Courir. C'était une des choses que Marie savait faire depuis très longtemps. Une des choses pour lesquelles elle excellait. Avant, elle courait tout le temps. Partout. Pour se déplacer, pour rentrer chez elle. Elle n'avait pas tellement le choix non plus. Son temps libre était partagé entre la course et les études.
Plusieurs de ses profs de sport lui avaient par ailleurs conseillé de s'inscrire à un club d'athlétisme pour mettre ses talents en oeuvre. Mais elle ne pouvait pas. Trop cher. Trop de temps. Et le club le plus proche était loin de son "logement".
Alors elle courait seule.
Et aujourd'hui, en cet instant, elle en avait grandement besoin. Elle était arrivée il n'y a que peu de temps, mais elle avait déjà trouvé le moyen de détester et se faire détester par la personne qui allait être son "colocataire".
Sans compter que l'autre était partie, rappelée par ses parents on ne sait pourquoi. Hypocrites adultes. Ils ont eu des remords à confier leur fille chérie dans un centre comme celui là ?
Qu'importe... Personne n'allait regretter Marie ici. Surtout pas ses parents. Sa mère était morte pour elle, en lui donnant naissance, et elle avait réussi -involontairement ceci dit- à tuer son père.
Enfin, le jardin... Le parc à l'air relativement grand. Marie pourra sans doute courir assez longtemps sans avoir l'impression d'être un hamster coincé dans un petit périmètre.
La première foulée. La deuxième. C'est parti. Tout de suite, son corps et son esprit s'apaise. C'est son calmant à elle. Beaucoup plus sain que l'alcool, même si elle a parfois tendance à en abuser.
Au rythme de sa respiration, ses pensées s'emmêlent et toute sa fureur se calme peu à peu. Elle était lancée, et peu de personnes pourraient la suivre jusqu'au bout.
Dans un premier temps, sa vue légèrement troublée par quelques larmes n'avait absolument rien retenu du décor. Puis Marie se mit à observer à droite, à gauche. Le parc était relativement joli pour un tel centre. On était tout de même loin du cliché des barres de béton posé sur un stock de boue. Il devait même y avoir un terrain de sport.
A part la course, Marie n'était pas tellement douée pour le sport. Son seul avantage était d'être endurante. Mais à part ça, les sports collectifs la rendaient malade, son imprécision ne la prédisposait pas aux sports de raquette, elle ne savait même pas nager et n'a jamais été douée pour le combat.
Courir, c'était sa façon de s'évader tout en restant en forme.
(...)
Marie ne savait plus depuis combien de temps elle courrait. Elle ne savait pas combien de fois elle avait fait le tour du parc. Elle n'y avait guère prêté attention par ailleurs. Le soleil commençait à se coucher, c'est tout ce qu'elle savait.
Légèrement en sueur, elle n'était pour autant pas spécialement fatiguée. Ses longues journées privées de liberté ne l'avaient finalement pas tant rouillée que cela.
Alors que le vide s'était fait dans sa tête depuis déjà quelques temps, Marie se reprit à pensée.
Elle ne savait pas où manger ici, ni quand, ni ce qu'il fallait faire ou pas. Elle ne savait en fait pas grand chose. A bien y réfléchir, on lui avait peut-être donné une sorte de règlement qu'elle avait jeté à la poubelle aussitôt.
Elle ne souhaitait pas parler aux autres, mais il faudrait bien au moins trouver un membre du personnel pour lui poser quelques questions.
En attendant, la faim ne la tenaillant pas plus que ça, la jeune fille continuait sa course, inlassablement.