Qu'y avait-il de si important aujourd'hui ? Kaijuu ne le savait pas, mais en tout cas le monde affluait de partout, comme si il était devenu vivant en un instant. Ca faisait un sacré contraste avec les déserts qu'étaient les couloirs à deux heures du matin. Et le monde énervait Kai, il n'était pas d'humeur, il n'avait pas envie de rire, il n'avait pas envie de participer aux conversations que les gens avaient. Il était triste. De plus sa dernière dose avait détruit une nouvelle barrière émotionnelle, il semblait maintenant incapable de faire semblant d'aller bien. Et ça n'était pas forcément très agréable de sentir les larmes menacer de couler à chaque instant, enfin, il faisait ce qu'il pouvait après tout.

Il n'empêche que le brouhaha l'ennuyait, l'indisposait. Pourquoi était-il là ? Il allait finir par ne même plus s'en rappeler. Le seul moment où il s'était posé c'était pour prendre une douche, et il était là depuis plus de 24heures. Il n'avait pas dormi, incapable de trouver le sommeil, incapable de fermer les yeux. Il n'était pas à sa place ici, il n'avait pas le sentiment qu'il pouvait se permettre de s'allonger dans un lit et dormir. Parfois le corps exprime ce que le cerveau pense, et à cet instant il avait atrocement mal à la peau, là où ses os la touchaient. Il avait l'impression d'avoir des coups de soleil, sauf que sa peau était blanche, très blanche. Il était mal dans sa peau, et raison était de le dire. Il était passé par plusieurs pièces pour trouver un coin où il pourrait se poser. Il commençait à fatiguer, il faut dire que tous ces chocs émotionnels n'étaient pas pour lui réussir. Il n'y a pas si longtemps il était encore chez l'homme qu'il aimait, non, qu'il aime. Il eut beau dire qu'il était parti et que cela appartenait au passé, il y pensait constamment. A chaque heure du jour et de la nuit il y pensait, alors pour combattre ça il marchait. Il n'avait rien trouvé de mieux que de tourner en rond, comme un zombie, il allait du point A au point B et il revenait au A. Mais ses jambes commençaient à protester, elles se plaignaient et manifestaient leur douleur par de sinistres craquements, qui avaient le don de déséquilibrer Kai.

Il fallait que quelqu'un réagisse si personne ne voulait assister à son suicide. C'était tellement facile pour lui, il lui suffisait de se tromper de dosage pour sa piqûre. Cela passait inaperçu. Est-ce que cela avait réellement intéressé quelqu'un de savoir qu'un nouveau était arrivé ? Est-ce qu'il était le seul à avoir été lâché ici en pleine nature sans aucune mesure ? Ou était-ce courant, un fait habituel ? En parlant de ça, il ne voyait même pas l'intérêt d'être envoyé ici si personne ne faisait rien. Comment voulaient-ils que quiconque s'en sorte ? Il n'avait pas envie de s'en sortir, mais tout de même ! Peut-être que d'autres avaient besoin d'un suivi. Mais pourquoi s'en souciait-il ? Il ne s'intéresse pas aux autres.

Il déambulait dans les couloirs, allait dans des pièces et en ressortait aussitôt, ses chaussures faisaient beaucoup de bruit sur le sol, mais il ne faisait rien, d'ordinaire il aurait fait le fier. Il aurait souri pour s'attirer les regards, mais pas aujourd'hui. Il était un fantôme parmi les fantômes, une âme en peine au milieu des autres. C'est vrai, il n'était rien ici, et ça n'allait sans doute pas changer.

