Le balcon était un des endroits que préférait Allister – après son magnifique bureau, et sa non moins grandiose chambre – il y passait donc souvent pour regarder les étoiles en fumant une de ses cigarettes de luxe. D'ordinaire, il ne sentait pas de besoin pressant d'aller sur le balcon, parce que pourtant, il aimait marcher, et à cela se prêtait plus le grand jardin entourant la propriété. Il soupira et signa encore quelques paperasses. Quelques élèves allaient se faire convoquer sous peu, encore, et il s'en délectait déjà, de ces entretiens, mais pour l'heure, il se faisait tard, et il avait envie d'aller fumer une cigarette sur le balcon en enfumant la lune pour la cacher à ses yeux. Foutu astre trop pur.

Il referma le registre des élèves, qu'il « révisait » tous les jours, c'est-à-dire qu'il regardait tous les rapports sur les résidents, petits posts-it collés sur chaque page, témoignant des écarts des moins sages. Quand trop de posts-it s'accumulaient, il fallait convoquer l'adolescent. Et par la même occasion, s'amuser un peu. Mais surtout, un bon moyen de connaître tous ceux qui vivaient ici. Certains lui étaient connus personnellement, d'autres seulement par leur photo et leur fiche. Mais il les connaissait tous, grâce à une mémoire phénoménale dont il appréciait souvent l'utilité.

Finalement, après avoir envoyé un court mail à sa femme, il se leva, réfléchissant à ce qu'il pouvait envoyer comme cadeau de Noël – évidemment en retard – à celle-ci et à leur fille. Certes, il savait ce qui plaisait aux femmes, mais pas aux enfants. Cette année, à la différence des précédentes, il voulait lui-même offrir quelque chose à sa petite chérie, histoire qu'elle sache qu'elle avait un père, mêle s'il n'était presque jamais là, parce que Sous-Directeur dans un centre de redressement pour jeunes délinquants. Enfin, ça, elle n'était ni censée le savoir, ni le comprendre, et surtout pas à son jeune âge.

Tout en enfilant son manteau en fourrure, juste pour la forme, à vrai dire, parce qu'il avait rarement froid, Allister réfléchissait à ce qu'il pourrait offrir à la petite Stella. L'idée de cadeaux complémentaires pour la mère et la fille lui semblait savoureuse, aussi réfléchissait-il intensément en montant les deux étages qui l'amèneraient au petit paradis perdu et tranquille où il pourrait songer en paix.

Des bijoux... Trop commun. Des fleurs ? Pas assez luxueux. Des jouets ? Impossible pour Gabriela. À moins qu'il ne lui offre un jouet un peu plus mature... Non, elle se sentirait sans doute insultée, la connaissant. Et puis, elle avait beau aller chercher ailleurs, comme lui, elle était plutôt traditionnelle, et se passait d'accessoires, que ce soit seule ou en compagnie. Des livres ? Ennuyeux pour l'une comme pour l'autre... Alistar poussa la porte vitrée, sans regarder devant lui, sortit son étui à cigarettes en or ciselé, sortit un de ces délices à la nicotine de luxe, rangea l'étui, sortit son briquet assorti, alluma la cigarette, prit une grande bouffée et la recracha lentement vers le ciel, en rejetant quelque peu la tête en arrière. Ce ne fut qu'à ce moment-là qu'il réalisa qu'il n'était pas seul. Une jeune femme l'avait précédé sur le balcon et le regardait, peut-être surprise. Il ne lui fut pas difficile de reconnaître la psychologue qui en avait elle-même besoin - d'un psy - : Laura Layszee.

Il lui rendit son regard, doublé d'un sourire poli et presque charmeur.

« Vous me voyez confus d'interrompre ainsi vos rêveries. Accepterez-vous une cigarette pour me faire pardonner ? » dit-il en faisant mine de sortir l'étui. Il en avait même oublié qu'il était censé venir ici pour réfléchir aux cadeaux qu'il voulait offrir à Gabriela et Stella...

