Traînassons gaiement. [Chacha]

Sujet: Re: Traînassons gaiement. [Chacha] Jeu 4 Mar 2010 - 2:30

Le silence qui suivit les paroles de Dave était assez surprenant, et Sacha fut sur le point de demander de quoi il en retournait à Moon. Sur le point. Presque. Presque... Non.
En réalité, Aleksandr avait la certitude qu'il ne demanderait rien, qu'il ne dirait rien. Sans vraiment savoir pourquoi.

Son amie se tenait penchée, le visage caché derrière ses mèches de cheveux, impénétrable. Dave avait l'air de celui qui ne sais pas où se mettre.

Le silence total de la scène était contrasté par les murmures pressants en provenance des observateurs massés derrière la vitre cassée. Sacha ne comprenait pas l'anglais, mais il n'y avait pas besoin de ça pour voir qu'il espéraient que Moon et lui soient -au moins- scarifiés.

Soudain, un cri retentissant poussé par Moon brisa le silence ambiant. La stupeur se peignit sur le visage des deux hommes tandis que Moon hurlait à pleins poumons le nom de son chaton. Elle partit en trombe, fondant la foule de spectateurs tandis que Sacha et Dave se remettaient de leur surprise.

Sacha lança un regard au vigile, voulut s'expliquer, mais ne parlant pas la même langue que lui, se ravisa. Dave parut comprendre son trouble car il le rassura d'un signe de tête.

Aleksandr s'élança sur les traces de l'adolescente. Certes, grâce à sa taille, le jeune homme avait l'avantage de la vitesse, mais il ne savait pas où aller...
Après avoir rapidement traversé la foule, le russe s'arrêta et se força à réfléchir.
Où pouvait-elle aller ? Elle cherchait son chat, c'était sûr. Aux dernières nouvelles, il était dans le sac à main de Moon. Où pouvait-elle avoir laissé son sac à main ?
Aleksandr repassa lentement ses souvenirs, à quel moment exactement ne l'avait-elle plus ? Aux essayages ! Sacha se rua vers les cabines d'essayage, il ne savait pas exactement ce qu'il craignait mais un sentiment confus l'habitait. Il poussa un juron lorsqu'il ne trouva pas Moon aux cabines.

Où ? Où pouvait-elle être ?
Sacha tourna sur lui-même dans le futile espoir de l'apercevoir. Quand il l'aperçut son cœur se serra. Il craignait qu'elle ne perde le contrôle d'elle-même. Son attitude vis-à-vis des adolescents ne laissait pas place au doute.
Il poussa un soupir soulagé quand l'un des ados' lui tendit le sac sans discussion et s'enfuit en courant suivi de sa bande.

Rassuré, Aleksandr marcha jusqu'à Moon et celle-ci, sûrement en entendant le bruit de ses pas, se retourna et lui demanda, alors qu'elle-même pleurait, si il allait bien.

- Moi, ça va à peu près...

Elle écouta calmement la réponse de Sacha, mais répondit sans vraiment en prendre compte.

- Pourquoi t’as fait ça ? Je veux dire… Pourquoi tu as détruit cette vitre ? J’aimerai juste savoir…Tu as dû te faire mal… Tu vas avoir une cicatrice, maintenant…

Sacha eut un sourire amusé qu'elle ne vit pas puisqu'elle avait décidé de déposer son chat au sol. Quand elle se retourna, elle se retrouva collée aux vêtements trempés de sang de Sacha (et également à Sacha, qui quant à lui n'est pas un vêtement). Moon rougit et s'éloigna en posant ses mains sur le torse d'Aleksandr (qui ne savait pas trop comment réagir). Puis, lentement, elle défit le bandage de son avant-bras gauche.
La vision était apocalyptique, la peau était déchiquetée, scarifiée, brûlée, ou quelque chose d'approchant. Elle n'était pas belle à voir, fine comme une feuille de papier, elle laissait voir les veines bleutées, sous le peu de squame qu'il lui restait.
Sacha n'était pas quelqu'un facile à déstabiliser, pourtant il le fut.
Sacha n'était pas quelqu'un facile à rendre triste, pourtant il le fut.