Ses pas le menèrent instinctivement vers la cuisine, il devait avoir faim. Il avait souvent faim. Il entra, il y avait beaucoup de monde, on aurait dit que tout le monde avait décidé de venir se servir à manger à cet instant précis, comme pour l'ennuyer. Alors quoi ? C'était jour de fête ? C'était la seule raison valable qu'il trouvait. Il poussa plusieurs personnes pour arriver au garde-manger. Quelle que soit son appellation, pour Kai, c'était quelque chose de très important : Y'avait de la nourriture ! Eh ouais ! Il dévisagea le contenu de celui-ci pour se dégotter quelque chose de potable, il aurait pu aller se faire servir, après tout, rien ne l'en empêchait. Mais est-ce que quelqu'un avait préparé un plat froid pour lui ? Il s'empara d'un gâteau qui trainait par là, referma la porte et quitta la cuisine. Ses oreilles bourdonnaient déjà, non vraiment, il n'aimait pas la foule.

Enfin, pas toujours, et cette foule là était vraiment désagréable, bruyante. Le pire et ce qui l'énervait royalement c'était qu'il ne comprenait rien. Pas un strict mot.

Il détestait les fêtes de fin d'année, il les avait toujours détestées. Comme toutes les fêtes un tant [ Temps ? ] soit peu familiales. Sa vie de famille n'avait jamais été propice aux fêtes. Sinon il ne serait sans doute pas là. Mais il y avait eu son père, puis Kenji, puis l'héro...

Et voilà comment on fait un aller-simple pour les enfers. Il devait se trouver dans l'Aile Droite du bâtiment, il faut dire qu'il commençait à se repérer, à force de tourner dans tous les sens. Il ouvrit une porte, et le silence était si apaisant qu'il n'hésita pas longtemps. Il ne semblait y avoir personne. Jusqu'au moment où il entendit une sorte de fracas suivi d'une voix qui semblait insulter quelque chose. Quelqu'un avait dû se cogner.

Donc, il y avait quelqu'un. Logique, mais pour l'esprit embrouillé de Kai, ca relevait de l'exploit. Il avait sursauté en entendant le bruit d'ailleurs. Et son esprit un peu fou, ou un peu flou, s'était mis en tête de chercher l'origine du bruit. Généralement, les gens savent repérer le lieu d'émission d'un son. Lui, non. De toute façon, qu'est-ce qui est général ? Hm ? Il commençait à fouiller, à parcourir les rayons de livres. Il n'était même pas sûr de savoir encore lire, même si il relisait souvent son journal. De toute façon, ils devaient être en Anglais, ces livres. Il arriva devant un rayon, il essaya d'en lire le titre mais décidemment, cet alphabet n'était pas pour lui. Est-ce qu'il avait envie de l'apprendre ? Non, sinon il y arriverait. Mais s'investir là-dedans, très peu pour lui. Il n'avait pas l'intention de s'attarder, de s'habituer et de se faire des... Amis.

Bien qu'au fond, il avait un besoin fou de liens sociaux, de contact, il avait besoin qu'on le touche, qu'on lui fasse sentir que son corps était pourvu de limites. Qu'on lui rappelle qu'il existe. Qu'on lui parle. Et Kurai ne lui répond pas souvent. Bref, l'important n'est pas là. L'important est qu'il s'était arrêté devant l'étalage, le rayon, sans doute. Et qu'il remarqua quelque chose qui semblait être sous la table. Etant donné qu'il cherchait toujours le bruit, il s'approcha. D'ordinaire il ne l'aurait pas fait.

Mais peut-être qu'il avait trop besoin de parler pour se soucier des habitudes. Toujours est-il qu'il arriva devant la table. Il commença à esquisser le mouvement pour s'accroupir mais ses jambes, ravies de la perspective de se poser, le firent descendre plus vite que prévu. Il se retrouva donc à genoux devant la personne, qui était une jeune fille, et elle semblait être au beau milieu d'un repas. Cela lui fit penser qu'il devait toujours avoir le gâteau dans la main. Mais il avait enfin localisé le bruit, et la voix. Il ne savait plus vraiment quoi faire maintenant et était un peu gêné. Cet institut ne lui réussissait pas du tout, lui qui aurait d'ordinaire tourné les talons en piquant un ou deux sushis. Il s'exprima en Japonais :

- Ah pardon, euh tu manges ? Bah oui, logique. Bon ben 'scuse.

