Elle était en train de courir, les pieds nus sur l'asphalte brûlant. Le soleil gris faisait naître des gouttes de sueurs sur sa nuque, mouillant ses cheveux en même temps. Le souffle court, Azel sourit cependant en reconnaissant la musique. «Hold Tight», de Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich, extrait de la bande originale de The Death Proof. Ce sourire ne dura que le temps de sa chute.
La jeune femme se redressa dans son lit, toujours en sueur. Elle tendit la main vers son téléphone portable afin de couper le réveil. Elle se laissa ensuite retomber dans son oreiller avec un soupir. Aujourd'hui était son premier jour à Teenagers et, si elle ne stressait pas, elle se demandait néanmoins à quoi ses collègues ressemblaient et surtout, si elle allait réussir à se faire accepter par la population plus jeune. Elle s'étira, bailla, et se redressa encore une fois. La jeune femme alla directement dans la salle de bain et se glissa sous l'eau brûlante avec un soupir de satisfaction. Même Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich ne pouvaient pas la réveiller aussi bien. Une fois sortie, elle enfila un tee-shirt noir et un pantacourt en jean, brossa rapidement ses cheveux tout en contemplant son reflet. Tout avait l'air en place. La jeune femme attrapa ensuite les quelques dossiers qu'elle avait reçu avant de venir et qui concernaient les premiers cas qu'elle allait avoir à traiter. Elle attrapa ses clés et, après avoir inspirer profondément, elle sortit de sa chambre.
Vu que c'est sa première journée, la directrice lui avait permit de prendre exceptionnellement un peu plus tard afin qu'elle ait le temps de prendre un peu connaissance des différents membres du personnel. Azel décida cependant d'aller d'abord déposer ses dossiers dans le bureau qui lui était attitré avant de commencer une quelconque exploration des lieux. Enfin, c'était l'idée qu'elle avait. La jeune femme fût cependant rapidement perdue, et lorsqu'elle se retrouva dehors, elle faillit renoncer et demander son chemin, ce que sa fierté lui interdisait évidemment. Elle finit cependant par trouver le bureau tant chercher dans lequel elle déposa rapidement ses dossiers avant de faire demi-tour pour se rendre dans une salle dont elle avait vu le panneau en passant. «Salle de repos». Malgré l'heure matinale, elle était pratiquement sûre de trouver au moins une personne dans cette salle. Lorsqu'elle entra dans la salle, elle fût cependant surprise de ne découvrir personne. Azel fit quand même un petit tour de la salle, jeta un petit coup d'œil sur les magasines, et se prépara à aller voir ailleurs quand la porte s'ouvrit.

La première réaction d'Azel n'était pas forcément la meilleure pour qui se targue de vouloir s'intégrer, mais ce fût la seule qu'elle pût avoir à la vue de ce personnage si... surprenant. Sans un mot, elle recula d'un pas, instinctivement. La jeune femme aurait sans doute continuer à reculer si la table ne l'avait pas bloqué. Le silence s'éternisa tandis qu'Azel contemplait les yeux noirs derrière le masque qui la troublait tant.

*Mais qui peut bien avoir besoin de se cacher derrière.... ça ! ?*

Ce fût la première question qui lui traversa l'esprit. Cependant, et tandis qu'elle reprenait progressivement ses esprits (entre la nouveauté de sa situation et la surprise de cette rencontre, Azel sentait que la journée commençait bien), elle se rappela qu'elle était dans un institut et que toute personne, même masquée, devait avoir sa place. Elle se redressa, et demanda d'une voix bien plus sèche qu'elle ne l'aurait voulu :

« Qui êtes vous ? »

Comme elle s'en doutait au moment même où elle posait cette question, Azel s'en voulu de commencer le dialogue ainsi. Après tout, elle était venue dans cette salle pour rencontrer ses collègues, et pour que cette personne vienne ici, c'est qu'elle devait probablement faire partie des membres du personnel. Aussi, pour essayer d'adoucir le ton qu'elle avait employé, Azel sourit doucement. Ce qu'elle se reprochait le plus dans cette affaire, c'est d'avoir réagit sans réfléchir et surtout, en jugeant la personne sur ce qu'elle en voyait. Bon, pour sa défense, elle n'en voyait vraiment pas grand chose et ce type de masque n'était franchement pas courant. Mais après l'examen attentif auquel elle se livrait depuis quelques instants, sans vraiment se rendre compte que cela pouvait être gênant, elle remarqua que le masque était fait en bois, ce qui était surprenant.