Je me demandais bien ce que je foutais là. J'étais sur le balcon et je regardais le ciel nocturne, nonchalamment accoudée à la rambarde. Peut-être le besoin de souffler. Ma journée n'avait pas été des plus calmes, si je puis dire : Entre les résidents qu'il fallait presque torturer, ceux amorphes et les autres contre lui il fallait faire un duel à coup de qui crie le plus fort, c'était vite épuisant. Tiens, c'était peut-être pour ça que j'avais éprouvé le besoin de sortir : Une migraine. Ces ados de malheur m'avait envoyé Armaggedon dans la tête, à croire. Je soupirai. La Lune était pleine, ce soir. La porte du balcon s'ouvrit et, plus par réflexe qu'autre chose, je jetai un œil à la personne qui venait me tenir compagnie – sans doute involontairement, mais passons –. Le sous-directeur... Avec un manteau en fourrure sur le dos. Pourtant, il ne faisait pas spécialement froid. Okay, je devais avouer que j'avais mis un petit truc sur les épaules moi aussi, mais quand même! Enfin. Au moins, l'air frais avait calmé un temps soit peu ma tête.
Je continuai de fixer l'imposant roux, alias le deuxième grand manitou du manoir. Il penchait la tête en arrière et recrachait avec élégance une bouffée de fumée. Sauf qu'il perçut mon regard. Bah, rien de dramatique. Il me sourit même. Mais... Me proposa une cigarette. Positivons : Au moins, ce n'était pas de l'alcool.

- Je ne fume pas. Mais merci.

J'étais l'une des rares personnes à l'institut à ne pas fumer. D'ailleurs, les non fumeurs semblaient en voie d'extinction, ici. Cessant de le regarder, je reportai mes yeux sur le ciel nocturne et son astre éclatant. On entendait même parfois les grillons. La soirée était... Calme. On aurait dit que tout le monde était mort tant le calme et le silence régnaient. C'était bien rare. Rare, mais agréable.
Bon, je n'allais tout de même pas rester aussi muette qu'une carpe à côté de mon supérieur hiérarchique. Pas que je sois très regardante sur ce genre de trucs – la hiérarchie, hein –, mais si déjà il était là, autant en profiter pour bavarder un peu. Qui savait, peut-être que j'allais apprendre quelque chose d'intéressant. Fouillant dans ma mémoire, je ne tardai pas à trouver quelque chose : Il me semblait qu'il avait épouse et enfants. Pour engager la discussion, ça pouvait faire l'affaire.

- Comment vont votre femme et votre fille?

En parlant de famille... Je me demandais bien ce qu'Anna foutait. On était parties ensemble pour rester l'une avec l'autre et pourtant, depuis qu'on était arrivées, je ne la voyais presque plus. Je sortis sans m'en rendre compte une photo d'elle de ma poche. En tout discrétion, même s'il ne manquerait pas de le remarquer, cet homme avec qui je partageais momentanément le balcon. Il remarquait tout, ce type. Parfois, j'avais même envie de le surnommer « œil de lynx »; mais à priori, il n'aimait pas les surnoms. Enfin bon. Je rangeai rapidement la photo dans ma poche et reportai mes globes oculaires sur les étoiles, petits points blancs infinis nageant dans une eau sombre non moins grande.

(HRP : Court =_= Désolée.)

[T'inquiète, on est en vacances x) Je fais pas non plus des posts particulièrement longs u_u Désolée du retard, j'avais des invités >.>]

Elle refusa poliment la cigarette, et Allister rangea l'étui en or ciselé avant de reprendre une longue bouffée, qu'il recracha en direction de la lune. Oui, il avait une certaine acrimonie envers la chasteté de l'astre lunaire. Une mélodie de Fauré – Diane, Séléné, tirée du cycle L'Horizon Chimérique – lui revint alors : « Ô Lune, je t'en veux de ta limpidité, Injurieuse au trouble des pauvres âmes... ». Le texte était d'un poète mort très jeune sur le front, Jean de la Ville de Mirmont, malheureusement méconnu. Certes, sa prose ne valait pas celle de Verlaine quand il s'agissait de la lune, mais ses poèmes étaient charmants. Et Allister préférait l'abord qu'avait le poète moins célèbre par rapport à l'astre nocturne. Verlaine lui était trop élégiaque et admiratif de cette blancheur, cette pâleur maladive.

