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Cauchemar éveillé [Marguerite]

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MessageSujet: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptySam 27 Mar 2010 - 0:08

Daniel, hagard, haletait, recroquevillé contre un mur poussiéreux, entre deux dras tendus sur des meubles à nature inconnue. C'était rare qu'il perde son sang-froid, son calme... Même quand il avait pleuré l'autre jour il était resté tranquille, même quand il n'arrivait pas à retrouver la formule chimique exacte d'on-ne-savait quel atôme complexe pour un devoir de chimie, il ne paniquait pas comme ça. Mais là, c'était vraiment, enfin, ç'avait été le comble de l'horreur. Bon sang de bonsoir! Voilà des jours qu'il oscillait entre lui et Dan', voilà des jours que lui, Daniel, luttait pour garder tout son sang-froid et, tête haute, traversait les couloirs peuplés d'individus absolument pas fréquentables. Des jours sans qu'aucun incident majeur ne lui arrive jusqu'à... Aujourd'hui. Il faisait très sombre dans le grenier, mais, dans les couloirs, le soleil hivernal filtrait par les fenêtres. Il se promenait, un livre sous le bras, dans le but d'aller prendre un peu l'air au jardin quand une bande de voyous l'avaient apostrophé.

Evidemment, qu'est-ce qu'un "petit péteux" comme lui avait à faire dans cet établissement de déglingués? Et puis une espèce de "tafiole érudite" c'était cool, ça savait pas se défendre, alors pourquoi pas lui foutre une beigne ou deux, juste pour voir? Alors Daniel avait couru, quand la menace c'était faite évidente. Il avait couru, il avait entendu les autres idiots se foutrent de sa gueule. Sans se retourner il avait couru et couru le plus vite possible -la peur donne des ailes- et voilà qu'il était... Là.

Tremblant, paniqué, à bout de souffle. Cet endroit était lugubre. C'était où? D'après ce qu'il pouvait observer et d'après son sens de l'orientation, ce devait être un grenier. Il était vaste, et il s'était avancé assez loin, mais maintenant... Que c'était dégoûtant. Des toiles d'araignées partout, cet endroit devait grouiller de rats et d'autres vermines en tout genre. Il y avait plein de formes sombres et angoissantes, c'était recouvert de poussière, rien n'était rangé, c'était le bazar total, franchement, un manque de rigueur affreux de la part d'un établissement comme celui-ci.

Mais il avait peur, il était mort de trouille. Cet univers n'était pas pour lui, non, pas pour lui! Il était Daniel Morrange, petit surdoué promis à un avenir brillant, éducation sans failles et amoureux des livres. Son livre... Un tome de l'Encyclopédie. Une reproduction, évidemment. Il les avait déjà tous lus, mais il aimait bien les parcourir. Le livre grand format serré contre sa poitrine, il ferma les yeux.

Tout-à-coup, craquement à côté de lui.

Il sursauta violemment, sans lâcher de cri, mais eu une inspiration brusque. Il se leva très vite, les bras serrés comme jamais sur le bouquin, rippant sur le sol, rétablissant son équilibre, tournant la tête partout, se cogna contre un coin du meuble, étouffa un couinement de douleur, s'éloigna en chancelant, se stabilisa, accéléra... Sortir de là, sortir de là, appeler ses parents, sa mère, les supplier de revenir, de revenir le chercher, lui, et de laisser Dan' là-dedans... Non non... Oui la porte, il voyait la porte, le rai de lumière qui filtrait par en dessous, par sous les côtés, la lumière...

Lourdement, il s'écrasa sur le plancher grinçant, il s'était pris les pieds dans il ne savait quoi. Il gémit, se mit de côté, en position foetale... Il ne pleurait pas, non, ses yeux étaient secs, mais il avait peur, affreusement peur, il était terrifié, horrifié.

Que ce cauchemard cesse, que tout ça s'arrête, pitié, il donnerait tout, tout pour donner fin à cet enfer, tout, non... Non, pas le livre, pas le livre qu'il tenait serré contre son coeur qui battait à tout rompre.


Dernière édition par Daniel Morrange le Mar 27 Avr 2010 - 20:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptySam 27 Mar 2010 - 1:07

    Marguerite était douée d’un certain talent pour se fondre dans la masse. Dès lors qu’elle voulait passer inaperçue ou simplement quand elle ne se sentait pas d’humeur à faire la causette, il ne lui était pas difficile de se dissimuler à la vue de tous, comme si elle n’avait jamais existé. C’avait été toujours un atout particulièrement précieux. Auparavant, dans l’environnement élitiste et sécuritaire dans lequel elle avait grandi, c’était une capacité distrayante qui lui permettait d’observer les gens sans qu’ils s’en rendent compte –ce qui était toujours révélateur et significatif dans la synthèse descriptive du sujet d’étude. Aujourd’hui, c’était une sorte d’aptitude qui avait sans doute déterminé la survie de bien des espèces dans le processus de sélection naturelle.
    Passer inaperçu au Teenagers Institute pouvait vous éviter bien des ennuis. Marguerite avait fini par adopter cette attitude de façon permanente quelques jours après son arrivée après s’être fait chahuter par quelques garçons plus âgés qu’elle. Mais ce n’était pas suffisant. Certes, cela vous permettait d’éviter la petite racaille brutale à la recherche de cou délicat à rompre mais ça attirait à vous une autre sorte de résidents dont le comportement était plus inquiétant… Il existe en effet aux Teenagers Institute des cas bien inquiétants de diverses maladies mentales passant de la pyromanie la plus innocente aux troubles du comportement les plus chaotiques et destructeurs. Et parmi ceux-là, des observateurs avisés qui avaient été plus subtils que Marguerite, qui se croyait maître en son art de guetter, d’évaluer du regard et de loin la populace grouillante.
    Mais Marguerite ne pouvait pas s’en empêcher. C’était chez elle quelque chose de naturel et elle n’était pas résignée à abandonner la distraction qui occupait l’essentiel de son temps. Déjà qu’elle s’enfermait de longues heures dans sa chambre à coiffer une poupée inerte… Le peu de temps qu’elle passait en compagnie d’autres personnes du genre humain serait définitivement consacré à l’étude de leur comportement.
    Quand elle était plus jeune, avant que la musique n’accapare ses loisirs, Marguerite avait sérieusement songé à étudier l’anthropologie. Les résumés que son père lui avait fait de l’œuvre de Lévi-Strauss l’avait passionnée et elle s’était imaginée partir s’immerger dans les cultures d’ethnies presque disparues. Cette fascination pour le genre humain perdura longtemps, jusqu’à ce que la musique l’éclipse. Mais tout l’attrait que Marguerite avait pu sentir pour l’anthropologie et même plus largement pour les sciences sociales ne serait sans doute plus jamais soulevé. Les scènes qui se déroulaient –sensiblement les mêmes chaque jour, devant ses yeux la lassaient. C’était pour elle l’expression d’une bestialité assez embarrassante, d’une violence hagarde et sans but, d’une perdition banale, facile et peu poétique de la jeune adolescence.
    Pourtant, elle ne se laissait pas de ce spectacle. Ce n’était pas par voyeurisme, ni par ennui mais plutôt par curiosité. Marguerite n’était pas quelqu’un de blasé par nature et chaque jour, elle pensait qu’un élément nouveau viendrait rafraîchir cette incessante comédie. Elle espérait saisir un élément nouveau, quelque chose qui donnerait un sens à cette mascarade. Et puis aussi, même si elle trouvait tous les éléments entendus et prévisibles, elle considérait chacun des adolescents comme un individu. J’entends par là qu’elle ne rangeait personne dans une case ou alors, si elle le faisait, elle considérait cette personne comme un être en perpétuel mouvement, susceptible de l’étonner, duquel elle pouvait apprendre. Mais malgré ce dernier point, je ne nierais pas que le regard détaché qu’elle tenait sur ce système de marginaux était indulgent, presque condescendant mais pas tout à fait. Chose étonnante parce que si Marguerite ne se dépréciait pas, elle n’était pas particulièrement arrogante. A vrai dire, elle se sentait égale à elle-même, d’une lucidité déprimante, considérant les autres comme son miroir. Elle ne s’excluait pas de ce système, ou alors elle dissociait sa personne profonde de l’observateur qu’elle était. Elle poursuivait des chimères aussi vaines et futiles que ses camarades.

    Mais peut-être devait-elle prendre de nouvelles résolutions… Essayer d’aller vers les autres sans attendre de leur avoir été présenté, tenter de nouer des liens en-dehors de la bonne société. Elle n’arrivait pas à se détacher de l’idée que quand elle sortirait de cet établissement avant-gardiste, qui laissait voir une triste vision du futur, tout redeviendrait comme avant. Or, au contraire, tout prendrait un autre visage. Certes, son avenir financier était assuré mais les deux choix qui s’offraient à elle ne lui convenaient pas.

    Marguerite était assise dans le couloir en train de ressasser ces moroses pensées. Elle était assise à même le sol, juste devant la grande porte qui menait au jardin. Personne n’était venu la déranger. Le trafic se faisait sans s’interrompre jusqu’à ce qu’un esclandre éclatât. Quelques garçons qui rentraient justement du jardin s’adressaient en criant à quelqu’un au bout du couloir. Marguerite attendit qu’ils la dépassent pour jeter un coup d’œil sur l’heureux destinataire de ces hurlements pleins d’une joie féroce, précisément au moment où il s’enfuit. Elle regarda les garçons s’esclaffer sans mot dire et elle se leva en s’époussetant inconsciemment le fessier. Elle les dépassa et un objet sur le sol attira son attention. Un marque-page. Elle se baissa pour le ramasser, devinant le propriétaire qu’elle vit disparaître au détour d’un couloir en relevant les yeux. Marguerite le mit soigneusement dans sa poche et suivit le chemin que le jeune homme avait pris. Sans presser le pas, disons qu’elle ferait confiance en son instinct et qu’il n’y avait pas 36 cachettes possibles.
    Elle finit par arriver, au terme d’une ascension plus ou moins rapide, à un endroit où elle n’avait jamais mis les pieds. Elle évitait de fréquenter les endroits quasi-déserts du Teenagers Institute car elle considérait qu’être au milieu de détraqués était moins dangereux qu’être seule avec l’un d’entre eux. Elle se le répéta en montant des escaliers et ça ne l’empêcha pourtant pas de passer la porte du grenier. C’était un endroit lugubre et sombre et le grincement de la porte fut si bruyant qu’elle n’entendit pas les divers bruits de chute étouffée que provoqua son arrivée.
    C’était parce qu’il s’était enfui. Elle n’avait pas peur de lui, pas du tout parce qu’il s’était enfui.
    Elle entra définitivement et au moment où la porte grande ouverte cessa de grincer, elle vit un corps étendu devant elle, à moitié embaumé par l’obscurité. Elle sursauta mais la surprise laissa très vite place à un grand élan de tendresse. Elle se retourna et ferma la porte, laissant juste un rai de lumière filtrer. Elle s’avança ensuite dans la pièce et s’accroupit aux côtés du jeune homme apeuré. Elle avait sorti le marque-page de sa poche et d’une voix égale et neutre –car on ne changeait pas des habitudes si bien ancrées, elle dit.
    -Je ne suis pas sûre… mais j’ai trouvé ça derrière toi, je crois que ça t’appartient.
    Elle tendit à un corps sans visage l’objet en question et resta immobile. Elle se sentait étrangement concernée, sans doute parce qu’elle redevenait maîtresse d’une situation. Elle avait perdu le sentiment de sérénité constant qu’elle avait toujours eu depuis son arrivée aux Etats-Unis.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptySam 27 Mar 2010 - 23:26

Daniel bloqua un instant sa respiration, serra le livre à s'en défoncer la poitrine, ferùma les yeux fort, très fort... Quelqu'un, il y avait quelqu'un, sans doute un de ses poursuivants, c'était fini, il allait se faire éclater le nez, démolir la mâchoire, défoncer l'arcade, il allait mourir, mourir, mourir, non, pas mourir, il voulait...

Une voix. Une voix féminine, neutre, sans animosité. Curieux, il ouvrit les yeux, les leva, se décrispant un peu à la même occasion. Oui, une fille, taille marquée, poitrine développée, traits doux. Une fille habillée correctement, pas à moitié nue, pas dans des horribles vêtements déchirés d'un goût affreux. Une fille.

Très joli visage, remarqua Daniel, mais il faut savoir que la beauté lui importait peu. A vrai dire, Daniel ne s'intéressait ni aux filles, ni aux garçons, et se moquait de l'apparence physique. Parler à une belle personne, fréquenter une belle personne lui importait guère et ne lui apportait aucune joie particulière. Il ne jugeait que sur le mental et était toujours déçu par ces adolescents ingrats et idiots ou par ces adultes qui se croyaient supérieurs mais qui vallaient en réalité bien moins que lui. La beauté, si elle l'importait peu, ne lui était pas inconnue et il connaissait son pouvoir. Il savait reconnaître une personne qui était considérée comme belle, même si parfois les goûts des gens étaient... Surprenant. Bref, cette fille était jolie, mais dans l'instant présent, il s'en moquait bien.