Azel resta figée devant cette réaction qu'elle trouva relativement surprenante. La plupart des gens répondait de vive voix, mais il semblait que cet homme masqué fonctionne autrement. a son comportement, et son attitude, elle comprit que ce n'était pas ni un éducateur, ni un animateur ou un professeur. Son uniforme la laissa supposer qu'il travaillait aussi à l'extérieur, mais sans réponse plus précise, Azel ne pouvait évidemment qu'imaginer.
Toujours aussi silencieux, Théodore la pointa du doigt, geste que la jeune femme ne trouva pas impoli dans cette situation étrange. Elle resta cependant un moment silencieuse, cherchant malgré elle un moyen de répondre tout aussi silencieusement. Probablement plus par impatience que par impolitesse, Théodore alla s'installer en compagnie d'une belle orange, tout en continuant de la fixer à travers son masque.

*Va-t'il le garder pour la manger ?*

Elle secoua la tête malgré elle pour penser à autre chose qu'à cette question idiote et se retourna pour lui rendre son regard. Et aussi un peu par curiosité, pour voir le visage de son... collègue. Azel se rappela au même instant qu'elle n'avait pas répondu à sa question et elle esquissa un pas dans l'idée de lui serrer la main, mais s'arrêta avant d'avoir fini son geste.

"Azel"

Sa voix lui sembla rocailleuse, bien plus grave qu'à l'ordinaire, mais elle fit comme si de rien n'était. Elle s'en voulut cependant de n'avoir rien ajouté de plus car, malgré elle, Azel avait envie de comprendre le masque et le silence de son interlocuteur. La jeune femme ouvrit la bouche, mais ne sut quoi dire. Mais son regard était inquisiteur malgré son sourire, et elle espérait que Théodore allait ouvrir la bouche, ou du moins faire parler son masque.

Azel attendit silencieusement que Théodore retire son masque pour déguster son orange. Ainsi, elle ressentit une certaine déception en voyant le jeune homme garder son masque et glisser les quartiers d'orange en-dessous. Elle se reprit rapidement, espérant fugitivement que son visage ne l'avait pas trahi. La curiosité n'est pas toujours très bien vue...

La jeune femme était toujours debout, ses mains posées sur la chaise devant elle. Elle hésita encore un instant entre la porte derrière elle et la chaise sous ses doigts. Elle était partager entre son sentiment de curiosité pour cet homme masqué et l'impression qu'il avait envie d'être seul. Alors qu'elle allait choisir sa première solution, Azel entendit la voix de Théodore s'élever derrière son masque en un murmure. Sa présentation, un peu hésitante, la fit changer d'avis. D'autant plus que, comme elle, il prenait ses fonctions aujourd'hui même. D'une main ferme, la jeune femme tira la chaise vers elle et s'y installa, croisant les jambes sous la table. Du bout des doigts, elle attrapa machinalement une mèche de cheveux et commença à l'enrouler distraitement. Avec un sourire, elle essaya de croiser le regard du jeune homme à travers les fentes de son masque tandis qu'elle répondait :

« Il semble que nous sommes aussi nouveau l'un que l'autre...»

La jeune femme plongea dans ses pensées, les yeux rivés sur la fenêtre qui donnait sur un ciel dénué de nuages. Elle songea un instant aux rivages du Devon, aux grandes plages et au mauvais temps. Elle n'avait pas seulement changé d'établissement, elle avait complètement changer de vie. Et si cette aventure lui plaisait, elle ne pouvait s'empêcher de penser avec une certaine nostalgie à l'Angleterre. Azel secoua la tête, pour chasser ses idées, et se tourna à nouveaux vers Théodore.

« Ne me répondez pas si vous trouvez cette question trop personnelle mais... D'où venez-vous ?»