La jeune fille cacha son visage derrière un rideau de cheveux, laissant toutefois sa main tendue devant elle.

Lentement, Sacha défit le bandage de son bras droit avec ses dents, de l'autre il alla remonter le visage de Moon en la poussant doucement sous le menton.

Il planta son regard dans celui de la jeune fille pendant qu'il effleurait son avant-bras blessé contre le sien.

- Exactement comme toi, murmura-t-il.

Sujet: Re: Traînassons gaiement. [Chacha] Sam 6 Mar 2010 - 13:13

Là où tout n’est que beauté, luxe, calme et volupté. Vous croyez qu’il existe un endroit pareil ?
Pas moi. En tout cas, on ne l’a pas encore découvert. Mais peut-être qu’il existe quelque chose d’approchant sur terre… Je ne sais pas où.

Mais fermons la parenthèse, et reprenons notre récit.
Commençons d’abord par plus de précisions.
L’automutilation est considérée comme due à une maladie mentale, de type en général névrotique, et plus rarement psychotique, ce qui peut être considéré comme plus sérieux et plus grave.
La personne qui s’automutile, le fait en général soit pour voir du sang couler, soit pour ressentir une douleur physique suffisamment intense pour détourner son esprit de tout autre chose.
L’automutilation a en général lieu de manière rituelle, dans un endroit tranquille et isolé, à l’abri des regards indiscrets.
Elle peut s’accomplir de différentes manières, avec pour outil différents instruments, mais elle n’a qu’un seul but : faire mal.

Les personnes qui se livrent à l’automutilation sont –majoritairement- solitaires et/ou introverties, mal dans leur peau, et ont été –encore une fois, dans la plupart des cas- victimes de traumatismes dans leur enfance ou leur jeunesse.
On pratique l’automutilation plutôt à l’adolescence, car en plus des problèmes psychologiques que l’on peut avoir, on subit également des changements hormonaux et physiques, et une pression à la conformité difficile à supporter pour certains.

Et nous pouvons à présent reporter notre attention sur le moment –dirons nous- présent.

L’action se passe dans un centre commercial d’une petite ville de Californie, aux Etats Unis, plus spécifiquement dans un recoin d’un magasin de vêtements, près d’une vitre éclatée et de gouttes de sang, entre deux slaves, un Russe et une Polonaise.

Je devrais m’intéresser à l’état d’esprit de Moon, mais je préfère continuer l’action, et faire cela un peu plus tard.

Ainsi donc, Moon avait –bien que ce ne fut pas le moment- décidé de révéler à son ami –voire plus, elle commençait à en être sûre, du moins pour elle- la part la plus dégoûtante, putride, et repoussante d’elle-même –et je dis elle-même parce que je ne parle pas de sa double personnalité.

« --Exactement comme moi. »

Elle avait tendu, comme une arme ou un corps étranger qu’elle rejetait, son bras droit, à l’épiderme déchiqueté la boite crânienne vidée de tout espoir. C’était justement par désespoir qu’elle avait accompli et qu’elle accomplissait encore ces sanglantes luttes avec elle-même. Ses cicatrices les plus récentes dataient de la veille, l’ensemble donnait donc un mélange fort peu ragoûtant de chair, de sang et de cicatrices.
Fausse, l’adolescente pure et simple.
Fausses, les paroles d’espoir distillées autour d’elle. Fais ce que je dis, pas ce que je fais.
Faux, les sourires larges et teintés de mélancolie.
Et Enfin, FAUX, le bonheur qu’on lui avait promis.

Moon et son monde ne faisaient que paraître. Rien que des lumières, des cicatrices fardées sous les projecteurs, une couche de peinture sur son front et son cœur.