Impression de rigueur et de sériosité. Oui, c'était bien cela qui se dégageait de la demoiselle, dans son maintient, dans son espression, il le sentait, c'était si rare alors... Elle lui rappelait sa mère, c'était la même chose. Sa mère... Daniel avait tendance à être mysanthrope, il trouvait tout le monde vulgaire, imbécile, mais pas sa mère. Sa mère, il l'aimait profondément, tout comme son père. Sa mère, c'était un modèle de sérieux et de rigueur. Sa mère l'aimait, sa mère était quand même un peu tendre avec lui, et... Cette fille aussi, oui, il y avait aussi un truc, ce truc...

Il prit le marque-page. Un morceau de papier rigide rouge, orné de dorures en relief et où s'entrelaçaient harmonieusement les noms de la littérature française, calligraphiés avec beaucoup de style. Il aimait ce marque-page. Un peu trop fébrilement peut-être, il le glissa dans son livre puis leva à nouveau les yeux vers cette fille et la dévorant du regard...


    "Merci. Merci beaucoup."


Il s'exprimait rarement de cette façon. Il mettait rarement autant de ferveur dans un merci. Cette fille... Cette fille pourrait-elle être différente, différente de tous ces délinquants? Et si elle était ici par erreur? Des erreurs de justice, il y en avait beaucoup... Et si elle était gentille, hein? Elle n'avait pas l'air d'avoir de mauvaises intentions à son égard, elle n'avait pas l'air de vouloir le frapper... Il avait presque l'impression qu'elle veillait sur lui... Comme sa mère, comme sa mère qui veillait sur lui, Daniel, mais plus ici, non, là, il était seul.

Seul, oui, seul parce que sa pauvre mère avait peur de lui... C'était la faute à l'autre, c'était la faute à Dan', c'était Dan' qui l'avait frappée, pauvre femme, pauvre petite maman...

Brusquement, il se releva, plaqua son visage contre le ventre de la jeune femme, s'accrochant avec force à elle, serrant ses vêtements entre ses doigts, sentant une chaleur humaine autre que la sienne, une vie, des pulsations... Un réconfort.
Oh, qu'il se sentait en sécurité, là, le visage écrasé contre le ventre de cette fille, il avait l'impression que rien, rien ne pourrait lui arriver, elle qui lui faisait tant penser à sa pauvre mère, pauvre mère... Pardon, pardon, gémissait-il pressé contre son ventre, pardon, pardon maman...

Les méandres de ses pensées l'amenèrent très vite de la sécurité au danger, et il repensa à tous ces fous, ces délinquants, ces pervers, ces brigands, ces voleurs, tous ces jeunes complètement détraqués... S'ils avaient l'idée de se trouver un coin tranquille pour se livrer à toutes sortes de bêtises, toutes sortes de diableries, hein? S'ils venaient ici...!
Il s'aggrippa encore plus, il avait laissé tomber son livre sur le plancher poussiéreux, tout ce qui l'importait, c'était le contact avec cette fille, c'était de se sentir plus en sécurité. C'était rare, peut-être une des premières fois, que Daniel recherche de la sorte le contact humain, qu'il le désire, qu'il en ait besoin... Cette situation était sans doute inédite pour lui. Surement, même. C'était facile, très facile de s'enfermer sur soi-même, d'ignorer les autres avec condescendance, de ne penser qu'à soi, qu'à son bonheur. C'était, en revanche, beaucoup plus difficile de découvrir autre choses, de découvrir un autre univers, de se confronter à un endroit qui ne nous convenait pas, de se retrouver en contact avec des gens que l'on abhorrait... Peut-être trop difficile pour lui.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyDim 28 Mar 2010 - 0:17

    Le regard de Marguerite était posé sur ce pauvre garçon apeuré. On aurait dit un animal blessé, dont tous les muscles tremblaient sans réussir à s’animer de suffisamment de force pour bondir et prendre la fuite. Marguerite restait immobile, pour exprimer qu’elle ne lui voulait aucun mal. Seul geste, ses lèvres se fendirent lentement en un doux sourire, qu’elle voulait encourageant.
    Elle se laissa détailler du regard. Elle savait comme ça pouvait être rassurant et elle le laissa poursuivre son examen sans se sentir gênée ou le trouver irrespectueux. Elle le pensait de plus en plus inoffensif.
    Le marque-page s’échangea et Marguerite remarqua alors le livre qu’il serrait si nerveusement entre ses doigts aux articulations blanchies par la pression. Elle n’essaya pas de distinguer le titre de l’ouvrage, notant simplement le détail. Elle resta à ses côtés, toujours accroupie et fut tentée de se réinstaller plus confortablement. Elle ne comptait pas partir une fois sa BA accomplie. Elle voulait le consoler, le cajoler, un peu comme un enfant se sent grand quand il en console un autre. En cet instant, la différence entre ce garçon et la poupée dans sa chambre était infime. Elle ne se sentait pas profondément concernée par son cas, son histoire, son caractère. C’était les sentiments qui le tourmentaient qui l’avaient touchée et qu’elle se sentait l’envie d’apaiser. Cette soudaine affection ressemblait à un caprice et c’en était très certainement un.
    Elle eut le souffle coupé quand il bondit littéralement sur elle pour s’agripper à son chemisier et elle dut s’appuyer sur le parquet grinçant pour ne pas perdre l’équilibre. Elle haussa les sourcils, un peu déstabilisée et une boule d’émotion se forma dans son ventre. Sa main se posa sans hésitation et sans maladresse sur la tête du garçon. Ses doigts passaient régulièrement, avec douceur dans ses cheveux mais elle s’arrêta soudainement quand elle distingua enfin ce qu’il disait.
    Pardon, pardon, maman…
    Marguerite se figea. Ce caprice, ce jouet dont elle s’était entichée. C’était un homme, pas une distraction. Doucement, sa main se remit à courir dans ses cheveux et dans son dos, avec toute la chaleur qu’elle était capable de donner, afin que son arrêt ne l'alerte pas.
    C’était un homme, un humain, une personne à qui elle devait du respect. Et il n’avait rien de différent de tous les autres résidents du Teenagers Institute. Elle avait été sotte de croire que sous prétexte qu’il avait fui, il n’était pas à problèmes. Que sous prétexte qu’il avait peur, il était inoffensif. Et la démesure de sa réaction du moment indiquait à Marguerite qu’il n’avait probablement pas toute sa raison…
    Elle ne paniquait pas. Le constat qu’elle établissait dans sa tête, sans être froid et détaché, ne la faisait pas paniquer. Certes, il était probablement perdu et ce genre de perdition menait à la violence. Mais n’avait-il pas l’air innocent et tout dévoué à sa personne ? Marguerite se doutait qu’il était au Teenagers Institute parce qu’il s’était montré différent de cette image qu’il affichait présentement. Mais elle n’imaginait pas qu’il pouvait changer d’attitude brutalement et pensait que si c’était le cas, elle saurait gérer.
    Les yeux de Marguerite s’obscurcirent et son air se fit plus grave. Son choix était fait. En cette fraction de seconde, elle avait décidé qu’elle assumerait ce garçon, comme on assume et comme on aime un animal de compagnie, c’est-à-dire avec l’affection qu’on donne à tout ce qui dépend de nous et nous confère une certaine autorité. Elle lui donnerait des caresses, de l’amour sincère mais distant et s’attendrait en retour à une dévotion aveugle. Voilà tout ce que disait leur étreinte.
    Ses bras passèrent autour du corps maigre du garçon. Elle n’aimait pourtant pas les contacts physiques si proches.
    -Je m’appelle Marguerite, dit-elle d’une voix claire en couvrant les ânonnements du garçon.
    Elle s’écarta légèrement de lui et ses mains coururent sur les siennes pour les détacher de sa taille. L’étreinte n’était pas douloureuse mais la privait d’une partie de son air.
    -Je m’appelle Marguerite, répéta-t-elle. Et toi, comment t’appelles-tu ?
    Un sourire plus affirmé et avenant que celui de tout à l’heure se dessina sur ses lèvres. Elle le couvait littéralement des yeux, pleins d’une tendresse presque maternelle. Son visage tout entier exprimait la cordialité qu’elle ressentait envers lui, comme pour chasser définitivement les derniers signes de méfiance qui s’attardaient entre eux.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyDim 28 Mar 2010 - 20:03

Daniel se détendait doucement sous les caresses apaisantes de sa protectrice. Elle lui caressait les cheveux comme l'aurait fait une mère, comme l'avait déjà fait sa mère, à une différence près peut-être... Il n'y avait aucune retenue particulière dans le geste de la jeune fille, pas de tensions, juste de la douceur. Sa mère, en revanche, conservait une sorte de pudeur qui limitait ses élans d'affection. Pas cette fille. Il frissona, pour une raison inconnue, se délectant des caresses, calmant les battements de son coeur, relachant la tension de ses muscles. Douce, si douce...

Elle lui caressait le dos, aussi, désormais. Il restait toujours aussi aggrippé, l'angoisse sourde encore nichée au fond de son ventre, il baignait dans la chaleur humaine qui l'environnait, il s'enfermait dedans pour ne plus penser qu'à ça, pour ne plus réfléchir à l'extérieur, au passé, au futur, juste à l'instant présent, se calmer, se rassénérer... Il frissonna encore une fois, sentit l'absence du va-et-vient de la main de la fille. Non, elle revint; autrement. Ce n'était plus une caresse, c'était une pose, elle l'enlaçait, puis elle prit la parole.

Sa voix était limpide, bien distincte, pure, elle parlait sans fioritures, une phrase complète, bonne élocution. Marguerite... Marguerite, c'était un nom de fleur française. Se pouvait-il qu'elle ne soit pas Américaine? Marguerite, quel joli nom... Se pouvait-il qu'elle vienne d'une bonne famille? Marguerite, toute cette douceur... Vraiment, avait-elle commis un crime, avait-elle commis un délit? Se pouvait-il... Se pouvait-il qu'elle soit comme lui? Non, non, les chances étaient infimes, infimes...

Avec horreur, il se sentit écarté d'elle, il sentit son visage s'éloigner, ses mains se desserrer, il en fut si surpris qu'il ne tenta même pas de se raccrocher. Les yeux écarquillés, il s'apprêtait à parler, murmurer, hurler peut-être, à supplier, à s'aggripper... S'apprêtait. Il fut coupé dans son élan par la voix de Marguerite qui retentit à nouveau. Elle répéta, ce prénom si joli, si candide, de cette voix pure... Il leva les yeux vers elle, elle souriait, oui elle souriait... Comment t'appelles-tu, demanda-t-elle... Encore bien exprimé... Lentement, distinctement, elle lui parlait comme à un petit enfant, avec gentillesse, simplicité...

Mais n'était-ce pas ce qu'il était en ce moment même? Rien de plus, rien de moins qu'un enfant apeuré recherchant sécurité et réconfort? Qu'elle lui parle comme ça le rassurait, elle avait conscience de la peur qui lui dévorait les entrailles, de son malaise... Elle le regardait. Il ne voyait pas grand-chose de son visage, dans l'obscurité, mais en distinguait suffisament pour y discerner une expression amicale. Oh non, pas amicale, plus que ça. Gentille, attentionnée même... Attendrie? Il ne savait pas trop, mais cela le mettait en confiance, vraiment. A genou sur le sol poussiéreux, lui aussi se mit à sourire.

Un sourire timide, un sourire enfantin, un sourire-merci.


"Je m'appelle Daniel."

Voilà, c'était fait, il avait parlé, de cette voix qui n'était pas la sienne, de cette voix dénuée du ton froid, neutre et condescendant qu'il adoptait d'ordinaire, d'une voix un peu plus fluette que d'habitude, mais il avait parlé, les mots avaient franchi la barrière de ses lèvres scellées par la terreur, il avait parlé, et consciemment, vraiment pour quelqu'un, pas gémit pour lui-même à moitié plongé dans un cauchemard.

Il se sentait beaucoup mieux, avec cette gentille Marguerite. Beaucoup mieux, mais quand même. Il avait des questions, maintenant. Oui, cette fille, était-elle vraiment française? Si c'était le cas, autant parler dans leur langue maternelle, non? Et puis... Pourquoi était-elle là? Elle avait l'air décalée par rapport aux autres gens qu'il avait rencontrés. Pas grand monde ici n'aurait prit ce grand enfant prostré au sol dans ses bras de la sorte, mais elle l'avait fait... Elle n'avait pas de cigarette la bouche, elle ne sentait pas l'alcool, elle était très bien habillée, alors... Oui, que faisait-elle ici?


"Es-tu Française? Et pourquoi es-tu ici? Tu n'es pas comme... Eux..."