Il se rendit compte qu'il n'avait pas parlé Anglais et qu'elle n'avait sans doute rien compris. Quoi de plus normal ? Il haussa les épaules et entreprit de se relever, mais au final il ne bougea que très peu, pour se mettre face à elle. Pourquoi faisait-il ça ? Elle devait vouloir être seule, puisque sinon elle ne se serait pas isolée ainsi. Et lui venait lui foutre en l'air son repas ? C'était bien son genre, remarquez. Mais ce n'était pas à cela qu'il pensait à cet instant.

- Comment tu t'appelles ?

Son anglais ne s'améliorait vraiment pas, décidemment. Il avait eu du mal à sortir cette phrase bénigne. Il faut dire que bon, ce n'était pas des cours qu'il avait eu, mais presque un dictionnaire de phrases. Et il n'était même pas sûr que sa question veuille dire ce qu'il avait voulu dire. Il se gratta la tête puis décida qu'il ferait mieux d'y aller. Il se leva difficilement et entama un demi-tour.

Il avait fait demi-tour et il s'en voulait déjà de s'être arrêté, il s'en voulait même d'avoir cherché l'origine du bruit. Ca n'aurait pas été un drame, si il ne l'avait pas fait. Ils auraient pu tous les deux manger tranquillement. De plus, il n'aimait pas le visage qu'il montrait, le "vrai" lui, Kaijuu. Mais Kai ne voulait pas montrer son nez, enfin si, mais il était affaibli. Alors peut-être que ça lui offrirait la perspective de parler à quelqu'un, non ? Il en avait eu envie, un instant, et la seconde d'après, il était empli de regrets. Il se maudissait. Il lui en fallait assez peu pour se maudire. Il avait cru entendre la jeune fille parler au moment où lui même parlait, et ça ressemblait fort à du Japonais. Il n'y avait pas prit attention, puisqu'il était sur le point de partir, pour aller quelque part. Où ? Ailleurs. Pourtant au moment où il allait quitter l'étalage pour vagabonder entre d'autres rayons, il entendit le même bruit singulier que tout à l'heure, suivi de la même flopée d'insultes. Un rictus étira ses lèvres, non pas qu'il soit content qu'elle se soit fait mal, mais au moins, il avait identifié le bon bruit, ce qui constituait pour lui, un acte réussi. Et c'était rare, d'habitude il y avait toujours quelque chose qui venait gâcher ce qu'il faisait. Et la plupart du temps... C'était lui même, lui seul. Il était doué pour ça. Toujours est-il qu'il s'était retourné, pour s'assurer qu'elle ne s'était pas blessée, évanouie, ou quelque chose du genre. Encore quelque chose qu'il n'aurait pas fait, il devait vraiment se ressaisir. Et là ses yeux dont la blancheur équivalait à celle de sa peau, s'agrandirent légèrement.

Il était étonné, la jeune fille s'était évadée de sous la table et elle avait commencé à lui courir après. Un violent tremblement le secoua, presque un spasme, mais il se calma aussitôt. Il eut un instant envie de courir, envie de s'enfuir, il ne savait pas ce qu'elle lui voulait, il ne savait pas ce qu'elle était en train de faire. Mais avant qu'il ait pu esquisser le moindre mouvement elle l'avait rattrapé, en saisissant son poignet, ce qui valut un nouveau tremblement au jeune homme. Il avait senti les doigts de la jeune fille, ce qui n'avait rien d'inhabituel, mais son esprit apeuré lui avait renvoyé une image. Une très sale image. Son regard se planta dans celui de son vis-à-vis, le sien tirait sur le rouge, et le sien était dépourvu de couleur, dépigmenté. Ce qui lui avait valut la haine de son père, bref, là n'était pas la question. Son bras entier était contracté sous les doigts de la jeune fille, mais son regard n'éprouvait pas la peur. C'était l'amusement qu'il tentait d'exprimer, y arrivait-il ? Sans doute pas. Il avait été pris au dépourvu à vrai dire. Et il n'en avait pas l'habitude. Elle prit alors la parole, en Japonais, alternant avec l'Anglais, qu'il ne comprit qu'à moitié :

- A…Attends ! Je m’appelle Moon. Moon Namidakase. And it’s not a problem if you speak japanese, because I know nippon language, even If I am not japanese. Et tu es…?