Fausse, l’indépendance qu’on lui avait promis.
Faux, le sevrage d’héroïne et de tabac.
Faux, le futur dont on lui avait tant parlé.
Faux, son inspiration et son talent.
Fausses, ses échappatoires, ses fuites, et ses créations.
Tout n’était que faux-semblants, trompe l’œil, dépendances et addictions.

Elle était anéantie, amorphe, et désespérée.
Jusqu’à ce que…

On lui avait relevé le visage, et, bien qu’elle eût tenté de dégager son regard, ses pupilles claires et délavées avaient plongé dans le regard métallique du jeune homme blond en face d’elle, et son esprit avec.
Elle avait frissonné à ce contact spirituel –presque physique tant la tension était palpable- en ressentant l’émotion et la tristesse que cette révélation avaient provoqué chez son interlocuteur. Ne lui était-elle donc pas totalement étrangère ? Elle sursauta presque en sentant un contact sur son bras, celui de la peau tiède du jeune homme, contrastant avec son corps glacé, comme en porcelaine, égal à celui d’une poupée endommagée dont on ne voudrait plus. Ses paupières s’écartèrent un peu davantage, et elle perçut une parole.

«--Exactement comme toi. »

Elle ouvrit la bouche, voulant parler, mais ne trouva rien à dire. Malheureusement pour nous, les mots ne peuvent pas tout exprimer, nous vous laisserons donc le soin d’imaginer ce que la fantômatique jeune femme put ressentir.
Désarmée par les yeux de Sacha, Moon détourna vers la gauche et baissa le regard.
Elle se rembrunit, rougit, se mordit la lèvre inférieure, son menton commençait à trembler. Elle se perdait. Une larme roula sur sa joue, elle tendit l’autre bras, celui qui n’était pas déjà en contact avec l’adolescent, et entoura le dos du blond de ses membres faibles. Elle se blottit contre lui, parce que c’était tout ce dont elle était capable pour le moment. Elle fut envahie par une odeur de sang, mêlée d’une autre senteur, qu’elle n’avait jamais humée jusqu’à présent. Une senteur épicée, chaleureuse, ressemblant un peu à celle du pain d’épice au tournesol. Elle entr’ouvrit les lèvres.

« --Je me perds. Je croyais que je ne ressentais rien par moi-même. J’ai menti. Et puis, j’aimerai qu’on m’aide, qu’on me comprenne, qu’on m’aime. Je croyais manquer d’espace, en fait, j’en ai plus que ce que je voyais. Même si ce n’est toujours pas assez. Je crois que j’ai plus de repères que ce que je pensais. J’en ai au moins trouvé un, j’y suis accrochée, et je ne compte pas le lâcher de sitôt. Je suis moins apathique que ce que je disais. »

Elle dit cela, la voix étouffée par les sanglots. Mais elle se calma sur la fin, et enfouit de nouveau son visage dans le T-shirt du jeune homme, l’extérieur caché à ses yeux. Elle serait restée là pour toujours.

«--Toi aussi tu as avalé un aimant ? It seems like I couldn’t pull away…”

Elle savait que Sacha ne parlait pas anglais, mais elle ne tenait pas à ce qu’il comprenne. Elle se tut. Et repris, à voix encore plus basse.

«--On est pareil, maintenant, toi et moi. On est liés, un peu. Je tiens vraiment à toi. Et toi, tu tiens à moi un peu ? »

Et elle espérait. Son cœur battait à tout rompre, tant qu’Anouchka rappelait sa présence, silencieuse, dans chaque pulsion de son sang, dans chaque signe qu’elle était vivante, dans chaque battement de paupières. Elle lui rappelait qu’elle était sa vie, qu’elle ne pouvait pas la laisser tomber. La jeune fille se mit à haleter, et, bien que soutenue par les bras du slave, s’effondra. Je suis toi, répétait-on dans sa tête, tu finiras par m’aimer. Ses jambes ne la tenaient plus, et elle n’avait pas même entendu si on lui avait répondu. Elle vit qu’on s’agitait au dessus d’elle, mais son regard était vitreux. Elle posa le bout de ses doigts sur le visage qu’elle voyait.