Elle, Laura, semblait perdue dans la contemplation de Séléné. Toutes les filles vouaient un culte à cet astre déifié. Pas étonnant, il régulait leurs humeurs par leurs hormones, comme les marées. Un sourire cynique étira les lèvres du Sous-Directeur. Il ne se savait pas si macho, pourtant. Peut-être parce qu'il était énervé contre la lune, que tant vénéraient alors qu'elle ne le méritait pas. Enfin, la Lune, ça ne servait à rien, non ? Allister aimait le silence, il ne troubla donc pas le moment de réflexion de la jeune femme, prenant de longues bouffées et s'amusant à obscurcir l'air devant lui, comme s'il créait un brouillard de quelques secondes devant la lune. Ça ne durait pas longtemps, la fumée disparaissait rapidement, mais ces quelques secondes de répit lui convenaient.

« Comment vont votre femme et votre fille ? » demanda-t-elle alors. Ah, les fameuses questions de politesse...

Alistar ne cachait pas réellement son état marital aux Résidents, mais ils étaient peu à le connaître. Laura en faisait apparemment partie – certes, le personnel était plus informé que les jeunes délinquants. Tiens, grâce à la question de la psychologue, il repensait à la raison de sa venue ici sur le balcon : trouver des idées de cadeau pour sa famille. Elle, en temps que jeune femme, en aurait peut-être une idée. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier prévu à cet usage.

« Elles vont très bien, je vous remercie, Mademoiselle Layszee. »

Il la regarda sortir une photo qu'elle observa pendant quelques instants. Il reconnut le visage entraperçu comme celui d'Anna Layszee, la sœur jumelle de la demoiselle, ce qui n'était en théorie pas très étonnant. S'il ne se trompait pas, elles étaient nées siamoises et avaient eu une opération de séparation assez tard. N'ayant aucun lien fusionnel avec qui que ce soit – sauf peut-être avec ses cigarettes – Allister n'avait aucune idée de ce que cette séparation avait pu causer sur le plan émotionnel. Certes il adorait sa femme et sa fille, mais si elles n'avaient pas existé, ou si elles mouraient, il ne s'en porterait pas réellement plus mal.

« D'ailleurs, en époux et père indigne que je suis, je ne leur ai toujours pas offert de présents de Noël... Je souhaiterais leur offrir des cadeaux assortis, mais les options auxquelles j'ai réfléchi ne me satisfassent pas... Auriez-vous une idée ? Je vous en serais extrêmement reconnaissant... » ajouta-t-il, afin que la conversation de languisse pas, et surtout parce qu'il espérait qu'elle pourrait en effet lui donner des idées. Il ne voulait pas décevoir sa chère femme et sa ravissante fille, qui serait la somme des vices de ses parents – mais aussi de leurs redoutables qualités. Son regard se fit inquisiteur et attentif : serait-elle à la hauteur de ses espérances ? Saurait-elle lui apporter une – ou plusieurs – solution(s) ?

Je m'aperçus bien vite du sourire du sous-directeur. Ah, les hommes... Comme quoi, eux et la discrétion, ça faisait deux – ou plus –. Je rangeai ma photo : Il ne manquerait plus qu'il se mette à dévorer ma soeur du regard, tiens! Okay, j'exagérais un peu, mais bon... C'était ma soeur, quoi. Je levai vers lui un regard étonné à l'entente de ses paroles : Bon sang, mais Noël était passé depuis bien longtemps déjà! Je me pris le menton entre deux doigts, réfléchissant un instant. Notre famille s'amusait aussi à nous envoyer des cadeaux complémentaires, à moi et Anna, lorsque c'était notre anniversaire. On ne les mettait pas souvent car on préférait porter les cadeaux qu'on s'offrait mutuellement, mais bon.

- Déjà, appelez-moi Laura, tout simplement. Je n'aime pas tous ces titres de politesse.

J'avais sorti ça sans vraiment m'en rendre compte, mais n'empêche que c'était véridique. Tenant toujours mon menton entre deux doigts, je penchai complètement la tête en arrière, admirant les étoiles.

- Si je puis me permettre de ramener mon expérience personnelle... Notre famille nous offrait toujours des choses assorties, à moi et ma soeur. Donc je pourrai sûrement vous aider. Et j'ai de petites idées. Mais c'est un peu difficile de trouver quelque chose, vu que je ne connais pas les goûts de votre femme et de votre fille.