Ainsi elle parlait Japonais. Ce n'est pas qu'il avait compris la phrase en Anglais mais juste qu'il avait constaté que son Japonais était tout à fait correct. Alors là, il mit tout son bon sens à l'épreuve, la question était de se canaliser, il ne fallait pas qu'il soit méchant avec quelqu'un, l'une des seules personnes sans doute, qui parlait Japonais. Ainsi elle s'appelait Moon. Il y avait plusieurs manières d'interpréter le sourire qu'elle lui servit. Il ne savait pas quel sentiment il exprimait clairement, il ne lui rendit pas. Il n'avait pas envie de sourire, il ne savait plus le faire. Elle se retourna et partit vers la table, vers son repas sans doute. Mais il y avait un hic. Elle n'avait pas lâché le poignet de Kai, qui se voyait obligé de la suivre. Il n'était pas franchement obligé, mais il avait envie de se trouver l'obligation comme excuse. Pour ne pas se détester au point de s'arracher les cheveux.

Ils arrivèrent vers ce qui semblait être leur destination, et Moon s'était saisie d'une paire de baguette et d'un morceau de pain de tournesol. Et elle les avait tendus. Il ne savait pas si cela voulait dire qu'elle l'invitait à manger avec elle, ou si c'était totalement autre chose - bien qu'il ne voyait pas grand chose d'autre. La politesse aurait voulu qu'il refuse. Mais il avait les crocs, et il avait décidé de ne pas être mauvais. Il les prit d'une main hésitante puis répondit en Japonais, content de pouvoir utiliser sa langue maternelle :

- Merci, et moi c'est Kai. Ca te dérange pas ? Fin je sais pas, j'en sais rien.

Il n'avait encore pas dit son vrai prénom. Après tout, est-ce qu'on peut qualifier ça de prénom ? Le prénom est donné par les parents, non ? Et pourtant personne n'appelle son enfant "Monstre". Ce n'était pas vraiment humain, après tout. A la vue d'un bandage sur le bras de Moon, au niveau du coude, il frotta vivement le sien. C'était nerveux, il fallait bien qu'ils se manifestent, ces nerfs abîmés, non ? Ce n'est pas parce qu'une situation est singulière et nouvelle, que tout s'efface. Et là, tout revenait, il n'était pas vraiment en manque, mais pas vraiment bien. Il n'avait pas de dose entière, et il n'avait pas de substitut. Kurai se manifesta, il s'était enfoui dans les cheveux de Kai et il en sortit, pour venir se poser sur son épaule. Sans qu'il n'ait vraiment fait le mouvement pour ça - du moins il n'en avait pas souvenir, il s'était retrouvé agenouillé.

Il ferma les yeux quelques instants, en se mordant la langue, puis prit son courage à deux mains et voulut entamer la conversation. Les deux petits personnages dans son esprit réglaient leur compte à coup, et lui prenait une décision. Il ouvrit la bouche pour parler.

Mais il fut forcé de la refermer aussitôt. Il ne savait pas quoi dire, il n'avait rien à dire. Il ne voulait pas paraitre indiscret. Et puis parler, il n'avait pas l'habitude, jamais il n'avait réellement discuté avec quelqu'un d'autre que lui-même. Kenji lui disait sans cesse de se taire. Plus il pensait à lui, plus il se rendait compte à quel point il avait été stupide en se faisant avoir. Mais là n'est pas le sujet. Le sujet était qu'il n'avait pas de sujet justement. Et qu'il se demandait encore ce qu'il attendait pour laisser son caractère habituel reprendre le dessus. La situation en aurait été meilleure pour eux deux, il le savait. Il voulait surtout s'en persuader, mais il n'arrivait pas à y croire. Il soupira, dépité de sa propre imbécilité. Il aurait pu lui demander pourquoi elle était là, pourquoi elle parlait Japonais, tant de choses. Mais il ne voulait pas. Alors il attendait, c'est ce qu'il a toujours fait. Attendre. Longtemps. Pourtant, lui seul sait comme il est impatient. L'attente, il l'a en horreur. Il posa les baguettes devant ses genoux et il caressa doucement Kurai. Ca y est ! Il savait quoi dire ! Il rouvrit la bouche et cette fois, des sons en sortirent :