« --Ca va aller, je vais me relever… Mais… Voilà, je tenais à ce que tu saches… Je… tu m’es très précieux, peut-être plus que n’importe qui. Tu es le meilleur ami que j’aie. »

Elle se releva, sans un mot, et repartit en direction du cagibi qui servait de bureau à Mr. Philiq.

Sujet: Re: Traînassons gaiement. [Chacha] Dim 7 Mar 2010 - 1:58

Les yeux dans les yeux, les bras l'un sur l'autre…

Dave observait les deux jeunes gens qu'il avait aidé un peu plus tôt de loin. Il ne tenait pas à les déranger dans ce qui semblait être un contact plus qu'important pour eux. Il jugulait les observateurs curieux, avides et obscènes avec le sérieux placide qui le caractérisait lorsqu'il faisait son travail.

Sacha, quant à lui, goûtait au bonheur que lui procurait le contact de la peau de Moon. Même couturée de cicatrices, même fine comme un parchemin, même déchiquetée, la peau froide de la jeune fille lui procurait un bien et une plénitude incroyable.
Une phrase. Murmurée. Saisie au vol.
Moon ouvrit la bouche, mais les mots ne voulurent pas la franchir. Ne pouvant soutenir le regard de Sacha, Moon détourna la tête ; puis rougit, se mordit la lèvre. Une larme roula sur sa joue alors qu'elle ne se résignait pas à retirer son bras, toujours contre celui du russe.

Le coeur battant, Sacha attendait qu'elle fasse quelque chose. Qu'elle prenne une décision…

Finalement, après un temps qui parut une éternité au jeune homme, elle l'étreint, enfouissant sa tête dans son torse. Aleksandr ferma les yeux et lui rendit son étreinte en humant pleinement le parfum qu'il n'avait jusqu'à présent saisi que par effluves fugaces. Un parfum unique et enivrant.

— Je me perds. Je croyais que je ne ressentais rien par moi-même. J’ai menti. Et puis, j’aimerai qu’on m’aide, qu’on me comprenne, qu’on m’aime. Je croyais manquer d’espace, en fait, j’en ai plus que ce que je voyais. Même si ce n’est toujours pas assez. Je crois que j’ai plus de repères que ce que je pensais. J’en ai au moins trouvé un, j’y suis accrochée, et je ne compte pas le lâcher de sitôt. Je suis moins apathique que ce que je disais.

Au-dessus d'elle et au-dessus de ses sanglots, Sacha eut un sourire et rougit. Moon replongea la tête contre le torse du jeune homme qui ne broncha pas.

— Toi aussi tu as avalé un aimant ? It seems like I couldn't pull away.

Le russe ne comprit pas la seconde partie de la phrase et ne chercha pas à la comprendre. Moon était Moon et on ne la referait pas, surtout qu'il y avait tout à parier pour que le changement de langue soit tout à fait volontaire…
La voix de la jeune femme était de plus en plus basse à mesure qu'elle parlait.

— On est pareils, maintenant, toi et moi. On est liés, un peu. Je tiens vraiment à toi. Et toi, tu tiens à moi un peu ?

Sacha avait rarement des problèmes d'expressions, pourtant il ne put articuler le moindre mot, le moindre son. Il aurait voulu dire à la jeune femme serrée contre lui qu'il l'aimait. Sans doute depuis qu'il l'avait vue, à son entrée à l'Institut. Peut-être même depuis plus longtemps, même si cela paraissait ridicule…
Il sentait le cœur de Moon battre frénétiquement dans sa poitrine.

Peut-être un peu trop frénétiquement ?