Il tâtonna le sol, tomba sur son livre, qu'il souleva et épousseta délicatement, en parcourant la couverture du bout des doigts pour vérifier qu'il n'avait subi aucun dégât. Une fois qu'il fut rassuré, il le posa sur ses genoux, les deux mains à plat dessus.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyDim 28 Mar 2010 - 20:52

    L’atmosphère était sereine. Marguerite était contente d’avoir plus établir une certaine confiance entre eux, simplement avec des gestes. Elle avait d’abord craint qu’il réagisse mal quand elle s’était écartée, qu’il s’agite ou qu’il soit blessé. Elle avait l’impression de manipuler entre ses mains un objet d’une extrême fragilité. Un objet qui avait un nom. Daniel. Marguerite avait un cousin qui s’appelait Daniel mais qui n’avait rien à voir avec celui qu’elle avait sous les yeux. Non. Son cousin à elle était sûr de lui, d’une arrogance extrême et trop peu sensé pour être un jour saisi d’une peur aussi authentique que celle de ce Daniel. Elle hocha la tête pour lui indiquer qu’elle l’avait entendu. Marguerite faisait ça depuis qu’elle s’était rendu compte que parfois, son absence d’expressions pouvait faire croire à son interlocuteur qu’elle était malentendante.
    -Daniel, prononça-t-elle.
    Et un deuxième sourire passa sur ses lèvres, tandis qu’elle faisait mine de ne pas avoir remarqué sa réserve prudente.
    Elle se réinstalla plus confortablement, avec cette fois ses fesses sur le sol –ce qui était beaucoup mieux pour ses genoux, tout en l’écoutant d’une oreille attentive lui poser des questions. L’air bienveillant sur son visage ne disparut pas, même lorsqu’il lui demanda pourquoi elle était là. Elle ne comptait pas le lui dire, bien sûr que non. Ni lui mentir parce que Marguerite ne mentait pas.
    -Non, je ne suis pas française.
    Elle le regarda avec curiosité, se demandant s’il était français. Ce n’aurait pas été étonnant, car le Teenagers Institute se targuait de réunir un nombre important de nationalités différentes. Quant à Daniel… elle ne savait pas. Elle n’avait pas distingué l’accent sans intonation des français dans l'anglais parfait avec lequel il s'exprimait. Lui en revanche, aurait pu remarquer l’accent anglais de Marguerite, plus facilement qu’il avait remarqué que son prénom était français.
    -Je suis allemande, souffla-t-elle comme une confidence.
    Les racines de la famille de Marguerite étaient allemandes et on lui avait toujours appris à se présenter comme telle. Mais au-delà de ça, elle se considérait profondément allemande. C’était cette langue qu’elle avait appris de ses parents, c’était cette culture qu’elle connaissait à la perfection. Même si elle avait passé l’essentiel de sa vie en Angleterre, tout comme ses parents. Mais ces histoires de double-nationalité, de droit du sol ne concernaient pas les familles aristocratiques comme celles des Mephisto. D’ailleurs, la mère de Marguerite avait toujours considéré que sa famille se rétablirait en Allemagne un jour ou l’autre.
    -Mais je viens d’Angleterre. C’est là-bas que je suis née et que j’ai toujours vécu, tu comprends.
    Marguerite n’était pas une fille particulièrement volubile mais elle savait, quand les circonstances s’y prêtaient, meubler la conversation avec une certaine aisance.
    -Je suis ici depuis quelques temps seulement. Ma mère a pensé, suite à la mort de mon père, que ma place était ici.
    Le ton de Marguerite était suffisamment direct et sans voile pour qu’on se contente de cette réponse. Il ne lui semblait pas avoir laissé de perche, il ne lui semblait pas que des précisions s’imposaient. Dans l’absolu, ça ne l’aurait pas dérangé de tout dire si elle n’avait pas été sûre que ça changerait la façon des gens de la considérer, c’est-à-dire exactement comme les autres résidents. Et elle n’avait pas à confier ce genre de choses à Daniel. Ce n’était pas à lui de la connaître, c’était à elle de tout découvrir de lui. Il pouvait se contenter d’accepter qu’elle n’était pas « comme eux ». A son hésitation, elle sourit et hocha la tête une fois encore. Non, elle n’avait rien à voir avec eux ni avec quiconque… Lui non plus d’ailleurs.
    Elle suivit du regard le livre que Daniel récupérait, d’une épaisseur assez respectable. Elle put cette fois distinguer le titre de l’ouvrage L’Encyclopédie, en français. Marguerite parlait un très bon français. Il était suffisamment bon, en tout cas, pour qu’elle ait été capable d’étudier en version originale de nombreux articles de l’Encyclopédie de Diderot.
    Elle l’observa l’examiner sous toutes les coutures, avec un soin et une obligeance exagérée, puis le poser sur ses genoux. Il était d’ailleurs assez flatteur que, malgré la valeur évidente qu’il attribuait à sa lecture, il la mette de côté afin de discuter avec elle.
    -Tu es français, toi, n’est-ce pas ?
    Peut-être sautait-elle vite aux conclusions, peut-être Daniel nourrissait-il simplement un grand amour pour la culture française mais Marguerite se fiait toujours à son instinct. Elle remua un instant sur elle-même pour s’approcher un peu plus de lui et elle posa une main sur le livre.
    -Puis-je ?
    Elle leva les yeux vers lui, en attendant une réponse, ce même sourire confiant et aimable sur ses lèvres. Elle essayait de repousser une à une les éventuelles barrières qui se dressaient entre elle et lui et son ventre se compressa quand le mot « dressage » effleura son esprit. Elle essayait littéralement de l’amadouer.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyLun 29 Mar 2010 - 22:44

Daniel caressait toujours tendrement la couverture de son livre lorsqu'elle prit la parole. Des phrases, séparées par de légers blancs, toujours sur ce ton assez neutre, toujours cet air doux et maternel, toujours cette gentillesse...

Ainsi, elle n'était pas Française. D'accord... Mais alors quoi? Elle parlait très bien l'Anglais, sans accent. Oui, l'Anglais, remarqua-t-il. Elle s'exprimait plus comme une Anglaise que comme une Américaine et... Allemande? Il haussa les sourcils, surpris. Pourtant, elle n'avait pas du tout l'accent Allemand... Oh, il le connaissait cet accent. Il avait déjà passé quelques vacances dans ce pays, et parlait bien la langue. Vraiment, il ne se serait pas douté de cette nationalité. Une Européenne aussi, alors... Ce qui la rapprochait de lui, à son sens. Deux pauvres Européens perdus dans cet Institut de fous... Mais, mais, si elle était si gentille... Si elle était si gentille, était-ce parce qu'elle s'était calmée? Etait-ce parce qu'elle arrivait au bout de son traitement?
Si elle avait été soignée avec succès, cela signifiait... Non, non, non, Marguerite non... Elle se remit à parler, l'interrompant dans ses pensées affolantes. Ah, c'était donc ça... Allemande, mais vécu en Angleterre. Il comprenait mieux. Parlait-elle Allemand, alors? Si elle avait évoqué cette origine, ça devait être qu'elle y était attachée, alors peut-être avait-elle apprit sa langue d'origine... Peut-être aussi un de ses parents lui avait-il transmis la culture de son pays. Car si elle était Allemande, ce n'était pas par droit du sol, et hormis une naturalisation qui lui paraissait improbable, puisqu'elle n'avait jamais vécu en Allemagne, ce devait être une nationalité par droit du sang... Oui, oui, ça devait être ça.

Allemande à double-culture, donc...

Un frisson parcourut son échine lorsqu'elle prononça le mot mère. Mais il y avait mieux. Beaucoup mieux... Non, elle n'allait pas partir, puisqu'elle était ici depuis peu. Un étaux se désserra de sa poitrine, un grand sourire illumina son visage. Oh, qu'il était heureux, heureux et rassuré... Trop réjoui, il ne comprit même pas la manière dont elle avait, en quelques sortes, esquivé sa question. Tout ce qui comptait à ses yeux, c'était qu'elle était présente depuis peu de temps. Il ne se rendit même pas compte qu'elle avait évoqué la mort de son père, il ne songeait même pas au fait que son sourire pouvait la blesser. Que son sourire et sa joie pouvaient la séparer de lui...
Non, il était juste heureux, tellement content qu'il ne songea même pas à répondre immédiatement à la question. Si elle s'insinua dans son esprit, elle ne le percuta pas, et ce qui la sortit de sa torpeur fut de voir la douce main de la fille se poser sur l'Encyclopédie. Il frémit, envisagea une folle seconde qu'elle puisse abîmer cet ouvrage si précieux... Se rassénéra. Demande polie, sourire gentil. Aucun risque.


"Oui, tiens."

Il décolla le livre de ses genoux, le lui tendit, un grand sourire aux lèvres.

"Oui, je suis Français. Mais j'ai aussi vécu en Angleterre, en Australie et aux Etats-Unis."

Tout joyeux, comme un enfant qui raconte ses expériences, fier comme tout de montrer ce qu'il savait. De sous-entendre, dans un cas tel que celui-ci. Et puis un élan de gentillesse le submergea. Reconnaissance envers cette fille, reconnaissance envers cette mère de substitution...

"Je peux te parler en Allemand, si tu le désire."

Toujours tout sourire, toujours aussi fier de lui montrer combien il en savait, des choses. Et comme pour prouver ses paroles, il ajouta, en Allemand, sans firoritures:

"Et si tu le comprend..."

Toute peur oubliait, il frétillait d'impatience, si heureux de pouvoir montrer ce qu'il avait appris durant ses seize années d'existence... Et tout-à-coup, porté par cette réflexion linguistique, il se demanda comment avait-elle bien put deviner sa nationnalité à lui. Ah, l'Encyclopédie, c'était cela, le titre français... Le prénom aussi peut-être, et puis la question, la question qu'il lui avait posée. D'ailleurs, ce livre était en français...

"Tu comprends le Français?!"
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyLun 29 Mar 2010 - 23:50

    Marguerite avait eu une éducation des plus complètes, des plus surabondantes… Elle n’était pas particulièrement intelligente, sans doute à un stade intermédiaire entre l’intelligence moyenne et l’intelligence supérieure mais elle disposait d’une tête bien faite et bien pleine. Aussi loin qu’elle s’en souvient, elle avait toujours été initiée à des activités destinées à l’éveil de talents, de capacités et de connaissances. Il y avait des activités qui s’approchaient le plus de ce qu’on pourrait appeler des loisirs : la musique, le sport, le dessin et autres. Son père, lui, était à l’origine de son ouverture d’esprit, de sa curiosité sur le monde et parfois de son impertinence intellectuelle à retenir des pitreries. Mais la mère de Marguerite avait veillé à ce que sa fille demeure centrée sur un sujet d’étude particulier et à ce qu’elle dispose d’un savoir presque encyclopédique dans des domaines relatifs à la culture européenne et plus précisément à la culture allemande. Marguerite était donc capable de disserter sur bien des littérateurs et philosophes, sur bien des compositeurs et chefs d’orchestre, sur bien des courants artistiques et politiques, etc. Tout cela en anglais, tout cela en allemand et tout cela –modérément, en français. Naturellement, avait dit sa mère. Et Marguerite la comprenait parce qu’il s’agissait de cultures profondément liées. Les germains et les celtes se distinguaient et les français –les Gaulois puis les Francs, avaient emprunté aux uns et aux autres pour construire une culture aujourd’hui reconnaissable entre toutes.
    Un remerciement à peine audible franchit les lèvres de Marguerite quand elle croisa le regard de Daniel qui lui tendait son livre. Deuxième victoire. Elle prit le livre entre ses doigts avec un respect aussi digne que celui que Daniel avait manifesté et passa ses doigts sur le titre de l’ouvrage. Elle leva les yeux vers lui quand il lui expliqua qu’il était français et qu’il avait beaucoup voyagé. Elle était sur le point de l’interroger sur l’origine de ces nombreuses destinations mais ne dit rien quand elle vit qu’il allait parler.
    Surprise alors qu’il lui proposa de parler allemand, elle hocha la tête –encore, avec un air bienveillant. Elle avait rencontré quelques jeunes résidents qui lui avaient proposé de lui parler sa langue maternelle mais ça ne s’était réduit, jusque là, qu’à une parodie de l’accent bavarois hitlérien. Mais alors que ces doutes lui effleuraient l’esprit, Daniel prononça quelques mots…
      -Oh, bravo. Tu as placé le verbe au bon endroit. Veux-tu que je corrige ton accent ?, lui demanda-t-elle en allemand.
    Son allemand à elle était assez pittoresque. Il avait l’accent moderne des berlinois mais ses mots et tournures empruntaient au vieux allemand, très formel. Et plus compréhensible pour un non-germanophone.
    Puis, il lui demanda si elle parlait français. Marguerite parlait un bon français, un français qui lui permettait de suivre une conversation sur un sujet complexe et de lire de vieux ouvrages mais elle avait un peu de mal avec son accent et avait très peu l’occasion de le pratiquer. A vrai dire, elle ne faisait presque que le lire… Elle avait appris l’anglais et l’allemand naturellement, quand elle était un petit enfant. Si elle avait également appris le français jeune, son accent avait déjà été déterminé.
    Alors elle ouvrit l’encyclopédie, en jetant un regard d’excuse à Daniel destiné à le faire attendre un petit peu et choisit un article au hasard.
      -Aach, petite ville d’Allemagne dans le cercle de Souabe, près de la source de l’Aach, lit-elle.
    Elle referma l’Encyclopédie et leva les yeux vers lui. Elle n’aimait pas beaucoup les livres. Elle aimait apprendre, ça oui, mais par un contact autrement plus humain que celui des pages froides de Nietzsche et pompeuses de Schopenhauer. Il faut dire qu’elle avait beaucoup, énormément lu déjà.
      -Comme tu l’entends, j’ai un accent qui peut être encore aisément amélioré, dit-elle, toujours en français. Je suis heureuse de t’avoir rencontré.
Oui, seul l’accent de Marguerite était à lui reprocher et peut-être aussi, parfois, une certaine hésitation dû à son manque de pratique. Mais sa grammaire était parfaite.
    -En quelle langue veux-tu que nous continuions notre discussion ?, demanda-t-elle avec affabilité
    Elle était assez surprise du nombre de langues que Daniel parlait déjà. Chez elle, c'était presque normal, du fait de sa famille et de son rang social. Mais qui au Teenagers Institute avait bénéficié d'une éducation aussi excellente que la sienne ? Ce garçon, semblait-il... A son âge et même après, qui lisait et qui accordait une importance à l'oeuvre de Diderot ?
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyMer 31 Mar 2010 - 22:07

