J'ai fait un rêve cette nuit, et quand je me suis réveillée, j'étais de très mauvaise humeur. Déprimée, froide. Autant dire tout de suite que j'ai passé une journée de merde. Il fait de plus en plus froid et je mange de moins en moins. Je recommence une crise de dépression alors j'ai passé toute la journée avec la psychologue. C'était chiant à mourir, et j'ai besoin de décompresser. J'aurais bien fumé un petit joint, mais je vais devoir me contenter d'une clope. Dehors il pleut, alors pas question d'y mettre le nez. Je vais bien pouvoir trouver un endroit au chaud où je pourrais me fumer cette foutue cigarette, pépère.

J’arpente l'établissement, à la recherche d'un coin esseulé où je pourrais être tranquille. Mais l'institut Teenagers accueille énormément de jeunes, alors pas facile de trouver un endroit calme. Je jette de temps en temps quelques coups d’œil vers les fenêtres, pour vérifier qu’il pleut toujours des cordes, on ne sait jamais.
Après avoir marché pendant plusieurs longues minutes, je finis par atterrir devant les escaliers qui mènent au sous-sol. Généralement, il n’y a pas grand monde, je peux peut-être tenter ma chance...

Je les dévale à toute allure, espérant vraiment que je puisse être tranquille. Dans ces moments là, c’est vrai que je préfère souvent rester seule. Ce n’est pas que la compagnie me dérange, mais je ne suis jamais d’humeur à rire quand je déprime. Et puis, je peux paraître très froide alors que je ne le suis pas de nature. Je n’aime pas réellement montrer cette image de moi qui n’est qu’un faux masque temporaire qui s’agrippe à ma peau lorsque je ne vais pas bien.
Une fois en bas, je passe devant l’immense Théâtre sans y prêter attention. Je me laisse guider par mes pas, qui finissent toujours pas m’amener là où je veux vraiment être. Au bout de quelques minutes, je m’arrête. Une grande porte à double battants s’érige devant moi. Je me met sur la pointe des pieds et observe l’intérieur à travers le hublot. Le gymnase est une pièce vaste et peu encombrée. On dirait qu’il n’y a personne...

Sans me poser de questions, je pousse lentement le battant et pénètre dans la grande salle. Finalement, je ne serai pas seule. Au fond de la salle, quelqu’un. Je ne l’ai encore jamais vu, sûrement un nouveau. Il était assis, les fesses à même le sol, dos à moi. Mon entrée ayant été plutôt discrète, il ne sembla pas m’avoir entendu arriver. Une seule personne ne me gênerai pas...

Après quelques hésitations, je décide finalement d’ignorer le type, et de m’isoler dans mon coin. Je traverse donc la salle, allant à l’opposé du jeune homme, et m’assois par terre. Le sol est froid mais j’m’en fou. Je sors un clope de l’intérieur de ma veste et l’allume d’un geste habile. Je recrache lentement la fumée qui s’envole aussitôt vers le plafond, pour s’évaporer quelques secondes après. Je me sens aussitôt plus légère, comme si le poids sur mes épaules s’étaient lui aussi évaporer. Tout de même, je gardais un œil sur le nouveau, surveillant ses faits et gestes.

Oui il y avait quelqu'un, Monk sentit le regard furtif sur lui, il n'y prêta pas attention. Monk ressentait le regard des autres, d'habitude, il trouvait ça pesant, mais là non. La fille, car s'était une fille, il reconnaissait le pas léger, la longue foulée, peu de bruit à chaque pas. Un bruit de froufrou pas très distinct, il pensa qu'elle s'asseyait. Elle s'asseyait. Quelques temps après, il entendit un souffle assez loin derrière lui. Pas un souffle rauque, donc pas une respiration de sportive, juste un souffle long, Monk reconnaissait, elle fumait. Pourquoi est ce qu'il espionnait ses moindres faits et gestes comme ça sans même la regarder ? Monk ne le savait pas il ne bougeait toujours pas, sa cheville ne lui faisait pas mal et il se dit qu'il avait de la chance, mais sur le coup il s'en foutait complètement. il aurait pu se retourner et dire "Ouesh Salut, moi c'est Monk et toi ? Arrête la clope ma grande, c'est mauvais pour ce que t'as !"