Sacha remarquait à peine l'anormalité du nombre de battements par minute du palpitant de son amie que celle-ci tombait malgré qu'il la retinsse.
Le slave s'agenouilla tout de suite auprès d'elle en fixant avec inquiétude ses yeux vitreux.
Elle leva lentement une main jusqu'au visage du russe qui ne fit rien pour l'arrêter. Autour d'eux les américains les évitaient avec un regard de dégoût, mais Sacha s'en foutait totalement. Il prêtait attention aux paroles murmurées de Moon.

— Ça va aller, je vais me relever… Mais… Voilà, je tenais à ce que tu saches… Je… Tu m'est très précieux, peut-être plus que n'importe qui. Tu es le meilleur ami que j'aie.

Alors, lentement, elle se releva.
Sacha regarda avec regret d'abord les doigts, puis Moon toute entière s'éloigner.
Il la suivit des yeux jusqu'à comprendre qu'elle se rendait jusqu'au logement du concierge, puis se releva lentement.

L'odeur de Moon le hantait et il brûlait de courir jusqu'au cagibi mais il se retint. Il avait besoin de réfléchir et sans doute son amie avait-elle besoin de se reposer. Il regarda autour de lui a la recherche d'un banc ou quelque chose comme ça dans les environs et son regard se posa sur Meowe.
Le chat, qui avait chu du sac de Sacha (non de Moon, mais avouez que ce serait marrant), le chat qui avait chu du sac de Moon donc, lorsqu'elle-même avait chu des bras de Sacha (^^) était resté là alors que sa maîtresse s'était éloignée. Il fixait à présent le jeune homme d'un regard pétillant de malice et d'intelligence.

— Toi m'est avis que tu en sais plus que tu veux bien le dire ! dit-il en riant au chat qui l'accompagna jusqu'au banc non loin de là.

Sujet: Re: Traînassons gaiement. [Chacha] Jeu 11 Mar 2010 - 21:42

Partir loin. Moon aurait voulu. Partir loin, pour voir si Sacha la suivrait. Savoir s’il tenait à elle. Il ne lui avait pas répondu. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Elle s’était dévoilée, elle, elle avait montré beaucoup, trop de choses qu’elle aurait dû lui cacher. Elle aurait voulu hurler, pleurer, tempêter. Mais elle était trop fatiguée pour ça, beaucoup trop. Et lui avait sans doute besoin de réfléchir et de récupérer. Pourquoi avait-il pété les plombs ainsi ? Elle marchait, et s’arrêta un instant, pensive, portant les doigts à sa bouche dans un geste plus que puéril, et mordilla l’ongle de son pouce.
Sans prêter attention une seule seconde à la foule, malgré son agoraphobie prononcée, elle se retourna.

L’objet de ses tourments parlait à son chat. Il lui souriait.
Et il riait ! Il riait en parlant à Meowe. Subitement, elle fut particulièrement agacée. Il parlait au chat, et elle il ne la rattrapait pas ? Ses joues s’empourprèrent.
Ca ressemblait un peu à de la jalousie, ce qu’elle ressentait à l’instant. Un peu. Un tout petit peu…
Elle tourna de nouveau le dos au blond et à l’animal, dirigeant ses prunelles argentées vers Dave. Il canalisait tout ce beau monde si calmement…
Bien plus qu’elle n’en serait jamais capable. Elle était trop volatile, trop évaporée pour ça. Elle ne serait pas du tout efficace. Elle se laisserait marcher sur les pieds ou rêverait à autre chose.
Elle fixa le regard sur la chemise de l’homme, si intensément que cela aurait pu le brûler.
Et peut-être qu’il le sentit, parce qu’il fit un mouvement impatient de l’épaule.
Elle s’approcha discrètement, de sa démarche glissée. Et passa son menton par-dessus ladite épaule, ce qui fit sursauter le vigile. Etrange.

