nicotine, humait la fumée, s'en délectait tant qu'il le pouvait. Son briquet avait regagné sa poche arrière, et ses doigts étaient littéralement en train de jouir d'avoir quelque chose entre les doigts autre qu'une sucette ou un cure-dents. Ses yeux s'étaient fermés pour profiter de la sensation de liberté qu'il se procurais en fumant. C'est comme si ça coulait dans ses veines. Mais il les rouvrit pour regarder son compagnon. Logan lui tendit sa main libre.

« Je m'appelle Logan. Je ne suis là que depuis quelques mois. Enchanté. »

De nouveau, il tirait sur la cigarette. Le brun ne se souciait plus ni du vent, ni du ciel.