Mais il ne le ferait pas, parce que... Pourquoi ? Aucune idée, Monk se posa la question à lui même, l'atmosphère était lourde et pesante depuis qu'elle était arrivée. Bouh les ondes négatives. Monk soupira pas trop fort, il se dit qu'il allait lui causer, il devait le faire, pourquoi ? Comme ça, parce que quand même il devait bien s'incruster avec quelqu'un dans ce putSchtroumpf de pensionnat. Allez vas y Monk qu'est ce que t'attends ? Qu'elle te saute au cou en te roulant une pelle ? Non allez merde sois sérieux mon ptit Monk. Monk ne bougea pas, ou presque, il tâta un peu sa cheville, ça allait, il n'aurait pas mal, ça devait être simplement psychologique. Il ne se sentait pas de refaire des exercices avec la jeune femme qui le regardait, ou la vieille pète sec, qu'est ce qu'il en savait ? il ne s'était même pas retourné pour regarder. Et puis de toute manière, il était fatigué, ce n'était pas vrai mais ça lui donnait une raison valable d'arrêter le sport. Il se leva finalement et prit un air surpris devant la jeune fille qui se trouvait là. "Oh tiens but you were watching me ?" dit son regard gris de si loin. Il s'approcha un peu, hésita entre la porte et la jeune fille sans trop le montrer. Il décida finalement de s'approcher de la jeune fille sans que ça se voit trop.

"Salut tu sais que tu risques d'avoir l'air c**** si le dispositif anti incendie se déclenche."

Il la détailla en se débrouillant pour que ça ne se remarque pas. Un visage bien défini, de jolis cheveux, des yeux qui montraient essentiellement une grande mélancolie comme les yeux de Monk lorsqu'il regardait la mer du haut de la falaise en se posant des questions sur l'Humanité. Ca le déprimait toujours, mais le reste du temps il pouvait être naturel et caustique. (Faut que je cherche la définition de caustique). De jolies lèvres, fines bien dessinées. Un charme naturel s'échappait de cette jeune femme. Monk s'assit en face d'elle, en tailleur.

Pour l’instant, le nouveau ne m’avait pas encore remarqué. Ou peut-être qu’il faisait semblant de ne pas m’avoir remarqué, comme moi je l’ignorais... Ca restait à voir. Alors sans me préoccuper de ce qu’il pouvait bien fabriquer, je restais assise par terre, adossée au mur froid, à tirer sur ma clope qui me faisait un bien fou. Je sentais mes nerfs se relâcher paisiblement, et je me sentais tout simplement bien plus légère. Moi qui d’habitude m’entendait plutôt bien avec les psychologues, aujourd’hui il avait fallu que je me prenne le chou avec celle qui s’occupait des cas dépressifs. Autrement dit, moi. Généralement je ne suis pas comme ça, dépressive. Mais dès que je commence à être en manque, dès que je commence à avoir les mains qui tremblent et dès que je commence à ne plus dormir la nuit, je deviens barge. Je me met à penser à des trucs moches. La mort, le suicide, bref, toute la panoplie qui accompagne tout bon dépressif. La force qui réside en moi m’interdit de retoucher à la drogue, et c’est ainsi que j’arrive à puiser cette pugnacité qui m’aide à tenir le coup et à résister contre ce manque. Mais d’un autre côté, il y a ces souvenirs. Flous, peut-être, mais surtout marquants. Ce sont les souvenirs d’une vie adolescente, qui profite de l’instant présent et rêve de liberté. Cette vie ne se pose pas trop de questions. Ce sont ces souvenirs là qui me rappellent comment, dans ce monde en crise, impitoyable, on peut survivre en aspirant un peu à cette putain de liberté qui n’existe plus. Ce sont eux qui me rappellent qu’autrefois, il n’y a pas si longtemps que ça, la défonce suffisait à me rendre heureuse, parce que lorsqu’on est arraché, même les choses les plus banales procurent du plaisir et du bonheur en soit. Alors c’est dans ces moments là que je veux à nouveau y goûter... que je veux me souvenir de la sensation de légèreté. Les fourmis dans les jambes, les spasmes, les frissons et les fou rires, tout. Je veux me souvenir de tout.

Le temps de cette réflexion, mes yeux s’étaient lentement fermés, et mon visage s’était apaisé. Je ne m’étais pas endormie puisque je continuais à tirer sur ma cigarette, mais on en avait l’impression. Et puis je l’entendis se lever, alors aussitôt, je mes paupières se soulevèrent discrètement. Il approchait. Et au fur et à mesure qu’il avançait vers moi, mes yeux se réveillaient de plus en plus. Jusqu'à ce qu’ils se plantent dans le regard du jeune homme qui me lança que j’aurais l’air bien cruche si le dispositif anti incendie se déclenchait. Il n’avait pas tort.
- C’est vrai, mais j’m’en tape, répondis-je d’une voix pas des plus chaleureuses. Ce qui n’était pas faux : Je m’en fichais pas mal. Mais d’ordinaire, je n’aurais peut-être pas répondu sur ce ton légèrement froid et peu avenant.