« -- Holà, jeune fille ! Tu m’as fait peur ! Ne me refais jamais un coup pareil… »

« --Oh, pardon… Désolée… J’admirais simplement votre calme… »

Dans sa tête, Moon eut un rictus sans joie. Elle ne referait pas un truc pareil, elle ne reverrait jamais ce vieil homme, après aujourd’hui. Plus jamais.
C’était comme ça, elle avait réalisé que tout était éphémère.
Elle fit une moue pensive. Et ferma à demi les yeux, souriant du bout des lèvres.

« --Désolée de ne pas vous avoir répondu, mais votre question était un peu gênante… Euh… Pour les frais, je… Tenez. »

En parlant, elle avait sorti une épaisse liasse de billets de son sac, qu’elle avait récupéré, sous les yeux étonnés du philosophe. Où avait-elle diable pu trouver ça ? Il préférait ne pas savoir. Il prit l’argent, et fit un demi sourire à l’adolescente. Elle avait l’air aussi fragile qu’une poupée porcelaine qui se serait grimée, se maquillant le bout des yeux d’un nouveau regard anonyme.
Il y eut un silence gêné, et puis Moon se haussa sur la pointe des pieds, et toucha de ses lèvres la joue gauche du gardien, en chuchotant.

« --Merci beaucoup de ne pas vous être mêlé de nos affaires. C’est une qualité, d’avoir du tact. Monsieur Dave, merci beaucoup de nous avoir aidés. Oh, pis une dernière chose. Prévenez pas la volaille, hein… S’il vous plaît ? »

Monsieur Philiq ouvrit les yeux d’un hibou. Le mot « volaille » dans la bouche délicate de cette petite poupée, dit d’une air si dédaigneux et dégoûté, avait quelque chose d’absurde. Qui était-elle au juste ? Et ce jeune homme si peu loquace, ne parlant pas un traître mot d’anglais, qui l’accompagnait ?

Moon fit un rapide détour par la loge du gardien, récupérant les vêtements tachés de sang, qu’elle comptait bien laver et remettre. Puis elle passa devant le grand blond sans lui adresser un seul mot, regard ou sourire. Et se dirigea vers les cabines d’essayage, pour récupérer quelques fripes, autant qu’elle supposait en avoir pour ce qui restait maintenant qu’elle avait payé les frais de la glace. En fait, dans le fric qu’elle avait donné à Dave, il y avait largement de quoi payer la réparation, et même le double. Alors elle estimait qu’elle avait droit à quelques compensations. Bon, le problème était que maintenant il ne lui restait plus que cinquante malheureux dollars. Elle mordilla sa lèvre inférieure, et passa sa langue sur la supérieure, perdue dans ses pensées. Tout en marchant en direction du chat [felinus larvus] et du Russe, probablement l’air aussi joyeux qu’un cheval de corbillard.
Elle retomba dans le monde réel alors que ses genoux venaient de toucher ceux du grand blond. Confusion, rougissement et bégaiement s’ensuivirent. Elle ne sourit pas.
Elle passa simplement sa main droite sur ses yeux, et inspira à fond. Puis soupira.
L’adolescente spectrale montra les dents, les sourcils froncés, et déclara sans la moindre douceur, sans savoir pourquoi elle était dure à ce point avec le jeune homme :

« --On y va. Toi aussi, la boule de poils. »

Pour couper court à toute question sur l’argent, Dave ou tout autre chose, elle lança un regard qui en disait long à l’humain, et un feulement sourd au chaton. Sans savoir pourquoi, elle était depuis quelques minutes pleine de colère et de tristesse. Elle marchait vite, le sang battant dans les tempes. Elle était toujours couverte de sang, portait une poche récupérée on ne sait où pleine de textiles, et n’attendait ni Sacha ni le chat. Elle se mordait furieusement la lèvre inférieure.
En fait, elle ne voulait pas s’arrêter parce qu’elle ne voulait pas qu’Aleksandr la voie telle qu’elle était actuellement. Son mascara coulait sur ses joues, encore. Elle fouilla fébrilement dans son sac, à la recherche d’un de ces cylindres cancérigènes. Finit par en trouver un, et, toujours marchant au même rythme, l’alluma et le porta à sa bouche, sans prêter attention aux panneaux affichés ci et là.

