« Tout est musique…
Un tableau, un paysage, un livre, un voyage ne valent que si l’on entend leur musique. »
J. de Bourbon Busset

Fin de journée, la foule se presse. Fourmilière grouillante des heures de pointes. Passants qui ne pensent à rien, à eux, ailleurs. Anonymes, ils vont, d’un pas rapide, vers un futur si proche qu’ils y sont déjà. Chaque soir, la rue est un passage à vide, une simple transition entre deux univers. Ils ne voient personne, ils ne voient qu’eux.

Une mélodie s'évade, loin du vacarme de la rue. Elle s'élève. Ces notes, personne ne les saisit. Elles s’envolent, fugaces et finissent avalées par les nuages de plomb qui couvrent la ville. Soudain, un passant les attrape et laisse son esprit emporter par la douce mélopée. Il s’arrête un moment et ferme les yeux. Lui aussi semble attendre. Chaque accord est une expression, chaque note un sentiment. Le temps s'arrête. L’espace d’un instant, plus rien n’existe. Cette mélodie, timide, vibre et finit par s’épuiser, lentement. Le voile de silence retombe. Il applaudit. Le musicien le remercie d'un sourire du cœur.

A nouveau, tout se fige. Un lien, presque imperceptible se créé entre eux. Ils l’ont entendu, cette mélodie qui semble donner un sens à leur vie. Puis, fatalement, le flot d’indifférence reprend son cours. La musique de l'artiste errant s'éloigne, tout comme les pièces déposées dans son chapeau qu'une femme vient de repousser par mégarde. Elle marchait, les pensées perdues dans le néant. Elle devait sans doute songer à demain. Pas un mot, elle semble gênée d'être là. Elle continue et presse le pas.

Tac. Tac. La cadence de ses pas claque tandis qu'elle disparait, se fondant à nouveau parmi la foule.
Tic. Tic. Les pièces retombent et s'éparpillent. Personne ne les ramasse. La vie reprend son cours, inévitablement. Le passant a disparu, emporté par les pas de la jeune femme. Immobile, insondable, l’artiste fixe la foule pressée, d’un œil éteint. Il attend, fantôme, intouchable.

La mélodie errante du musicien est morte. . . .