Daniel était tout fou, elle l'avait félicité. Bien sur qu'il le savait qu'il avait placé le verbe au bon endroit, si il parlait bien l'Allemand, il faisait encore des erreurs mais la phrase avait été assez simple. Il savait aussi qu'il n'avait pas un accent très travaillé, et savait pourquoi. Tout d'abord, Daniel avait commencé l'apprentissage de cette langue lorsqu'il était rentré à l'école primaire française, ce n'était donc pas une langue innée chez lui. Ensuite, s'il avait énormément voyagé, les pays germanophones étaient nettement moins nombreux que les anglophones, et il avait donc eu beaucoup moins l'occasion de paufiner son accent. Oh bien sur, il était déjà partie en Allemagne en voyage scolaire, une fois, et quatre fois en vacances avec ses parents. Quatre fois pendant deux semaines, durant lesquelles il avait put pas mal pratiquer et s'était améliorer. Huit semaine de sa vie, donc, où il s'était abreuvé de cette culture, de ce pays, où il avait acheté des classiques allemands. Mais à cela, il pouvait rajouter un week-end de Pâques avec ses grands-parents dans une petite ville proche de Berlin, et également une semaine chez un correspondant. Une semaine qui ne s'était d'ailleurs pas très bien déroulée, le jeune allemand n'aillant guère apprécié la froideur et le sérieux de Daniel.
L'anglais par contre avait put être travaillé à volonté; son année en Australie, tout ce temps en Angleterre, les derniers mois en Amérique, sans compter la multitude de voyages linguistiques scolaires et familiaux, la semaine de stage en quatrième, le mois passé avec un oncle en Inde... Oui vraiment, il pouvait presque considérer qu'il possédait une vraie double-nationalité, qu'il était autant Anglais que Français et... Non en fait. Il avait appris d'abord le Français et ç'avait été son unique langue maternelle. Il avait ses bases dans cette langue, et dans ce pays. Il était Français avant d'être Anglais.

Bon en tout cas, elle, elle était Allemande et cela s'entendait... Elle le parlait à merveille, pour lui en tout cas, mais par contre, si la syntaxe et la grammaire française étaient correctes, l'accent aussi était un peu marqué. Il sourit, amusé par cette constatation et son sourire redoubla de vigueur quand elle lui dit être heureuse de l'avoir rencontré.
Lui aussi il était content. Elle parlait bien le Français, elle parlait couramment l'Allemand... Plaisir et apprentissage mêlés, et lui aussi pourrait lui rendre la pareille. C'était vraiment génial. Aach... Pourquoi cette ville? Un hasard, ou y avait-elle déjà séjourné? Pas lui, en tout cas, il n'y était même jamais passé.

Elle lui demanda ensuite en quelle langue il souhaitait parler. Dilemne. Il hésitait. D'un côté, parler en Français l'aiderait elle à s'améliorer, et puis cela lui ferait parvenir un petit goût du pays. S'ils parlaient Allemand, peut-être en serait-elle contente, et lui serait aussi ravi de pouvoir continuer à apprendre. Bon alors...


"Je préfère d'abord parler Français, comme ça tu pourras t'améliorer, même si tu as déjà une excellente maîtrise. La prochaine fois, ce sera de l'Allemand, comme ça ce sera à mon tour."

Petit regard inquiet.

"Tu es d'accord?"

Sinon ce n'était pas grave, il y trouvait son intérêt dans les deux langues, et voyait pour elle aussi un intérêt des deux côtés. Les mêmes intérêts, en plus. En tout cas cette fille était, en plus d'être d'une gentillesse extrème, très intéressante et avait l'air cultivée. Lui aussi était vraiment heureux de l'avoir rencontrée. C'était une perle.
Et il voulait lui montrer ce dont il était capable. Exhibant une rangée de dents bien blanches, il reprit la parole, en Français donc, prenant soin d'articuler et de ne pas parler trop vite.


"Je peux aussi te parler Espagnol, Chinois, Portuguais, un tout petit peu Japonais et Arabe, et un petit peu Russe aussi, que je commence à apprendre, même si cela s'avère difficile à cause de... A cause de..."

Gloups.
Non, stop. Il avait totalement oublié... Dan'. Enfouit au fond de lui, il l'entendait grogner à son évocation... Pas maintenant, pas maintenant, il était, en ce moment, bien trop loin de Dan', non, ce n'était pas cela le danger. Il ne voulait surtout pas qu'elle soit au courant de l'existence d'une telle chose en lui, parce qu'il pensait que cela pourrait la dégoûter et l'effrayer. Non, vraiment, il ne fallait pas qu'elle sache. Elle n'allait pas aimer Dan', et elle ne l'aimerait plus non plus, parce qu'elle penserait que Dan' et lui étaient la même personne, ce qui n'était pas vrai du tout. Il blêmit, perdit son sourire, fut parcourut d'un long frisson.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyMer 31 Mar 2010 - 22:59

    La complaisance et la suffisance étaient deux choses différentes. Par exemple, Marguerite qui n’était ni arrogante, ni complaisante avait un ego tout à fait porté sur la suffisance, c’est-à-dire qu’elle disposait d’une certaine indépendance d’esprit qui rendait tout encouragement et toutes félicitations superflues ; non pas parce qu’elle les dépréciait mais parce qu’elle se pensait suffisamment lucide sur elle-même pour pouvoir s’en passer. Cela ne voulait pourtant pas dire qu’elle avait l’esprit fermé et qu’elle se reposait sur ses acquis. Non, cela voulait simplement dire qu’elle était son propre repère et que, parfois, cela décourageait son entourage de lui prodiguer des conseils ou de lui proposer de l’aide. Marguerite s’était longtemps demandé si c’était un défaut et un jour qu’elle interrogea sur ce sujet sa mère, la réponse fut : « oui, évidemment ; un jour, la chute sera douloureuse, Marguerite ». Mais ça n’éclaira pas plus Marguerite qui ne considère toujours pas comme un défaut ce trait de caractère qui lui était particulier. Il ne lui avait jamais porté du tort, ne lui avait jamais fait faux bond et même aujourd’hui qu’elle se trouvait dans cette situation déplaisante, la chute n’avait pas été « douloureuse ».
    Ceci dit, de façon relativement surprenante, la mort de son père avait porté un coup à la confiance que Marguerite avait en elle-même, particulièrement en sa façon d’être. Son père était son lien privilégié avec le monde extérieur, quand tous les autres n’étaient que des visages qui quittaient et regagnaient la scène selon les saisons. Voilà pourquoi Marguerite en était arrivée à la conclusion que –peut-être, il lui était nécessaire à elle-aussi, comme à tout autre être humain, de se lier socialement aux autres. Et quand elle voyait le visage de Daniel s’illuminer à chaque fois qu’elle manifestait de l’attention, elle se souvenait de son père qui lui aussi la voyait comme une personne unique et merveilleuse. Marguerite ne remettait pas en cause sa singularité et le fait qu’elle était une personne somme toute assez fascinante –elle considérait que tout le monde était unique et que tout le monde était fascinant, mais il manquait quelque chose, quelque chose qu’elle retrouvait dans l’empressement que Daniel manifestait à son égard.
    -La prochaine fois ce sera l’allemand, répéta Marguerite avec un sourire en coin, en français. Très bien, je suis d’accord.
    Il y aurait une prochaine fois, donc. Et bien d’autres encore puisque semblaient se mettre en place des séances de linguistique. Ca ne dérangeait pas Marguerite puisque ses ambitions évanouies de devenir anthropologue l’avaient fait s’intéresser aux grandes familles de langues. Cela promettait d’être intéressant, d’autant plus qu’elle se trouvait en compagnie d’un puits de savoir. Daniel était en train d’énumérer toutes les langues qu’il savait parler et Marguerite crut le cerner un peu mieux : il n’était pas d’une famille comparable à la sienne. Les gens comme Marguerite bénéficiaient de l’enseignement que leur choisissaient leurs parents. Les gens comme les parents de Marguerite modéraient les rêves insouciants de leurs enfants. Leur apprendre autant de langues que celles que Daniel maîtrisait était donc contre-indiqué. Daniel devait donc appartenir, au mieux, à une classe moyenne avec des parents particulièrement présents. Ou alors, Daniel devait être un nouveau riche. Mais parmi ceux-là, rares étaient les enfants suffisamment travailleurs et dociles pour accepter d’apprendre autant de langues. « Mais il ne s’agit pas vraiment de discipline, à ce stade-là, pensa Marguerite. Mais d’un vrai intérêt. » Et une fois encore, Marguerite nota l’intelligence de Daniel.
    Il finit alors de parler et Marguerite remarqua son hésitation, qui réveilla en elle un vif intérêt. Au lieu de l’interroger tout de suite, elle combla le vide, toujours en français, tout en le détaillant avec une discrétion n’empêchant pas l’intensité du regard ;
    -Tu connais beaucoup d’alphabets différents alors. Je les ai appris il y a longtemps alors aujourd’hui je dois confondre encore plus souvent certaines lettres en arabe. Tu sais… ta et ba ou ha et jime.
    Marguerite était assez impressionnée. S’il maîtrisait toutes ces langues moitié aussi bien que ce qu’il lui avait laissé entendre de son allemand et de son anglais, alors il ferait sans doute un bon linguiste. Il n’y avait rien d’impressionnant à maîtriser plusieurs langues d’une même famille de langues mais Daniel, lui, empruntait aux langues sémitiques, latines, germaniques et asiatiques.
    -A cause du fait que l’on ne dispense pas ici de cours de langue ?
    Marguerite lui offrait une porte de secours mais pas par pure charité chrétienne. C’était une information assez intéressante qui lui dirait comment Daniel avait appris tout cela et lui donnerait des précisions sur la raison de son internement.
    Mais le changement de couleur de Daniel l’indisposait quand même. Elle voulait que l’atmosphère reste la même, qu’ils continuent à faire joyeusement connaissance. Si elle voulait tout savoir de lui, même dans les détails les plus sinistres de son histoire, Marguerite n’était pas gourmande et saurait se contenter d’informations dispersées ici et là. Elle ne voulait pas le brusquer ; déjà parce que c’était indélicat et peu subtil et ensuite parce qu’elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise d’une quelconque manière. Elle manifesta donc sa sollicitude avec simplicité en tendant sa main vers son coude et en lui souriant.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyVen 2 Avr 2010 - 23:34

Daniel s'était mis à trembler et n'avait pas répondu à la remarque sur les alphabets. En fait, il ne maîtrisait pas tous les alphabets. Le Français, l'Anglais et l'Espagnol, langues qu'il parlait courrament, étaient dans le même alphabet, avec quelques variantes pour l'espagnol, à cause des accents et du "ll". Parmis les autres langues qu'il maîtrisaient bien, il y avait l'Allemand et le Portuguais. L'alphabet Allemand était aussi quasiment identique au Français, et il en était de même pour le Portugais. Le Chinois, évidemment, avait posé plus de problèmes et si Daniel se débrouillait à l'oral, il éprouvait quelques compréhensibles difficultés à l'écrit. En revanche, pour les trois langues qu'il découvrait, à savoir l'Arabe, le Japonais et le Russe, les alphabets divergeaient totalement et l'apprentissage à l'écrit était donc particulièrement complexe. Daniel ne connaissait pas tout-à-fait ces alphabets et se basait plus sur des prestations orales, privilégiant le côté pratique. Bien entendu, il avait essayé de travailler dur sur l'écrit, mais les périodes où Dan' prenaient le dessus rendaient tout nouvel apprentissage très complexe.