Je soupirai. Que de paroles inutiles. Mes doigts délaissèrent mon menton pour aller triturer l'éternelle chaînette que je portais.

- Bien souvent, c'étaient des bijoux. Vous savez, ce genre de trucs qu'on peut séparer en deux, et où chacune avait un pendentif.

Je n'étais pas très claire, mais tant pis. De toute manière, ce genre de choses se trouvaient facilement. Je me creusai encore d'avantage les méninges. Je n'avais jamais vraiment fait gaffe à ce qu'on nous offrait, en fait, vu qu'on les mettait rarement.

- Ou sinon, une fois, on nous a offert des tableaux un peu... Étranges. Deux personnages se tenaient la main, mais l'image n'était ''reconstituée'' que lorsque les deux tableaux étaient côte à côte. Parce que sinon, les deux personnages ne se tenaient pas la main.

Décidément, la clarté et moi, ça faisait six. Je rabaissai la tête et me tournai vers lui, un sourire au visage.

- Excusez-moi, je ne suis pas vraiment claire.

Je ris doucement, puis laissai un soupir assez joyeux franchir mes lèvres. Sans m'en rendre compte, je tripotais toujours ma chaînette, provoquant de ce fait un léger bruit métallique. De mon autre main, je me remis une mèche de cheveux derrière l'oreille.

La psychologue refusait qu'on la vouvoie. Par rébellion ? Parce qu'elle n'aimait pas les formalités ? Parce qu'elle ne s'en sentait pas digne ? Quoi qu'il en ait été, Allister, lui, refuserait qu'on le tutoie et elle n'avait pas intérêt à s'y risquer. Peu de personnes avaient ce privilège, et s'y certains Résidents l'apostrophaient impoliment, sa réaction variait d'enfermement direct dans les cachots à ignorance royale de l'impertinent. Certes, certaines de ses conquêtes se le croyaient permis et il ne réagissait alors pas là-dessus, mais cela n'empêchait pas le déplaisir qu'il en ressentait, aussi fort que lorsqu'on l'affublait de surnom ridicules, comme avait tendance à la faire la charmante Aby.

Tout en triturant la chaîne qu'elle portait au cou, la jeune femme proposa l'idée de bijoux séparables en deux. Ce n'était pas une mauvaise idée, mais c'était tout de même plutôt un cadeau qu'on faisait à des sœurs ou que s'offraient réciproquement des amants. Pas tout à fait ce qu'il recherchait pour sa femme et sa fille. L'air songeur, il chercha des idées qui s'apparenteraient à celle de Laura, mais rien ne lui vint. Peut-être des robes assorties, d'un rouge grenat. Elles auraient l'air ravissantes là-dedans, mais avaient-elles encore besoin de nouveaux vêtements ?

- Ou sinon, une fois, on nous a offert des tableaux un peu... Étranges. Deux personnages se tenaient la main, mais l'image n'était ''reconstituée'' que lorsque les deux tableaux étaient côte à côte. Parce que sinon, les deux personnages ne se tenaient pas la main.

Allister sortit son étui à cigarettes, et en sortit une, qu'il tapa légèrement contre la boîte refermée, comme le font les fumeurs habitués, pour tasser le tabac de luxe. Il mit la cigarette à sa bouche, rangea l'étui, sortit son briquet et l'alluma en réfléchissant. Certes, l'idée de Laura ne manquait pas de charme, mais elle n'était pas utile. Or, Alistar ne s'intéressait qu'à l'utile, et pour lui, tout ce qui arrangeait l'apparence était utile, bijoux comme vêtements, mais les tableaux ne lui plaisaient pas autant, d'autant plus qu'il appréciait la peinture florentine de la Renaissance et non pas les vils recopieurs du XXIe siècle qui se plaisaient à peindre comme les grands pour vendre aux touristes. Quant à la peinture contemporaine, elle le laissait perplexe, de même que la musique classique contemporaine. Il préférait les bonnes vieilles traditions. Il trouvait que tout ce qu'on pouvait contempler aujourd'hui en art ne valait pas l'Art d'avant. Ainsi il élimina la gentillette idée des tableaux, mais lui vint l'idée de miroirs complémentaires, identiques mais avec une symétrie inversée. Et puis pendant qu'on y était, pourquoi pas aussi des diadèmes assortis, ainsi que les robes auxquelles il avait songé. Bon, le problème était réglé, sans grande originalité hélas, mais il ferait avec. Ce serait plus pratique quand sa chère petite Stella serait plus âgée et à même de comprendre mieux ce qu'on lui offrait.