- Tu as peur des rongeurs ?

Pfff qu'est-ce qu'il lui prenait à lui ? Il devenait dingue. Il avait perdu tous les traits de sa personnalité, il ne se reconnaissait plus. Il grimaça à cette pensée. Néanmoins, il pouvait être fier. Il faisait rarement autant d'efforts. Il attendait la réponse de Moon.

‘‘ Ben… Après tout, c’ est moi qui t’ai rattrapé ! Si ça m’avait dérangé, je t’aurais laissé aller te suicider tranquillement. Quant au fait de partager ma bouffe, j’en ai bien assez, pour ne pas te laisser crever de faim. Je prévois toujours trop, quand je cuisine. Notamment les sushis, je les dévore comme des bonbons, si vite que ça m’en donne la nausée ! Mais bon, je vais pas raconter ma vie. Sers toi, vas y, n’aie pas peur. J’ai appris à les faire au japon. Tu as un joli nom, au fait. Enfin… C’est un diminutif ? Oh, ça ne me regarde pas. Excuse moi.’

La jeune fille avait répondu à sa question de déranger. La réponse ne l'enthousiasma pas, bien au contraire. Normal me dira-t-on. Il analysa chaque partie de la réponse. En effet, si elle avait été dérangée de sa présence, elle n'aurait pas pris la peine de le rattraper, de se faire mal, en prime. Donc, ce point là était clair. Ensuite, comment ça ? Aller se suicider ? Il n'en avait nullement l'intention, pas pour l'instant du moins. Il fronça les sourcils, d'où elle se permettait de faire des suppositions comme ça ? Si l'idée de manger ne l'avait pas tellement tenté, il serait parti, après une remarque cinglante. Mais non, il n'allait pas le faire. Il ne fallait pas, et il n'en avait pas envie. Pas trop, pas du tout. En plus, à en croire ce qu'elle disait, elle avait trop à manger, et un rictus qui devait être interprété comme un sourire étira ses lèvres fines. Ainsi elle avait été au Japon, si ça se trouve il l'avait vue. L'avait croisée. Non, le Japon est bien trop grand pour que cela soit arrivé. Il ne voulait pas croire que c'était possible. Il ne la connaissait pas et ne pouvait pas supposer ça. Il n'avait pas le droit.
Quand elle lui dit qu'il avait un joli nom un rire jaune franchit la barrière de ses lèvres, il le reprit bien vite mais il lui avait bel et bien échappé. Son nom ? Joli ? Elle avait raison, ça ne la regardait pas, et il n'avait pas l'intention de répondre. Du moins pas la vérité. Durant le temps où il n'avait pas parlé, elle avait sorti un iPod, et avait commencé à manger. Mais quand Kurai était apparu et qu'il avait enfin trouvé raison de parler, elle l'avait arrêté.

Elle répondit à sa question, ainsi elle n'en avait pas peur, mais elle avait un chaton. Kai fronça de nouveau les sourcils, il avait toujours détesté ces sacs de poils. Ils étaient arrogants, moches, et en plus ils voulaient du mal à Kurai. Néanmoins il comprit qu'il n'était pas le seul à avoir adopté un animal tout autant que l'animal l'adoptait. Elle lui demanda ensuite si ses yeux, c'était une maladie. Il soupira et les baissa sur les sushis. Il posa le gâteau à côté de la boîte à bento, c'était par terre mais tant pis. Allait-il répondre à la question ? Peut-être, ou pas. Après tout, qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Il répondit sur un ton un peu plus froid qu'il l'aurait souhaité :

- Tant qu'ils voient clair, on s'en fout de ce qu'ils ont, non ?