Dan'... Un violent frisson le parcouru, il ferma les yeux, fort, très fort, comme pour évacuer ce malaise, et saisit très fermement le poignet de Marguerite. Elle parla, sa voix douce l'apaisa un instant. Il plongea ses yeux dans les siens... Impossible qu'elle n'ait pas remarqué. Elle lui offrait une issue de secours, une possibilité de s'en tirer sans rien dire, de faire semblant, tous les deux, qu'il ne s'était rien passé... Ce n'était pas la bonne solution, Daniel le savait. Renier Dan' ne faisait qu'accentuer la métamorphose. Renier Dan' ne faisait qu'augmenter la surprise de ce dernier quand il redevenait maître de l'esprit qu'ils se partageaient... Renier Dan' pouvait augmenter l'intensité des crises. Renier Dan' ne faisait et ne ferait qu'aggraver les choses.
De plus, il s'agissait là de Marguerite. Elle l'avait vu en position de faiblesse, elle l'avait vu livré à ses démons, et le voyait de nouveau. Elle était adorable, il voulait lui faire confiance. Il avait besoin d'elle... Autant qu'elle sache, autant qu'elle soit au courant. Si, un jour, elle rencontrait Dan', il vallait mieux qu'elle sache, ou alors elle risquait d'être dégoûtée, de refuser de revoir Daniel... Si un jour elle rencontrait Dan', il fallait qu'elle sache faire face aux atrocités que ce démon pouvait commettre.
Et puis aussi, il sentait qu'ils étaient liés, maintenant... Et s'il refusait de lui accorder sa confiance, si elle se vexait même sans lui montrer, il avait peur qu'elle ne s'éloigne de lui, qu'elle ne le laisse seul, seul face à ces délinquants, seul face à ses hantises.

Il inspira un grand coup, sentit le contact que la jeune fille avait établit, rouvrit les yeux, un peu soulagé qu'elle soit là, à ses côtés, enfin plutôt en face de lui, mais bien là. Il planta ses yeux dans les siens.


"Non, là n'est pas le problème. Et puis il y a de bons livres d'apprentissages à la bibliothèques."

C'était tout Daniel, ça. D'un sérieux à toute épreuve... Presque à toute épreuve.

"Non, il se trouve que... Que... C'est Dan', il..."

Daniel halètait, sa voix redevint à nouveau plus enfantine, il se recroquevilla un peu plus.

"Dan' est... Une part de moi... Mais opposée... Dédoublement de personnalité, il... Il est horrible et... Dan' ne veut pas apprendre, pas du tout..."

Il gémit doucement.

"Je n'aime pas Dan'. Il... Il risque de te faire du mal..."

Oui, vraiment, si Dan' ne connaissait pas Daniel, peut-être pour la simple raison qu'il refusait d'admettre pouvoir être cet adolescent sérieux, froid cultivé et à ses yeux absolument ringard, Daniel, lui, en revanche, connaissait plutôt bien Dan'. Bien entendu, il y avait des failles: Daniel ne se souvenait pas forcément de tout ce qu'il s'était passé, mais en majorité, si. Et il savait que face à un si joli visage, Dan' draguerait, se montrerait odieux, essayerait de forcer un peu la main à la demoiselle, et pourrait très bien la frapper si elle l'inportunait. Mais pire: Marguerite avait un air de leur mère, et il se trouvait que Dan' pouvait se montrer violent ou perturbé à la vue d'un élément fort. Ses parents étaient de ces éléments. Il pourrait donc, face à Marguerite, se montrer très violent, fou... Redevenir Daniel. Et s'il était Daniel, il pourrait aussi à la vue de cette fille devenir Dan'. Cette pensée lui faisait horreur.

Bien qu'il refuse d'admettre que Dan' était la même personne que lui, il savait pertinemment qu'ils partageaient le même corps et qu'objectivement ils étaient bel et bien un seul et unique être. Or, si Dan' violentait Marguerite... Cela signifierait aussi que c'était lui, Daniel, qui avait tenté quelque chose sur cette fille qu'il affectionnait tout particulièrement.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyMar 13 Avr 2010 - 23:06

    Le malaise de Daniel se poursuivait mais Marguerite était confiante. Elle voyait bien que quelque chose se tramait dans la tête du jeune homme mais elle pensait avoir su au moins le calmer et ainsi endiguer toute éventuelle réaction disproportionnée. Elle baissa ses yeux sur son poignet autour duquel les doigts de Daniel s’étaient accrochés, puis leva les yeux et fut happé par son regard. Oui, quelque chose se jouait dans cet esprit torturé et le mot « violence » martelait celui de Marguerite. Elle n’avait pas peur parce que, si elle savait à quoi s’attendre, elle en ignorait les proportions et que d’une manière générale, Marguerite n’était pas le genre de personnes à avoir peur de l’inconnu.
    Elle essaya de déceler un élément révélateur dans le regard de Daniel, auquel elle était soudée, elle savait comme « le regard, porte de l’âme » pouvait être trompeur mais Daniel était trop confus pour le moment pour être captieux. Elle lui laissa le temps de reprendre ses esprits et finalement, il répondit à sa question –qu’elle avait presque oublié. D’abord, sa réponse fut –à l’image de la question, tout à fait banale, puis Daniel commençait à se montrer hésitant et… craintif, encore.
    Il exposa pourtant avec le détachement d’un psychiatre son trouble. Marguerite s’y était attendue mais cela n’empêcha pas l’enclume de tomber dans sa poitrine. Peut-être à cause de la froideur des mots de Daniel qui se désagrégeait jusqu’à jurer avec son incertitude enfantine.
    Dan’… Qui était-ce ? A quel point était-il différent de Daniel ? Marguerite n’avait jamais accordé qu’un vague intérêt pour les travaux de Freud et des autres psychanalystes. Si elle savait parfaitement ce qu’étaient les dédoublements de personnalité et tant d’autres maladies psychologiques, elle n’en restait pas moins une profane qui serait sans aucun doute incapable de calmer Daniel, de le raisonner ou alors de se protéger devant Dan’.
    « Tu prends le problème dans le mauvais sens », se dit-elle.
    Il ne lui faudrait pas calmer Daniel, il ne lui faudrait pas le raisonner. « Non… Tu ne te retrouveras pas devant Daniel. Ce sera quelqu’un d’autre ».
    Voilà, c’était le principe simple du dédoublement de la personnalité : raisonner l’un ne reviendrait pas à rappeler l’autre ; l’un n’était pas la partie raisonnable de l’autre, bien qu’il puisse être plus volontiers raisonnable.
    Daniel gémit et sortit Marguerite de ses pensées. Elle raffermit sa prise sur son coude et se pencha vers lui.
    Il risque de te faire du mal
    Elle ne se figea pas, elle ne frissonna pas mais intérieurement, Marguerite était tout à fait chamboulée. Daniel avait mis les mots sur tout ce qu’elle avait soupçonné. Peut-être que si elle avait disposé de plus de temps, elle aurait été soulagée de voir qu’elle avait raison, elle aurait pris la nouvelle avec un peu de pragmatisme. Mais pour l’heure, elle consacrait son self-control à garder un peu de sa contenance. Elle ne voulait pas le voir se recroqueviller, l’entendre gémir alors il lui faudrait se montrer digne.
    Elle n’était pas mal à l’aise, elle n’avait pas vraiment peur mais elle se demandait comment aboutirait ce dans quoi elle s’était embarquée. C’était une inquiétude sourde, pas aussi fort qu’une peur, pas aussi tangible qu’une appréhension. Elle n’avait pas peur de Daniel, ni des conséquences mais elle ne voyait pas la fin de cette histoire.
    Elle déposa ses lèvres sur sa joue puis prit enfin la parole.
    -Dan’ ne me fera pas de mal. Ne t’inquiète pas.
    Non, Marguerite n’était pas une petite idiote téméraire. Mais Dan’ n’était peut-être pas si terrible et puis ils feraient attention à ne pas favoriser son… irruption.
    -Il ne me fera pas de mal parce que tu ne le laisseras pas se manifester.
    La main de Marguerite glissa du coude de Daniel jusqu’à sa main, sur laquelle elle exerça une légère pression.
    -Nous allons faire en sorte de ne pas favoriser sa venue.
    Elle posa sa tête sur son cou. Elle échappait ainsi au regard de Daniel. Elle était capable de garder un visage neutre en toutes circonstances mais elle ne voulait rien laisser au hasard.
    -Et si jamais nous n’y arrivons pas, je suis sûre que je serais capable, Daniel, de ne pas trop mal m’en sortir.
    Pas très convaincant… Mais Marguerite ne mentait pas, et elle ne pouvait pas lui dire qu’elle serait capable de tenir tête à... un fou. Elle ne savait même pas pourquoi Daniel était arrivé ici. Au-delà des simples actes de violence ponctuels ou de vandalisme, il y avait des adolescents coupables de crimes autrement plus graves. Daniel en faisait-il partie ? Ca semblait soudain beaucoup plus probable à Marguerite qui le voyait toujours comme cet adolescent apeuré et inoffensif mais qui évaluait désormais l’autre part de lui-même, qui se tassait au fond d’une… partie de son cerveau. Comment Dan’ était-il ?


Un peu rapide, un peu alambiqué. Désolée, j'essaye de rattraper mon retard :S
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyMer 14 Avr 2010 - 23:28

Son français était grammaticalement correct, un peu d'accent certes, mais correct. Entendre une femme le rassurer dans sa langue maternelle était... Deux fois plus apaisant. Non, elle ne lui faisait plus penser à sa mère, pas en ce moment, parce que sa mère ne lui avait jamais dit des paroles de ce genre. Sa mère, elle, avait toujours eu peur de Dan', de l'autre qui se cachait dans les entrailles de son fils, de ce Dan' complètement contraire à l'éducation qu'elle avait dispensée, de ce Dan' si... Différent. Sa mère, elle, avait d'abord cru à une crise d'adolescence et n'avait pas imaginé que cela puisse s'aggraver à ce point, aussi n'y avait-elle, dès le début, accordé aucune importance. Sa mère, elle, niait l'existence de l'autre... Essayer de le nier. En tout cas, jamais elle ne l'évoquait devant son fils, de peur qu'il ne se manifeste à la simple évocation de ce personnage. Il était vrai que c'était un moyen de l'appeler, que de parler de lui, mais il y en avait d'autres, et Daniel ignorait si sa mère se rendait compte qu'elle était un des facteurs récurrent de transformation.

Quoi qu'il en soit, il n'était pas très convaincu par les paroles de Marguerite. Déjà, elle n'avait pas beaucoup de chance face à un fou sanguinaire déchaîné, et ensuite... Ensuite, on n'avait beau essayer de faire en sorte qu'il reste dans son coin, Dan' était imprévisible. Un tout, un rien, n'importe quoi pouvait le faire surgir. Pas maintenant, non pas maintenant, mais à un autre moment... Entendre Marguerite parler en Français pourrait le faire sortir de sa coquille, par exemple, rien que ça. Voir la tenue soignée de Marguerite, aussi... Et si Daniel pensait à Marguerite également.

"Il ne me fera pas de mal parce que tu ne le laissera pas se manifester..."

Sa respiration s'accéléra. Le futur, temps des certitudes. On n'était sur de rien, encore moins de ceci. Non, non... Lui faisait-elle réellement confiance? Si elle était persuadée qu'il ne le laisserait pas venir, elle serait déçue, affreusement déçue, ce n'était pas aussi simple que cela, sinon il l'aurait éradiqué depuis longtemps, non, pas si simple, il ne pouvait pas l'empêcher de venir, même par amour pour quelqu'un, sa mère par exemple, mère qu'il aimait plus que nimporte qui d'autre, ce n'était pas pour ça qu'il avait réussi à le contenir, au contraire, bien au contraire, non Marguerite, ne te leurre pas... Se leurrait-elle? Il espérait que non, elle était intelligente, oui, réellement, c'était peut-être un stratagème, faire croire à l'enfant qu'il était qu'il était capable de cela, de garder Dan' bien sagement au creux de son ventre, pour qu'il soit porté par la force de cette conviction et qu'il y parvienne... Non ça ne marcherait pas, lui aussi était intelligent, intelligent et expérimenté, il savait qu'il ne pourrait pas, et elle risquait d'être déçue, vraiment déçue...

Mais il l'avait prévenue, au moins ne serait-elle pas prise au dépourvu. Il se calma un peu, redressa le menton, le dos, bien droit, recouvrant ses esprits. Il fallait qu'il aide Marguerite à se battre. C'était égoïste, évidemment, il ne se le cachait pas. Il ne la connaissait pas, il n'était pas du genre à aimer quelqu'un. L'apprécier, d'accord, oui, il l'appréciait, elle était intelligente, douce dans ce monde de brute, et l'avait aidé. Certes, mais il ne l'appréciait pas assez pour être animé du besoin de la protéger elle, juste par amour pour elle. Non, en fait, il avait besoin d'elle. Elle était là, elle serait là quand il perdrait pied, il le sentait, alors il ne fallait pas l'abîmer, pas la perdre. Un jour peut-être voudrait-il la protéger pour des sentiments plus purs... Un jour peut-être, mais ça ne lui ressemblait pas, pas du tout.
Et puis il y avait autre chose... S'il n'aimait pas les gens, il détestait quand même que Dan' leur fasse du mal, pour la simple raison qu'une personne blessée était pour lui, Daniel, un combat de perdu. Dan' avait des pulsions destructrices, et son but était alors de tout détruire autour de lui; celui de Daniel était de l'empêcher d'aller au but.