« Non, non, tu es d'une clarté idéale, Laura, et tu m'as donné une idée, ce dont je te remercie. Mais laissons là ces ennuyeuses réflexions et dis-moi donc comment te plaît Teenagers, et si tu y rencontres des problèmes particuliers... »

Il reprit une bouffée, le sourire aux lèvres. Les troubles psychologiques des résidents l'intéressaient au plus haut point : il n'y avait rien de plus amusant que d'affirmer à un paranoïaque que le FBI le surveillait et qu'on allait l'enlever pour lui arracher la vérité, quelle qu'elle soit... Ces petits plaisirs du Sous-Directeur ne plaisaient peut-être pas à tous – et sûrement pas aux psychologues qui s'échinaient à « guérir » les résidents – mais c'était une des raisons pour lesquelles il avait accepté ce poste : il y pouvait faire en toute impunité ce qui en société serait très mal vu. Ici, personne ne pouvait porter de jugement sur lui, mis à part peut-être sa chère Kathleen...qui n'en savait rien, et n'en saurait jamais rien. Il recracha un nuage de fumée vers la lune, l'œil égrillard, et d'excellente humeur.

La soirée m'avait l'air d'être vouée à se traîner en longueur. Quelques minutes me semblaient durer des heures. Pourtant, je crois que c'était la première fois que je voyais le sous-directeur en chair et en os... Ainsi, je n'avais donc pas de raison particulière de m'ennuyer. M'enfin. Le temps était pareil aux humains : Plus insaisissable que tout et le plus souvent incompréhensible. Je haussai vaguement les épaules en l'entendant parler. Bon, okay, je n'aimais pas les formalités polies à la BCBG, mais de là à ce qu'il me tutoie... Bref. Je n'allais pas en faire toute une histoire, non plus.

- Contente de vous avoir été utile.

Que je lui parle de Teenagers... Ca m'étonnait qu'il s'intéresse à cela. Bon, d'accord, beaucoup de supérieurs hiérarchiques s'enquissaient pour ceux qui leur étaient inférieurs – seulement hiérarchiquement parlant, hein –, mais c'était bien souvent uniquement par politesse. Espérons qu'au demeurant, ce que j'allais dire ne me soit pas préjudiciable.

- Je ne vais pas rabâcher la même chose que tous les autres membres du personnel. Parce je me doute que vous avez trop souvent entendu des « il y a des résidents coopératifs et d'autres non ». Je ne rencontre pas de problèmes particuliers...

Je me retins d'ajouter quelque chose : Le fait que je trouve ne pas voir assez souvent ma frangine. On ne pouvait pas tout avoir. Je pouvais déjà m'estimer heureuse d'avoir un job de ce genre-là alors que j'avais fait pas mal de conneries, alors je n'allais pas en plus me plaindre, tout de même! Sans cesser de triturer mes chaînes, je repris la parole.

- Hum. Ca m'étonne de vous parler. Je suis là depuis déjà presque six mois, et c'est la première fois que je vous rencontre vraiment.

Parce que le voir à la dérobade, c'était plutôt chiant. Pour une fois qu'il n'avait pas X paperasse à traîter et moi un résident à voir, ça me faisait bizarre. C'était à se demander ce qu'il avait derrière la tête... Parce que parfois, quand je le voyais agir avec certains des gosses de l'institut, il y avait de quoi prendre peur. J'espérais qu'il ne se mette pas à assouvir ses pulsions sur les membres du personnel. Pas forcément sexuelles, hein! Mais toujours était-il que ça m'intriguait énormément. Il pouvait être très menaçant, quand il s'y mettait, à en juger par les dires de certains des adolescents de Teen's. Je sais, je ne devrais pas leur faire confiance quand ils disaient ce genre de choses. Mais bon. C'était mieux que rien.