Elle pleurait, pour toutes sortes de raisons. Tout d’abord, et c’est ce sur quoi elle se concentrait, parce qu’elle avait un bout de verre dans le pied gauche, et que ça lui faisait mal. Ensuite, parce qu’elle ne savait pas quoi faire, par rapport à la tornade polonais dénommée Anouchka, et Sacha. Ensuite, et c’est ce qui est probablement le plus important, parce qu’elle se sentait vide, fantômatique, légère, inconsistante. Et, mêlée à ce sentiment flou, une dose importante de fureur se faisait sentir. Fureur envers elle-même, qui n’avait même pas le courage de s’avouer à elle-même ce qu’elle ressentait, fureur envers Sacha, qui n’était pas capable de lui donner une réponse claire sur ce qui se passait entre lui et elle, et enfin, fureur envers Anouchka, qui n’arrangeait pas les choses, et dont l’existence n’avait fait que compliquer les choses. Que ferait elle si il se rappelait de tout ? Comment lui expliquer ? Eviter qu’il la haïsse ? Car s’il y avait bien une chose que Moon voulait éviter, c’était que Sacha la déteste. Elle en serait morte de chagrin. Elle avait tant de pensées qu’elle hésitait à se foutre les doigts dans la bouche pour en vomir quelques unes, et que les autres puissent évoluer. Mais non, ça n’aurait servi à rien. Elle n’en était pas à un quart de sa cigarette qu’elle ne tint plus, une force invisible et irrésistible l’obligea à se retourner.
Ah, elle devait être belle à voir, le front couvert de sang séché dont une partie était tombée, des yeux de morte vivante soulignées de larmes noires, du sang partout, les globes oculaires rougis et bordés de larmes rougies elles aussi. Elle tenta de sourire, ce qui eut pour seul effet de lui faire monter d’autres larmes aux yeux, qui ne tardèrent pas à déborder sur ses joues, dégoulinant jusqu’au bout de son nez. Elle jeta sa Vogue®, qui atterrit sur le carrelage. Et Moon avec. J’entends par là que Moon s’effondra elle aussi sur le sol, anéantie. Elle fit un demi tour, et attrapa de la main droite le bas du jean du jeune homme. Il n’y avait plus grand monde, mais les rares passants regardaient avec mépris et dégoût ces adolescents barbouillés de sang, bandés de partout et habillés en punk, plus ou moins. Surtout cette gamine qui avait besoin de se trainer par terre en chialant. La voix noyée dans les sanglots, Moon tentait de stopper l’hémorragie de ses yeux.

« --[russe]Mais tu ne comprends donc pas :[polonais] Que je t’aime ? »

A cet instant, le cœur de Moon en prit une décharge de 500 000 volts, même si elle savait très bien qu’il n’avait pas compris la fin de sa phrase. Son cœur battait à 200km/h. Il allait lâcher d’un instant à l’autre. Et pourtant il ne lâcha pas.

« --Je ne pourrais jamais te dire ce que je ressens pour toi. Je t’aime, pourtant. Tellement que mon cœur va exploser si je ne perds pas de sang. Tellement que même elle elle t’aimait. Suis-je née pour être amoureuse de toi ? »

Ces mots avaient été prononcés dans un seul souffle faible et bas. Moon se parlait plus à elle même qu’à quiconque d’autre, et elle supposait qu’il n’avait rien pu saisir de toute sa phrase, bien qu’elle eût été prononcée en Russe.

Sujet Abandonné ? Terminé ?

Ben abandonné. Enfin, j'imagine, encore une fois, j'avais de l'espoir.
Idem que pour le sujet avec Johnattant, j'archive n_n

Sujet: Re: Traînassons gaiement. [Chacha]