Même si je semblais ne pas avoir envie de causer, le nouveau s’assit pourtant en face de moi. De cette façon, je pus largement - et je le fis sans aucune gêne - l’observais. Il avait les cheveux d’une étrange blancheur. Un blanc plutôt grisonnant. Ses yeux, quoiqu’un peu plus foncés, tiraient eux aussi vers le gris. Il avait un physique peu commun, mais je ne sus pas vraiment dire si la couleur de ses cheveux étaient naturelle ou non. En tout cas, ce qui était sûr, c’est que je ne l’avais jamais vu ici.

- T’es nouveau, non ? demandais-je comme si j’étais la baronne de cet établissement, comme si j’y résidais depuis des lustres. A nouveau, je tirais une nouvelle bouffée sur ma clope.

Monk sourit, une pensée fugace envahit son esprit, il n'y a pas si longtemps, il aurait toussoté rien qu'à sentir l'odeur de la cigarette qu'était en train de tirer Cassie. Il trouvait ça marrant, parce que bien sûr la fumée l'indisposait, étant donné qu'il avait fumé une ou deux fois dans sa vie, qu'il avait trouvé ça plutôt agréable bien que pas tellement bon dans un simple sens gustatif. Et puis il n'avait pas recommencé parce que bouh, la clope c'est pas bien et cancer à 40 ans, les conneries qu'il y a marqué sur les paquets de cigarettes et tout et tout. En plus à un niveau bien plus mature il était contre les filiales de fabricants de clope qui emploie des gens à des salaires de misères pour travailler bien plus que ne le ferait les occidentaux ou les américains dans leurs grandes plantations de tabac. Il était contre eux parce que ces enfoirés vivent du cancer des gens et il ne trouvait pas ça cool, mais sur le coup il s'en foutait, il n'était pas là pour écrire un pamphlet sur les fabricants de tabac, même s'il aurait pu, et pourquoi pas ? Tout ça pour dire que Monk sourit. Elle s'en fichait de se prendre l'eau sur la tronche et Monk la comprit, il avait surtout dit ça pour engager la conversation sans paraître trop balourd, il n'était pas du genre à faire "Salut tu veux être mon ami ?", et ce genre de gars l'horripilait. Le ton de la fille était plutôt froid, mais Monk s'en foutait, il avait connu pire et puis elle avait l'air sympa derrière son air scrogneugneu. Ah et puis merde, de toute façon il devait bien s'intégrer dans ce pensionnat, ou plutôt ce refuge pour délinquants sortis des gonds de la société.

"Ouaip j'suis arrivé avant hier je crois, ouais... Avant hier... Puisque tu as remarqué que j'étais nouveau, j'en déduis que tu ne dois pas être arrivée de la dernière averse ?"

Personnellement j'aime bien la façon que j'ai de dire des trucs et puis d'un coup de passer au dialogue, je trouve ça amusant, ça dépayse, mais revenons en à Monk. Celui-ci scrutait maintenant un peu plus la jeune fille, il faut dire que celle ci ne se gênait pas pour le faire et en regardant ses yeux, Monk vit que si elle n'avait pas le regard planté dans les yeux de Monk, elle fixait ses cheveux, une expression assez vague sur les lèvres. Bah elle n'était pas expressive voilà tout, mais Monk supposait qu'elle était surprise par la couleur naturelle de ses cheveux, blancs, ou gris clair, ça dépend de l'éclairage. Une teinte naturelle dont on a jamais pu s'expliquer l'origine dans sa famille, mais lui s'en foutait pas mal. Il était plus fasciné par ses propres yeux, il avait passé longtemps à les regarder dans le miroir en s'éloignant, se penchant, dans le noir, dans la clarté. Il changeait de couleur, imperceptiblement, selon l'inclinaison, ils étaient bleus ou gris, c'était étrange et captivant et Monk ne s'en lassait pas, il était fier de ses yeux. Les yeux de la jeune femme devant lui était également très jolis, mais je crois l'avoir déjà dit dans mon précédent post, je ne vais pas me répéter, ça va être lourd.

"Je suppose que ça ne doit pas être le sujet de conversation le plus original ici, mais on t'as envoyé ici pourquoi ?"

Je ne m'étais donc pas trompée, il était bien nouveau. Ici, il y a de nouveaux arrivants chaque jours, mais il y en a aussi qui s'en vont, donc ça compense finalement. En revanche, lui, il se trompait. Je suis arrivée à l'Institut Teenagers il y a de cela à peine deux mois, et pourtant, j'ai toujours l'impression que ça fait une éternité que j'y suis. Le temps défile très lentement.

