L’Eveil fut pénible. Très pénible. Se faire « tiser » n’est jamais une expérience bien agréable. Surtout quand on ne s’attend pas à recevoir une décharge électrique capable de tétaniser tous les muscles de votre corps et de vous griller les connexions neuronales au passage. On peut donc comprendre un peu mieux l’éveil difficile de la jeune femme suite à cette attaque.

Abysse se massait lentement les tempes du bout des doigts. Tout son corps semblait engourdi à l’exception de sa tête. En effet, de terribles pics de douleur lui traversaient par intermittence le crâne. Elle peinait à retrouver ses esprits et surtout sa mémoire. Mais qu’est-ce qui avait bien pu la mettre dans un état pareil ? En temps normal, elle aurait pu mettre ça sur le compte d’une bonne gueule de bois suite à une soirée arrosée. Cependant, cela faisait un petit moment qu’Abysse avait délaissé l’alcool et les cuites qu’il promet. Elle mit un certain temps à recouvrer ses esprits et à se remémorer ses derniers instants avant de perdre conscience.

Elle se trouvait à l’Institut, son dossier d’inscription en main. Un petit c** l’avait hélé et insulté. La mémoire lui revenait peu à peu. Abysse ferma les yeux et soupira. Elle avait frappé le jeune homme et lui avait joliment refait le portrait. Suite à cela, elle avait sentit tous ses muscles se tétaniser et avait sombré dans l’inconscience. Ainsi, elle avait reçu un coup dans le dos alors qu’elle s’occupait de faire taire l’autre débile. Abysse serra les mâchoires. Elle n’appréciait pas vraiment les attaques dans le dos. C’était le genre de chose qui l’agaçait passablement et qui lui donnait envie de jouer des poings. La jeune femme n’était guère une personne particulièrement violente. Du moins, elle ne l’était pas tant qu’elle ne s’énervait pas à en perdre les moyens. Le problème était que ces derniers temps, elle avait tendance à avoir les nerfs à fleur de peau. La mort d’Alundra l’avait plongé dans un état qui la rendait irascible pour un rien.

A présent, Abysse s’en voulait légèrement d’avoir frappé l’inconnu. En temps normal, elle se serait contentée de l’ignorer ostensiblement. Elle peinait à garder ses moyens en ce moment. Il fallait y remédier. Maintenant, il ne restait plus qu’à espérer qu’elle intégrerait l’Institut et qu’ils pourraient l’aider à canaliser sa haine accumulée depuis tant d’années. En parlant de ça, Abysse jeta quelques regards hagards autour d’elle. Elle se trouvait dans un lit aux draps propres. Elle n’en avait guère l’habitude. Elle avait d’ailleurs été dévêtue et ne portait qu’une sorte de blouse qu’on distribuait dans les hôpitaux. Abysse fronça les sourcils, on l’avait emmené à l’hôpital ?

La jeune femme s’étira pour se dégourdir les membres. Toutes les articulations se mirent alors à craquer sinistrement. Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Elle entendit un bruit sur sa gauche. Un des rideaux qui entourait son lit se souleva et laissa place à une petite femme, menue, en tenue d’infirmière. Elle la salua et lui expliqua qu’elle se trouvait à l’infirmerie de l’Institut. La petite femme répondit à chacune de ses questions d’un air doux et agréable. Elle semblait réellement gentille. Abysse devait bien avouer qu’elle n’avait guère l’habitude de ce genre de comportement vis-à-vis d’elle. Elle n’allait pas s’en plaindre.

Ainsi donc, elle apprit qu’un des surveillants l’avait « tisé » pour la calmer et l’immobiliser. L’infirmière lui raconta qu’apparemment, personne n’avait su l’arrêter tellement elle se battait comme une démone. Abysse en fut légèrement gênée. Elle avait donc perdu tous ses moyens. Savoir cela la troublait et la blessait profondément. Son comportement passé prouvait bien qu’elle était incapable de se maîtriser. La jeune femme s’enquit alors de savoir si elle était acceptée à l’Institut malgré son entrée en scène bien peu orthodoxe. L’infirmière lui confia alors non sans un sourire amusé qu’elle faisait bien parti de l’Institut désormais et qu’on lui avait attitré une place dans un dortoir mixte.

Abysse en fut légèrement soulagée. L’infirmière s’en alla pour aller lui chercher ses vêtements. Tout de même, la jeune femme était légèrement inquiète quant à la question du dortoir. D’après ce qu’elle avait compris, elle ne serait donc pas seule. Abysse se montrait de plus en plus solitaire ces derniers temps. Elle ne savait pas vraiment comment aller se passer la colocation. Il n’y avait plus qu’à espérer que ses compagnons de chambre ne se montreraient pas trop agaçant. Abysse ne souhaitait pas vraiment avoir à en calmer un à coups de poings. Elle avait peur de ne pouvoir se contrôler.

L’infirmière revint avec ses vêtements. Ils avaient été lavés et soigneusement pliés. Abysse n’en revenait pas. Non, elle n’était pas vraiment habituée à ce genre de soins. Elle, l’enfant des rues, ne comprenait pas pourquoi elle méritait autant d’attention. Elle remercia l’infirmière avant qu’elle ne disparut dans une pièce adjacente et se leva lentement. Ses muscles étaient encore engourdis et endoloris par le choc électrique. Elle soupira. Elle avait réussi à faire une entrée des plus triomphantes dans cet institut. Désormais, elle était sûre qu’elle ne passerait pas inaperçu. Pour la discrétion, c’était amplement raté. Après s’être levée, Abysse enfila rapidement ses vêtements et souleva un rideau pour jeter quelques regards vers l’extérieur. Ainsi commençait son premier jour à la Teen’s Institut.