Seul. Assis sur un lit qui deviendrait le sien pour les années à venir, son sac échouait à ses pieds. Dix minutes plutôt, une personne, dont il n'avait retenu ni le nom ni même la fonction, l'avait accompagné jusqu'à son dortoir. Avant de ne quitter les lieux pour le " laisser faire ses petites affaires ou plutôt défaire ", il lui expliqua deux ou trois choses. Oscar n'écouta à aucun moment le monologue. Tout ce qu'il entendit fut le nombre de pensionnaires installés dans cette pièce : deux. Le nouveau venu compta huit lits donc ils disposaient d'assez d'espace pour ne pas s'envahir. Pensée tout à fait empirique et relativement peu importante si l'on considérait sa situation. Que pouvait-on espérer d'un tel environnement, les couleurs et l'ameublement parlaient d'eux-mêmes. Entre ses murs, il avait l'impression de suffoquer. La justice de son île natale le définissait comme un délinquant pour autant était-ce vraiment le terme approprié ? Apparement puisqu'on l'envoyait sans préavis sur le continent américain dans rien moins qu'une maison de redressement.

A haute voix, le jeune homme s'interrogea :

" En pleine tempête qu'est-ce qui retient une embarcation à son port ? "

Inconsciemment, ses doigts parcoururent la peau abîmée de son avant bras gauche. Le désespoir ? Ce sentiment permettait seulement au naufragé tombé du bateau à maintenir sa tête hors d'une eau capricieuse et en colère.

Combien de temps cela durait-il avant que la corde ne lâche ? Que son énergie ne s'épuise et qu'il sombre dans les profondeurs abyssales ? Quelqu'un finirait-il par couper la corde ou à lui maintenir la tête sous l'eau ... n'était-ce pas ce qui lui arrivait avec son intégration à l'Institut américain ?

Son père lui avait subtilement signifié au cours d'un de ses discours moralisateurs ponctués de menaces à peine voilées : " la vermine attire la vermine, jeune homme ". A ce moment-là, Oscar ne sut pas ce qui l'avait le plus blessé la comparaison ou l'appellation qui l'identifiait comme un étranger au sein de sa propre maison. Au Japon, les parents nourrissaient la vocation de modeler leur enfant à un seul idéal : le leur. S'ils n'y parvenaient pas, ils prenaient les mesures qui s'imposaient, si jamais cela ne fonctionnait pas alors ils faisaient appel aux autorités compétentes, et spécialisées, pour résoudre le problème. Malgré tout, si vous décidiez de vous entêter alors vous n'existiez plus. Bien évidement, le processus se déroulait dans la plus grande discrétion afin que l'honneur de la famille soit préservé.

L'asiatique fut pris d'une irrépressible envie de sentir la douleur sous la pression d'une lame au métal froid et sa peau diaphane ce tâcher du liquide carmin, vital. Or, même ce droit, on le lui confisquait. On voulait vous voir disparaître pour autant personne ne prenait la responsabilité de l'acte et vous vous retrouviez enfermé entre quatre murs pour une durée déterminée, théoriquement.

Son corps bascula sur le matelas, un bras recouvra ses yeux. Une interrogation grotesque le taraudait depuis son atterrissage, cependant, elle ne lui paraissait pas si folle que ça : si les éléphants devenaient rose et les pommes bleues, est-ce que le monde s'en trouverait bouleversé ?

" Mon pauvre Oscar, tu débloques complètement l'air de la Californie ne te réussit pas "

D'une poussée, il se leva et se mit en but de ranger ses affaires, avant que ses colocataires ne décidèrent de revenir. Ensuite, il profitera de ses quelques heures de liberté relative pour faire le tour du propriétaire.