"Tu reconnaîtras Dan' du premier coup d'oeil. Il ne porte pas les même habits que moi, il ne les supporte pas... Et je ne supporte pas les siens. Des habits de voyou, de mauvais garçon. Son expression, ensuite, est tout-à-fait différente de la mienne. Plus ou moins démente, soit souriant, soit très renfrogné... Son regard aussi, un regard méchant, quasiment tout le temps."

Il laissa une ou deux secondes de pose.

"Tu le reconnaîtras aussi dans son attitude... Il a parfois des accès de violence. Il... Aime le sexe."

Daniel ne put retenir un froncement du nez.

"Il est bisexuel..."

Froncement plus appuyé, sans interruption.

"... et regarde donc autant les corps masculins que féminins. Dan' aime séduire, aussi, boire et fumer."

Il la regarda dans les yeux.

"Je ne veux pas que tu ailles à la rencontre de Dan' si tu le vois. Je ne peux pas prévoir sa réaction à ta vue. Dan' ne sait pas trop que moi, Daniel, j'existe. Il ne cherche pas à me connaître, il ne se rappelera plus de toi, ou alors rien de plus qu'une impression fugace... Ce qui risque de l'énerver."

Il s'arrêta, plantant ses yeux dans les sien. Il sentait Dan' vibrer en lui, un petit peu. Il était loin, bien loin, et ne prenait pas du tout le pas dans son esprit, mais il devait commencer à se méfier. Ne pas le laisser s'approcher de trop près.

"Il ne faut surtout pas que tu t'approches de lui. As-tu tout compris? Pose-moi des questions, si tu en as. J'y répondrais. Mais après, il faudra que nous arrêtions de parler de lui."

Il s'autorisa un petit sourire gentil, laissant le gamin refaire un peu surface après ce discours d'un ton neutre et d'un visage fermé.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyDim 25 Avr 2010 - 23:06

    Marguerite n’était pas d’un naturel anxieux. Quand des appréhensions lui tordaient le ventre –et ça arrivait bien rarement, elle était capable d’agir comme si elles n’étaient pas, de les oublier momentanément, de garder la tête froide. Elle était capable de tout refouler en attendant d’être au calme, pour s’agiter loin des regards, mettre tout à plat et réfléchir avec ces cartes en main. Dans la situation présente, elle verrouillait complètement une partie de son esprit qui remuait le problème dans tous les sens, elle laissait ses questions –« qu’est-ce que tu fais ?... à quoi t’attends-tu ? es-tu stupide ? », sans réponse en attendant. En attendant d’être au calme, en attendant de ne pas risquer de rater quelque chose à cause de la trop grande attention qu’elle accorderait à s’écouter. Marguerite était une fille instinctive et elle se sentait le devoir de rester. Alors elle resterait. A côté, il y avait cet instinct animal d’opossum stressé qui lui ordonnait la fuite mais elle ne l’écouterait pas.
    Daniel commença à remuer et il se redressa soudainement. Puis très vite, il commença à lui donner une sorte de recommandation, de marche à suivre pour débutant au cas où elle se retrouverait face à… Dan’. Pensée parasite que Marguerite eut tôt fait de chasser : ce diminutif, quand un proche de Daniel le lui donnait… comment réagissait-il ?
    Marguerite enregistra chacune des caractéristiques que Daniel citait. Aucune ne l’étonna, aucune ne lui fit songer : « tiens, je n’y aurais pas pensé » et quand bien même ! elle pensait être capable de reconnaître deux personnalités différentes, surtout quand l’une d’entre elle –Daniel, était si atypique. Peut-être qu’elle se trompait, peut-être que c’était le fantasme populaire, la légende urbaine qui dessinaient le schizophrène comme un personnage facilement… diagnosticable qui parlaient. Elle avait détesté Fight Club.
    bisexuel
    Marguerite songea que Dan était peut-être l’incarnation de toutes les frustrations de Daniel. Marguerite, en temps normal, aurait pensé ça de façon assez froide, sans s’étonner, tirant simplement des conclusions logiques de ce qui lui semblait être des situations types. Mais étrangement, ici, elle avait une désagréable impression, toute nouvelle, comme une conscience qui la taraudait, qui reprochait de juger Daniel trop vite, sur des a priori. C’était stupide, elle s’en rendait compte et ça contribuait à l’effarer plus sûrement que Daniel lui-même. Parce que jamais Marguerite ne se reprochait de juger quelqu’un trop vite car elle savait qu’elle ne le faisait pas par méchanceté ou obstination, simplement objectivement. Elle ne pensait pas ne jamais se tromper, non, mais… c’était là ! Elle se contentait de résoudre un problème mathématique et si elle se trompait, c’était qu’une donnée lui manquait. Alors pourquoi, dans le cas de Daniel, repoussait-elle le moment d’admettre qu’il n’était qu’un malade parmi d’autres ? Elle se perdait –déjà ! à son propre jeu et attendait avec impatience de sortir de la scène pour pouvoir se passer de l’eau sur le visage et mettre les choses au clair. Ce rapprochement, ces révélations, s’étaient sans doute faits trop vite, à un rythme trop grand pour elle et elle perdait son légendaire self-control. Il fallait la comprendre. La Marguerite sensée ne voyait maintenant en Daniel qu’un résident parmi d’autres, tout aussi dangereux, parmi les plus dangereux sans doute parce qu’il venait d’admettre qu’il était fou. Cette Marguerite-là n’avait pas peur de ce fait, elle avait peur de l’apparition de cette conscience presque maternelle – qui prenait le pas sur elle, la Marguerite sensée – qui avait peur pour Daniel et qui était aveuglée par sa sollicitude expansive.
    Tout cela se déroulait dans sa tête sans que Marguerite ne laisse entrevoir quoique ce soit. Elle semblait écouter attentivement Daniel, l’air sérieux et grave.
    Puis, il y eut un changement. Le jeune homme s’arrêta d’énoncer cette liste de caractéristiques pour lui demander directement de ne pas s’approcher de Dan. Marguerite hocha la tête. La Marguerite sensée ne voulait pas s’approcher de Dan’, l’autre était curieuse… Deuxième pensée parasite : la schizophrénie est contagieuse, Maggie, écoute-toi parler de « Marguerite sensée » et de « l’autre ». Pensée toute aussi vite chassée.
    -Je n’ai pas de questions, tout est très clair pour l’instant, dit Marguerite.
    Il semblait que le monologue de Daniel avait correspondu avec le « temps de parole » de la Marguerite insensée car déjà, sa raison reprenait le dessus et lui permettait de formuler ce qui suit :
    -Ceci dit, je pense... que je devrais connaître la raison de ta présence ici.
    Marguerite supposait que c’était le fait de Dan’, bien qu’aux yeux de la Justice –et aux yeux de la Marguerite sensée, ce soit la faute de Daniel. Quoiqu’il en soit, il lui fallait savoir, pour pouvoir mieux connaître ce Dan’, au-delà de son apparence et de sa synergologie. Il lui fallait savoir maintenant parce qu’après, il ne serait plus question de Dan’ mais de Daniel, cet adorable garçon un peu perdu, qui ferait un excellent acolyte.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyMar 27 Avr 2010 - 22:11

L'âme d'enfant s'éteignit, le vrai Daniel revint, sombre, grave, il pâlit. Daniel se laissait rarement aller et n'exprimait guère ses émotions. A vrai dire, il n'avait guère d'émotions, et donc pas de raisons pour pâlir, rire ou pleurer. Sauf depuis qu'il était à Teenagers. Et là, en l'occurence, il avait des émotions, déjà fragilisé par la peur éprouvée juste avant, fragilisé par ces avoeux, fragilisé par les circonstances. Il pâlit, donc, à la question. Ce n'était pas sa faute à lui, c'était celle de Dan', c'était Dan' qui avait tout fait, et Daniel s'en souvenait, même si tout demeurait assez flou dans sa mémoire. Il avait fait des choses horribles, Dan', et le problème, c'était que Dan était lui, puisqu'ils partageaient le même corps. Daniel était donc impliqué dans ces choses. Immondes, d'une saleté repoussantes, des choses qu'il abhorrait depuis sa plus tendre enfance, des choses qu'on lui avait apprises à accueillir avec mépris, dédain et horreur. Des choses contre-nature, des actes de délinquance, des choses qui révulsaient Daniel, lui donnaient envie de se frapper. Un dégoût qui s'apparentait à la peur, une faiblesse, une faille énorme qui attirait Dan', le faisait sourire, l'appelait, l'attirait, un Dan qui grondait dans les entrailles, plus présent que jamais à l'évocation de ces choses.
Mais Daniel était Daniel en ce moment, et si Dan' s'agitait, il maîtrisait largement son esprit. Juste se concentrer. Se concentrer sur Marguerite, sur son visage doux et bienveillant, son visage peu expressif mais rassurant. Un visage qui ne donnait pas l'impression d'être soumis à un jugement, d'être face à une humaine commune. Pas le visage, l'expression, en fait. Une expression qu'il aimait et jugeait tout-à-fait convenable. Pour une fois... Une expression qui aida les mots à passer la barrière de ses lèvres serrées. Les mots tant honnis...

"Dan' a commis des actes de délinquance. Il..."

Daniel stoppa. Il ne connaissait pas les termes allemands. Il parlait bien la langue, avait un vocabulaire étendu, mais qui avait des limites. Il ne s'était pas donné la peine d'apprendre ces mots. Il reprit donc en Anglais.


"Etat d'ébriété sur voie publique, actes de violence, tappage nocturne, dégradation de lieu public et tentative de viol."

A ses mots, il ferma les yeux, inspirant une grande bouffée d'air pour se calmer. Tout son visage se crispa. Il n'aurait jamais dû prononcer le mot "viol". Il revit le comissariat, sa mère, trembla, revit la femme en éclair, les menottes, la voiture de police, trembla encore, violemment, chercha à tâton le poignet de Marguerite auquel il s'aggripa, fort, très fort, les tremblements accentués, la fille, le désir, l'envie, ses mains sur sa peau, sous son chemisier, les seins, le désir, le désir, le désir... Le désir!
Tremblements violent, il désirait, voulait, violer, violer, sans se faire prendre, violer là, maintenant, se vider, plaisir et jouissance, violer, violer, violer, violer, une main, il raffermit sa prise, plus fort, encore plus fort, son corps tremblait, pourquoi? il eut du mal à ouvrir les yeux, les yeux étincelants d'une lueure perverse, la figure crispée, les dents serrées il ne comprenait pas, une femelle ou un mâle? peu importe, il le voulait, il la voulait... Il serra, encore, puis relâcha, parce qu'il avait vu le visage, en un éclair, un visage connu, un visage connu, un visage connu, un visage connu, une Marguerite, Marguerite, le visage connu, Marguerite...

Marguerite...

"Marguerite!"

Un effort, suprème, surhumain, une voix un peu faible, mais une voix, une étincelle qui quitte un regard, des tremblements qui reprennent, violents, les yeux se ferment, les traits se crispent, l'emprise se relâche, la main se desserre, les yeux s'entrouvrent, une inspiration, un sursaut, les yeux s'ouvrent... Marguerite... Marguerite... Il cherche, ça gronde dans son ventre, il pense Marguerite, fort, très fort, il pense Marguerite, il pense le neutre, il pense le calme, fort, très fort... Le grondement doucement s'éteind, Dan' se terre, pour un moment, quelques secondes ou quelques heures, quelques jours peut-être mais pas plus.
Daniel respire, profondément, pour calmer les battements de son coeur. Ca a faillit. Ca a faillit tourner au drame. Il a refoulé Dan', il y a réussi, mais de justesse, de justesse...

Les battements de son coeur se calment, il s'efforce de ne plus penser à lui, mais c'est difficile, alors il dévore Marguerite du regard, Marguerite, son point de ralliement, celui d'aujourd'hui... Il la regarde et, hâtivement, lâche son poignet, il a du lui faire mal, il a serré fort, de toute sa force, presque...

"Parle-moi de toi."

Un ordre, oui un ordre, parce qu'il en avait besoin, parce qu'il était encore tendu, parce que Dan' pouvait ressurgir, parce qu'il devait se concentrer sur autre chose, sur Marguerite, Marguerite, penser à elle, si éloignée de Dan', et il ne viendrait plus... Il espérait qu'elle ne raconterait rien de dangereux, rien qui ne l'attire, rien qui n'éveille la curiosité du démon dans ses entrailles. Elle était intelligente, sans doute éviterait-elle ce genre de choses, sans doute ferait-elle tout pour le ménager... Il espérait.
Il dévorait les ombres de son visage, ses traits, les détaillaient, en attendant, en attendant qu'elle parle.


[J'ai enfin corrigé la grosse faute du titre... Désolée U_U']
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyMar 15 Juin 2010 - 22:40

[Désolée pour le retard é_è mais il faut que j'ai mon bac' -ce qui avec un 4 en physique est assez compromis, sinon zou ma classe prépa] Je dis ça comme si j'avais révisé pendant ce mois d'absence alors que... non é_è
Je n'ai aucune excuse. Pardon !