Il se mordit la peau à l'intérieur de la joue, décidemment, ça ne lui réussissait pas de parler. Pour passer outre ce désagrément il reprit les baguettes et saisit un sushi, il l'engloutit rapidement. L'instant d'après, il n'y avait plus de sushi. Il releva les yeux vers Moon qui avait l'air d'avoir pris beaucoup à manger d'un coup. Elle devait avoir très faim elle aussi, elle n'était pas bien grosse, et les cernes qui ornaient son visage ne trompaient pas. Ils ressemblaient à des morts tous les deux. Elle regarda Kurai puis reprit :

‘‘ Comment est-ce qu’il s’appelle ? Il mange du riz ou du pain ? Il doit avoir faim, non ?’’

Elle posait décidemment beaucoup de questions. Est-ce que c'était normal ? Il avait la très étrange impression de passer un interrogatoire. Ses mains commencèrent à trembler. Et m*rde ! Il allait encore falloir qu'il combatte ce fichu manque qui revenait l'embêter dès que c'était possible. Il voulu prendre de nouveau les baguettes pour prendre un sushi, mais son tremblement eu raison de lui, et il se dit qu'il valait mieux qu'il arrête de manger sous peine de faire une catastrophe. Il en profita pour répondre à la question de Moon qui le regardait avec attention, semblait-il :

- Il s'appelle Kurai, il mange sensiblement la même chose que moi, et peut-être, il a mangé tout à l'heure.

Dès qu'il s'agissait de son rat il devenait à la fois protecteur et très enthousiaste. Ce qui donnait à sa voix l'étrange teinte paternelle. Celle d'un père qui parle à son fils. Pas un père comme le sien, un vrai père, qui joue au football avec son enfant et qui l'emmène à la plage. Non, non. Il fallait absolument que le fil de ses pensées soit coupé, qu'il cesse immédiatement de suivre son cours. Sinon... Sinon.

Il changea de position pour être installé plus confortablement que sur ses genoux, il commençait d'ailleurs à avoir des fourmis dans ceux-ci. Il s'assit donc en tailleurs. Il attrapa ses chevilles, à travers ses chaussures, pour donner à ses mains l'impression d'être utiles, et surtout masquer les tremblements singuliers qui les secouaient. C'était tout un périple. Il regardait les sushis, on devinait la faim dans l'expression de son visage, et pourtant, il ne bougeait pas. Décidemment, rien n'allait droit chez lui. Il ajouta, sur la défensive, faisant appel à la conversation précédente :

- Ah, au fait. Si j'avais voulu me tuer, j'l'aurais fait avant de venir, tu penses pas ?

Il commençait à avoir chaud. Par moment il avait froid, la seconde d'après il aurait pris un bain de glaçons ! Et là, il mourait de chaud. Il ne pouvait pourtant pas enlever le simple T-shirt qu'il avait, se promener torse-nu. Non, même si il aimait ça, il ne le ferait pas. Il partit entortiller ses doigts dans la chaine qui joignait sa lèvre et son oreille. Il la fixait de son regard sans couleur, sans même la vie. Il dit d'un ton détaché, il fallait absolument qu'il se calme. Si il commençait à laisser le manque prendre le dessus, c'en était fini.

- Tu écoutes quoi comme musique ?

Ce sujet lui tenait à coeur, et il pouvait vraiment avoir des effets positifs sur lui. Alors il essayait de le lancer. C'était mieux que de ne rien faire et de rester bête et méchant aux yeux de Moon.

Oui, la même que pour les autres.
J'archive.
Si tu veux bien signaler... (comment, je suis une feignasse ? Non, j'ai juste pas envie de pourrir le code des sujets déjà signalés ><)