- Non pas tellement, seulement deux mois. Mais on va dire que... j'ai une bonne mémoire visuelle, ai-je répondis en décrochant un vague sourire. C'est vrai que j'ai toujours eu la capacité de me souvenir de la tête des gens, simplement en les ayant vu qu'une seule fois. Mais là, je savais surtout qu'il était nouveau parce qu'avec un physique aussi étrange, je l'aurais déjà remarqué. Remarquez, nombreux sont les gens ici qui ont un physique plutôt hors du commun. Car la plupart des jeunes qui se retrouvent à Teenagers ne sont pas très banals, si on peut dire ça. Entre délinquants fumeurs de coke, gothique dépressifs, ou prostituées, on a là une belle panoplie de la jeunesse dépravée qui s'envoie méchamment en l'air.

Après quelques secondes où le silence en avait profité pour s'installer - me laissant tirer une ou deux latte sur ma clope - le nouveau me demanda le pourquoi du comment je m'étais retrouvée ici. Il évoqua au passage le fait que ça ne devait pas être le sujet le plus original, mais il avait tort. Mise à part avec les psychologues, on ne parle pas énormément de nos problèmes entre nous. Enfin personnellement, c'est comme ça pour moi. A vrai dire, on se fou un peu tous des uns des autres. La plupart ne pensent qu'à se barrer, et les autres ne pensent qu'à se morfondre. Et puis au milieu, il y a des gens comme moi. Des gens qui sont arrivés ici par le propre volonté. Je n'ai pas envie de me barrer, mais je ne suis pas non plus là à m’apitoyer sur mon sort (quoique, ça dépend).

- Ancienne droguée, avouais-je sans passer par quatre chemins. En y repensant, c’est vrai que ça fait très exactement trois mois que je n’aies pas touché à n’importe quelle drogue. L’envie est toujours là parfois, mais me voir être aussi forte m’aide à tenir le coup et à surpasser ces putains de lubies. Et puis il me suffit de penser à mon père et à tous ces gens que j’aime qui m’attendent dehors pour toujours renoncer à l’idée de me griller un petit joint en compagnie de certains résidants récidivistes. Alors pour combler cette envie, je fume des clopes, vous avez sûrement du le remarquer.

- Et toi, qu’est c’que t’as fais pour te retrouver ici ? demandais-je à mon tour, trop curieuse pour me taire. Et je dois avouer que je n’avais vraiment aucune idée de ce qu’il pouvait avoir bien fait. Il n’avait pas l’air d’être un drogué ou un dealer. Peut-être qu’il avait volé ou fait les quatre cent coups avec ses potes... je n’en savais trop rien. Au fait j’m’appelle Cassie, ajoutais-je après avoir tiré une dernière bouffée sur ma clope.

Deux mois, t elle ne se sentait pas nouvelle. Merde, Monk risquait d'y passer sa vie dans ce putain de pensionnat si elle simple droguée disait que ce n'était que le début après deux mois. Argh, il n'était pas très happy of it... Bah il ne reverrait pas sa famille avant un bail. Il se posa la question intérieurement de savoir si ça le faisait chier. Non, et ça lui fit chier. Devenait il donc insensible ? Un type de tabasser et il perdait tous ses sentiments ? Non... Surtout que c'était à cause de ses sentiments qu'il l'avait massacré ce gars, des sentiments de rébellion, d'anarchie. De justice. Mais comment tu veux que ça comprenne ça un juge pour mineur ? Que pour Monk la justice passait avant tout ? Mais non, le gars tabassé était influent et puis voilà où Monk devait croupir, après réflexion, il s'en sortait plutôt bien. Après que Cassie eut parlé, il acquiesça sans rien dire, juste un petit mouvement de la tête, de bas en haut, oui madame...

Le silence les enveloppa, Monk n'y prêta pas attention, il y a des silences qui disent plus que des mots, et ce genre de silence, Monk le pensait, était les meilleurs. Et puis il restait les bruits de cigarette, et Monk ne les entendait même plus, tellement déconnecté qu'il était. Il était tellement absorbé par sa conversation qu'il n'y avait que Cassie qui pourrait le faire revenir sur terre, en parlant. Ce n'était pas flatteur pour elle, parce que c'était juste la façon d'être de Monk il était toujours absorbé par la moindre conversation qu'il tenait qu'elle soit insipides ou pas.

C'était donc une ancienne droguée. A vrai dire, Monk se rendit compte qu'il s'en foutait, complètement. C'était sa vie... pourquoi avait il posé la question ? Il ne se souvenait plus, s'en foutait tout autant d'ailleurs.

"Oh moi, je suis un sale rouge anarchiste qui a un sens de la justice trop aigüe pour ce pays. The land of liberty. Pour être plus clair, j'ai tabassé un sale bourge qui s'essuyait les pieds sur un clochard dans une ruelle. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Je m'en fous d'ailleurs, qu'il crève."

Monk avait parlé un peu vite, d'un ton convaincu. Le ton d'un poète anarchiste, si vous voyez Lamartine, embrassez le pour moi.

"Monk"