Marguerite regardait Daniel stoïquement, un sourire se devinant à peine sur ses lèvres closes. Quelque chose dans sa position, néanmoins, contrebalançait cette absence d’expressions qui aurait sans doute pu paraître glaciale. Elle n’avait pas besoin de sourire, ni de rentrer le menton et de hausser les sourcils d’un air insistant pour presser la réponse de Daniel. Elle attendait sans s’agiter qu’il lui révèle la raison de sa présence en cet institut, ce qui était superflu. En quoi était-il vraiment nécessaire de le savoir ? Etait-il indispensable de déterminer le degré de la dangerosité de Daniel quand, quel qu’il soit, Marguerite avait pris la décision irraisonnée de rester à ses côtés ? Elle le vit bien pâlir quand elle lui exprima son désir de savoir quels crimes il avait commis mais elle refusa à son imagination le droit de s’emballer et d’élaborer les scénarios les plus macabres. Elle trouvait l’institut tellement laxiste qu’apprendre qu’un serial killer y était logé l’aurait à peine étonnée…
Aussi s’appliqua-t-elle à garder cet air impassible, vaguement rassurant –parce qu’après tout, c’était Marguerite, mais certainement pas neutre ou fermé. Elle voulait savoir parce que… Eh bien elle ne savait pas très bien pourquoi. Elle était très curieuse de Daniel pour une raison qu’elle n’arrivait pas à déterminer non plus. Oui, il lui arrivait souvent de poser des questions dont la réponse ne l’intéressait pas énormément, tout en sachant parfaitement qu’elle était sans importance mais c’était par convenance et pour être de bonne compagnie. Ici, il y avait un intérêt nouveau pour autrui, un intérêt insatiable.
Dan a commis des actes de délinquance.
Marguerite l’écouta énoncer en anglais les chefs d’inculpation de Daniel –elle insistait : aux yeux de la Justice, c’était Daniel le coupable ; à ses yeux aussi. Actes de violence… tentative de viol… Elle le sentit s’agiter puis agripper son poignet. Elle tressaillit légèrement puis se pétrifia instantanément. Ses yeux restèrent fixés sur son poignet autour duquel un étau de plus en plus étroit faisait pression. Elle sentait bleuir le bout de ses doigts mais la douleur était négligeable. Elle ne devinait pas ce qui se passait dans la tête de Daniel et ce contact lui en évoquait un autre, quelques mois plus tôt. Quand son père l’avait pris par ce même poignet et l’avait laissée si misérable.
Elle se retint de gémir, de se plaindre ou de montrer n’importe quel signe de panique. « Il ne me fera rien, il est perdu. Il ne me fera rien, il est perdu. C’est tout. Il ne se rend pas compte. Il est juste perdu ».
Marguerite !
Elle regarde ces doigts implacables se desserrer et disparaître de son champ de vision. Leur souvenir a marqué sa peau rougie autour de marques blanches. « C’est fini », souffla Marguerite en son for intérieur.
Elle leva les yeux sur lui et résista à la tentation de lisser son chemisier. C’était grotesque, ce n’était pas comme si elle était nerveuse… Non, il ne s’était rien passé.
Parle-moi de toi…
Marguerite chassa instantanément certains détails de sa vie. L’opulence scandaleuse dans laquelle elle avait grandi, sa relation avec sa mère et comment c’était fini celle avec son père.
-Je suis née en Angleterre…, commença-t-elle doucement.
Elle se répétait, mais il ne lui en tiendrait certainement pas rigueur. Il lui fallait réfléchir bien vite au fur et à mesure qu’elle parlait pour écarter tous les détails superflus ou dangereux. Il est toujours difficile de parler de soi, de résumer sa vie. Marguerite l’avait fait un nombre incalculable de fois. Auprès de prétendants, auprès de précepteurs curieux… Mais cette fois, c’était bien difficile… Les anecdotes drôles et quelque peu romancées n’étaient pas le joker approprié, ici. Elle ne pouvait pas parler de sa famille, de sa prestigieuse lignée parce que c’était un aspect de sa vie qu’elle ne voulait pas mettre en avant. Ses relations avec ses parents étaient un mauvais point également. Elle ouvrit finalement la bouche et elle commença à parler, dans un débit très calme, à voix basse mais de façon complètement intelligible.
-Je suis fille unique et j’ai disposé de beaucoup de prévenance et d’égards empressés. J’ai presque toujours étudié seule et j’ai ainsi développé une certaine affection pour tous les loisirs solitaires, bien que la compagnie est une chose dont je m’accommode sans peine… J’aime la musique, celle qu’on écoute et qu’on joue et les promenades. Je n’aime pas beaucoup lire mais c’est en lisant la version originale des grands classiques que j’ai pu améliorer mon français. Quant à l’allemand et à l’anglais, je l’ai appris… de mes parents et de mon environnement.
Marguerite avait ponctué son discours de sourires discrets, comme si tel ou tel trait de son caractère était risible, en laissant son regard se promener sur le visage torturé de Daniel. Elle avait hésité un instant en parlant de ses parents mais avait poursuivi comme si rien n’était. Elle ne connaissait pas Daniel, peut-être avait-il des problèmes avec ses parents ? Elle se réinstalla, ses fesses commençant à devenir douloureuses sous son poids et elle posa son poignet sur le genou de Daniel, l’air de prendre appui dessus. Mais elle le laissa là, comme un bout de viande abandonné et les marques de doigts étaient encore clairement visibles.
-J’ai seize ans mais je suis déscolarisée cette année. Parce que je suis ici mais aussi parce que j’ai déjà mon Abitur et mon A-Level et que je… profite de cette année pour perfectionner la maîtrise de mon instrument.
C’était un demi-mensonge, qui pouvait se sentir par sa deuxième hésitation, qu’elle avait aussi camouflée. Elle aurait du dire : « j’aurais du profiter » ou « je profitais ». Mais elle ne profitait pas, là, maintenant. Elle n’avait même pas son piano et elle essayait de justifier sa déscolarisation de façon complètement grotesque. Ceci dit, il était vrai qu’elle aurait aimé améliorer sa maîtrise du violon.
-Je joue du piano. Je me débrouille en violon et vaguement à la clarinette. Mais vraiment très vaguement.
Un léger rire s’échappa de ses lèvres. Il était tout à fait superficiel, elle n’avait pas spécialement envie de rire mais malgré tout, une certaine joie de vivre vibrait, avec la justesse d’un acteur pour qui il était naturel de se contenter d’apparaître. Cela concluait parfaitement son petit monologue… Elle s’était retenue d’ajouter un « Voilà, c’est tout » presque insultant. Il était évident qu’elle avait évité –d’un naturel brillant, mais évité quand même, certains sujets pourtant d’une apparente banalité. Elle lui jeta un coup d’œil, censé prévenir toute question indiscrète. Il n’était pas hostile, il disait simplement : « j’ai tout dit et je vais m’en tenir là ».

[Une faute ? Quelle faute ? je n'avais rien remarqué ♥]
[Edit : Oh, t'as vu ! deux pages !]
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyDim 20 Juin 2010 - 22:05

Daniel l'écoutait, complètement fasciné, relié à lui-même par elle, relié à elle par le contact physique, le contact visuel, le contact vocal. Il la dévorait des yeux, retenait captive les ombres mystérieuses sur son visage, admirait les reflets délicats sur ses vêtements, les tâches de lumière, observait ses courbes, voyait battre ses cils de temps à autre. La regarder, pour ne prêter attention qu'à elle. Et l'écouter, aussi; saisir chaque syllabe, comprendre chaque mot, le décortiquer, le retourner, se répéter la phrase, l'analyser, la mettre en images, créer des parallèles avec sa propre vie, la confronter à la normalité, s'efforcer de tout bien retenir, mot-à-mot, s'y accrocher... Et Dan' repartait au fond de son antre, sans même que Daniel ne s'en rende compte, parce que Daniel était si occupé qu'il n'avait plus le temps de penser à son démon intérieur. Ca marchait plutôt bien, malgré les hésitations...
Non, les hésitations contribuaient à sa concentration, il attendait, souffle coupé, la suite, le mot suivant, pendu à ses lèvres, elle était devenu le centre du monde, de ses pensées, la seule chose existant encore hormis lui-même. De plus, les paroles lui plaisaient. Le contenu lui plaisait. La solitude n'était pas non plus une gène pour elle; différence près que la compagnie n'avait pas l'air non plus de forcément la déranger, alorqs que c'était bien le cas de Daniel. Elle était intelligente et possédait sans aucun doute un grand savoir, notamment linguistique: mais ses capacités ne s'arrêtaient pas là, puisqu'elle avait déjà, à 16 ans à peine -son âge- l'A-level et l'Abitur, les équivalents anglais et allemand du Baccalauréat Français. Daniel ne pouvait pas se targuer de posséder tous ces diplômes. Là, il dut à peine penser à Dan: Dan' lui avait fermé toute voie scolaire. Il ne s'y arrêta pas longtemps.
Elle avait déjà parlé de la lecture; cette divergence n'avait pas chagrinée Daniel, car il savait que ça ne changeait rien à l'opinion qu'il se faisait d'elle. Puis vint la musique: l'énumération le fit sourire, parce qu'elle ressemblait un peu à celle qu'il avait faite des langues qu'il parlait. Regroupés par niveau, tous ces beaux instruments... Il aurait aimé l'entendre jouer, il était sur et certain que sa musique l'apaiserait. Elle jouait très bien du piano, paraissait-il; il en fut ravi, parce qu'il s'agissait du seul instrument qu'il aimait bien. Les autres ne l'attiraient ni ne le séduisaient; seulement le piano. Pourtant, il n'en jouait pas; quelques bases, quelques notes, un air ou deux, mais pas grand-chose, non, car il préférait largement écouter. Les CD des musiciens illustres, un concert, un amateur même. Il suffisait que la personne joue avec conviction et amour; et s'il s'agissait un débutant, il ne fallait pas qu'il s'estime trop, juste qu'il cherche à créer quelque chose de beau, de subtil, de passionant.

Il attendit que son petit rire s'éteigne avant de pousser un soupir léger, un soupir satisfait. Oui vraiment, il aimerait beaucoup l'entendre jouer. Le rire concluait à la perfection les paroles de la jeune femme, Daniel ne s'y trompa pas. Il était également assez lucide pour savoir qu'elle avait omis des points, elle n'avait parlé que de ce qu'elle voulait parler. Il trouvait cela normal, après tout; il ne lui avait que demandé de parler d'elle, et elle avait accepté de le faire ce qu'il considérait comme sympathique de sa part.
Il saisit son coup d'oeil, qui appuyait le rire final. D'accord. Il n'avait de toute façon pas eu l'intention d'aller plus loin; il se sentait beaucoup mieux, beaucoup plus stable. Avec fierté, il lança une pensée vers Dan', et, comme il l'attendait, il ne se passa rien. Il avait encore gagné une bataille. Il se redressa, un petit sourire orgueilleux au bout des lèvres. Il était vraiment très content de lui, comme quand les profs lui accordaient des 20 à gros coefficient pour le féliciter pour la qualité extrème d'un devoir.
Orgueilleux Daniel, fier de lui, persuadé que toutes ces petites loques l'aurait perdue, cette bataille, toutes ces petites loques bonnes qu'à sortir, boire, faire la fête et à l'insulter, à insulter tous les marginaux... Mais il y avait un verrou dans le cerveau de Daniel, un verrou qu'il avait mis en place sans même s'en rendre compte. Les loques, comme ils les appelaient, n'avait pas de problème, pas de dédoublement de personnalité, alors, la question ne se posait même pas, pour eux. Seulement ça, Daniel s'interdisait d'y penser, d'y réfléchir. Un gros verrou, pour lequel il n'existe même pas de clef, pas de code, un verrou très complexe, quasi indestructible.

Il espérait que Marguerite voit qu'il avait réussi, ce coup-ci, à le dompter. Mais... C'était un peu grâce à elle!


"Merci."

En allemand toujours, et il s'était bien appliqué en plus, pour mettre le bon accent pile poil, pour lui dire un beau "merci". Puis il reprit la parole, d'une voix toujours un peu enfantine, fluette, enjouée.

"Je pourrais venir te revoir si ça ne va pas? Un jour, tu accepteras de me jouer un morceau de piano? J'aime beaucoup entendre de cet instrument, ça me ferait très plaisir."

Il agrémenta sa demande d'un sourire timide. Il espérait qu'elle ne répondrait pas négativement; surtout qu'elle accepterait de l'accueillir à nouveau, car il se rendait bien compte qu'elle avait joué là un rôle essentiel et très important, et qu'elle pourrait remplir ce rôle sur une longue durée. Cette fille était un miracle, cette rencontre était une véritable chance, il en avait conscience. Si cette fille pouvait à la fois lui permettre de gagner des batailles sur Dan', de se réfugier loin de la barbarie des lieux et d'échanger des conversations intéressantes, alors il ne voulait pas la perdre. Il fallait qu'elle dise oui. Elle était si gentille, si douce, pourquoi n'accepterait-elle pas? Elle n'avait aucune raison de refuser, en plus, ils avaient parlé de la langue qu'ils parleraient lors de leurs futures rencontres... Elle aussi y trouvait un intérêt! Vraiment, il ne voyait rien qui puisse la dissuader.

Il angoissait quand même.


[C'est pas grave, ton post est magnifique, comme d'hab x)) Eh bah alors... Bonne chance pour ton bac ^^']
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyLun 21 Juin 2010 - 22:14

Marguerite avait fréquenté quelques musiciens par le passé, beaucoup plus doués qu’elle au demeurant mais qui jamais n’obtiendront les hommages qu’on lui avait faits à elle. Parce qu’ils étaient complètement pétrifiés devant un public et qu’ils étaient incapables de suivre les consignes du chef d’orchestre. Pire, ils se montraient complètement inaptes à se faire entendre parmi les autres familles d’instruments, ensevelis sous le déluge de notes alors que ces musiciens, seuls, avaient une technique des plus remarquables et une certaine forme de virtuosité, qu’on retrouve chez les solitaires mais qui se révèle complètement inutile du fait des inconvénients cités plus haut. Cette virtuosité ne servait à rien, même si elle plaisait aux profanes, violée comme elle l’était quand elle se manifestait chez les petits prodiges, à peine plus hauts que trois pommes, capables d’entamer seuls la chevauchée des Walkyries.
Mais Marguerite, elle, si elle n’avait pas de « don », ferait une très remarquable musicienne. Elle apprenait très facilement les partitions, était capable d’accorder son instrument sur celui de n’importe qui et de s’adapter aux rythmes les plus exaltés. Elle améliorait sans cesse sa technique et avait la discipline nécessaire. Peut-être était-ce pour cela que Marguerite aimait tant la musique : c’était sans surprise dès lors qu’on avait acquis certaines bases mais ça se renouvelait sans cesse.
C’était une carrière qui lui aurait parfaitement convenu. Mais elle ne pouvait plus s’entraîner et était bien loin des quatorze heures hebdomadaires qu’elle faisait avant d’atterrir ici. Les notes de Der Engel se bousculèrent un instant dans son esprit. Quand elle réussit à les remettre dans l’ordre, presque automatiquement et avec un effort de mémoire minime, elle se sentit apaisée.
Daniel la remercia, puis lui demanda s’ils pouvaient se revoir s’il n’allait pas bien. Elle fronça légèrement les sourcils. Certes, elle avait aimé, presque adoré jouer les mères cajoleuses, elle s’était sentie sereine et maîtresse d’elle-même et d’une situation comme elle ne l’avait pas été depuis longtemps. Oui, elle avait aimé tenir ce bout de chair sanglotant entre ces bras, elle avait aimé panser ses blessures, se sentir capable d’apaiser ses maux. Mais ne serait-il pas hypocrite, sinon carrément dangereux de ne se contenter que de cela ? Pouvait-elle seulement s’en contenter ? Ne voir Daniel ou plutôt ne consoler Daniel que les rares fois où il se sentira perdu.

-On pourra se voir plus, si tu l’acceptes.

C’était une mauvaise idée, Marguerite s’en était rendu compte quand les mots avaient franchi ses lèvres. Elle se rendait compte qu’elle n’aimait pas Daniel mais qu’elle aimait ce sentiment de puissance à ses côtés. Autrement dit, il ne l’intéressait que dans un état critique et cet état critique était dangereux. Marguerite était une marionnettiste experte et cela ne la dérangeait pas de jongler entre les personnalités et ne s’accommoder d’une personne que quand elle lui était agréable. Oh bien sûr, elle ne voyait pas les choses comme ça et cela se faisait presque inconsciemment. Mais elle ne comptait pas faire les baby-sitters. Daniel ne l’intéressait pas particulièrement et elle ne voulait pas rencontre Dan’. Risquait-elle, par sa mauvaise volonté, de provoquer les crises de Daniel ? juste pour avoir l’occasion de le materner. Il ne méritait pas cela.
Marguerite avait été touchée par ses manières enfantines, sa peur craintive, sa fierté puérile mais elle ne le supporterait pas continuellement. Si ?
« Tu réfléchiras à tout cela plus tard », pensa-t-elle, presque irritée contre elle-même.

-Bien sûr, je pourrais te jouer quelque chose. Il y a une salle de musique, quelque part dans l’institut. Je ne sais pas si elle est beaucoup fréquentée.

Elle prononça distinctement ces mots mais tout continuait à se jouer dans sa tête, alors que l’intensité de Der Engel diminuait progressivement.
Elle voulait vraiment l’aider. Ce n’était pas seulement parce que l’admiration enfantine de Daniel regonflait son ego blessé. Elle voulait vraiment l’aider. C’était presque horrible, elle devait faire le deuil de ce détachement, de ce cynisme qu’elle n’avait jamais eu à entretenir mais qu’elle savait indispensable à son équilibre. Pour lui. Elle était suffisamment patiente, suffisamment prévenante et douce. Elle voulait l'aider alors même que tout ce qui l'intéressait chez lui, c'était cet état de torture auquel elle pouvait remédier.
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyJeu 24 Juin 2010 - 22:47

Ben oui qu'il le savait, qu'il y avait un auditorium, ici! C'était d'ailleurs bien pour ça qu'il lui avait porposé de lui jouer un morceau, il doutait qu'on ai le droit de se faire livrer un piano ici, ceci devait poser un problème de place et de bruit. Il avait déjà été à l'auditorium, une nuit où il avait craqué. Il s'en rappelait très bien; là, il avait rencontré une jeune demoiselle qui ne l'avait intéressé à peu près juste parce qu'elle jouait du piano, et très bien. C'avait été une assez belle rencontre, malgré la vulgarité de la tenue légère que la jeune femme avait revêtue pour se balader en pleine nuit, mais elle s'était hélas mal terminée. La faute à qui? Devinez... En tout cas, Daniel essayait de l'éviter maintenant, de peur de réveiller Dan'. Ce dernier avait essayé de la violer et était très frustré de ne pas y être parvenu, d'autant plus que la demoiselle l'avait frappé assez violemment. Il craignait pour elle. Enfin non, pas pour elle; C'était comme avec Marguerite, comme avec tous les autres.

Il craignait qu'il ne se passe quelque chose, parce que cela signifierait qu'il avait perdu une bataille, et que cela le blessait dans son orgueil. C'était pour cela qu'il faisait tout pour se maîtriser; pour lui, pour son image, pour son avenir, pour sa vie. Pas pour les autres. Jamais pour les autres. Ce n'était pas parce qu'il appréciait Marguerite qu'il voulait la revoir; c'était parce qu'il appréciait l'effet qu'elle avait sur lui. Toutefois, il ne pouvait nier que la personnalité de la jeune fille (ou du moins, son apparence de surface et ce qu'elle voulait bien montrer) plaisaient à Daniel et jouaient un rôle dans son attirance pour l'Allemande. Mais il ne pouvait pas dire qu'il l'aimait bien, de toute façon, il n'y avait pas grand-monde qu'il aimait bien. Sa mère, son père, lui-même. Grands-parents à la rigueur, et c'était tout.
Il n'en avait rien à faire d'aimer ou pas des gens. Ca ne lui servait à rien. Le seul intérêt qu'il pourrait y avoir, c'était celui de gagner quelque chose de l'amitié ou de l'amour; mais les personnes ordinaires n'avait vraiment pas grand-chose à lui apporter, et puis si c'était le cas, pas besoin d'aimer. La preuve, Marguerite.

Il constata avec satisfaction que la peur s'était envolée. Qu'il était de nouveau vraiment Daniel, pas l'enfant prostré et tremblant. Tant mieux, il en avait presque honte. C'était assez humiliant. Maintenant, il n'avait même plus besoin de cette fille, et il était gêné de sa main sur sa cuisse, de leur proximité. Il lissa sa chemise, mais ne dit rien. Il ne fallait pas la contrarier, puisqu'il devait la garder au cas où. Il se décida qu'il lui rendrait visite assez régulièrement même s'il n'en avait pas besoin, pour des questions d'entretien. mais il ne savait pas trop si elle-même désirait le voir tel qu'il était, ou si elle avait profité de la situation pour s'imposer, et qu'elle désirait le manipuler dans un but sombre. Cette fille ne montrait pas tout d'elle, c'était certain, et elle se montrait comme ça l'arrangeait qu'elle se montre, comme il fallait qu'elle se montre. Elle était très intelligente. Dommage, lui aussi. Mais il ferait semblant de rien, pour la garder, au cas où il craquait de nouveau.
Et dans cet univers de malade, il était à peu près certain que cela lui arriverait encore de nombreuses fois. Et puis, quoi que fussent les intentions secrètes de Marguerite, elle n'en restait pas moins celle qui avait été capable, volontairement ou non, de stopper une transformation. Elle était importante; il ne devait pas la perdre. Elle pourrait aussi connaître quelques tuyaux...

"Sais-tu où peut-on se procurer des cigarettes? Ce n'est pas pour moi."

En allemand. Pas la peine de préciser pour qui c'était. Il venait simplement de se rappeler que Dan' commençait à être à court, et que Dan' était accro, aussi bien mentalement que physiquement. Et physiquement, cela voulait dire que ça le concernait aussi. C'était une des choses qui l'horripilait le plus. Quand le manque de nicotine se faisait ressentir par des maux de ventre, il se voyait obliger de fumer, et cet acte non seulement le répugnait, mais en plus entraînait une transformation. C'était pour cela qu'il faisait toujours en sorte que Dan' ait de quoi fumer lorsqu'il surgissait, pour éviter de devoir le faire à sa place. Peut-être que Marguerite savait à qui en acheter clandestinement. Ca l'avancerait bien, parce qu'il ne pensait pas que Dan' ne connaisse de bon plan de ce genre-là. De plus, les colis étaient certainement vérifiés, et il n'avait pas envie de s'attirer des ennuis parce que cet idiot d'écervelé aurait eu la bonne idée de demander à ses chers amis de l'extérieur de le ravitailler.

Avec soulagement, il avait constaté que sa voix était redevenue normale, son ton sérieux. Il avait également redressé son dos, et posé une main sur le précieux ouvrage. Il espérait que ces légers changements n'incommoderait pas la jeune allemande en face de lui et qu'elle ne cesserait pas pour autant de s'addresser à lui avec une gentillesse maternelle.
Lucy Cantarella
Lucy Cantarella

Résidente
Modérateen
Résidente♥ Modérateen


Une mèche de couleur sur une tignasse brune-rousse, des yeux vairons verts et ambre, un sucette ou deux à la bouche, un balafre et un air de sale gosse vandale ? Ouais, c'est Lulu.
Je ne sais plus qui je suis.
Féminin Play with friends is funny ! Bad Day

Surnom Surnom : Lulu Lu Lune Rabbit Rab'
Âge du Perso Âge du Perso : 18 ans
Orientation Orientation : Hétérosexuelle
Admission Admission : 17th August 2009
Autorisé à sortir Autorisé à sortir : Retirée

Teen's Teen's : 9462

Age Age : 29
Messages Messages : 3058
Jeux +16 Jeux +16 : Oui
Disponibilité Disponibilité : 2 passages par semaine minimum.

RP' RP' : Rps de Lulu :
Arrivée
Tendance à chercher la merde
Relations familiales.... Et vestimentaires.
Tendance à faire des blagues stupides
Intérêt psychanalytique nul
Liens avec le passé
Amitié féminine
Angoisses
Les bonnes manières
Toujour sociable et ouvert
Les souvenirs comme les œufs : faut les batture pour que ça prenne forme
Tendence à être aimable
Bien manger, leçon 1
Adotpion d'une boule de poils
Lapin
Dessinez c'est gagné
Ambiance festive
Eau de javelle
Lies et les conneries
Service d'accueil
Admiration pour les mères
Service d'accueil pour camé, bonjour


Réservations :
[*]You ?[/list]

MEDAILLES MEDAILLES : Cauchemar éveillé [Marguerite] Art Cauchemar éveillé [Marguerite] 5 Cauchemar éveillé [Marguerite] 9 Cauchemar éveillé [Marguerite] 6 Cauchemar éveillé [Marguerite] 10 Cauchemar éveillé [Marguerite] Graph Cauchemar éveillé [Marguerite] Gift Cauchemar éveillé [Marguerite] 4 Cauchemar éveillé [Marguerite] Tourdewin Cauchemar éveillé [Marguerite] Gold Cauchemar éveillé [Marguerite] 3 Cauchemar éveillé [Marguerite] 11 Cauchemar éveillé [Marguerite] Rfef Cauchemar éveillé [Marguerite] Ecrit Cauchemar éveillé [Marguerite] Addicted Cauchemar éveillé [Marguerite] Toxic Cauchemar éveillé [Marguerite] Chatbox Cauchemar éveillé [Marguerite] Gamer2

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Avertissement: Aucun
Nombre d'Arrestations: 2
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptySam 31 Juil 2010 - 12:10

Sujet abandonné ?
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MessageSujet: Re: Cauchemar éveillé [Marguerite] Cauchemar éveillé [Marguerite] EmptyJeu 19 Aoû 2010 - 21:44

    Oui (: (enfin preesque fini)
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Cauchemar éveillé [Marguerite]

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