Chacun jouait son numéro à la perfection. Certains tireraient leur sa révérence dans les supplications, d’autres décrocheraient le premier rôle. Pathétique cinéma. Mais tellement bon. Délicieux. Pour les yeux désillusionnés. Pour les nerfs souillés. Pour les cœurs refroidis. Se frayer un chemin vers le haut de l’affiche. Pour le salaire. Pour le respect. Pour la gloire de se sentir infiniment meilleur que chacune des merdes qui composaient le casting raté. Serrer les poings. User de la langue. La fourcher. La glisser. La courber. Souffler. Pousser. Ecraser. Satisfaire l’égo. Changer de masque. Transpirer par tous les pores cette soif de succès. Sentir les caresses des regards inquiets. Tu te sais beau. Tu te sais bon. Tu te sais inébranlable. Invincible. Et invisible quand il le faut. Faites place au super-héros et donnez-lui les pleins pouvoirs. Devenir putain pour y parvenir et lécher tout du long l’ascension. Coït mental.
Je tremperai mes cookies dans vos larmes.
Puis je danserai sur vos sépultures.
Pisserai sur vos tombes pour en faire culture.
Car j’aurais fait du savoir ma meilleure arme.
« Ce pain que vous voyez sera ma chair, vous le digérerez comme tel : or, je suis Dieu ; donc Dieu sera digéré par vous ; donc le créateur du ciel et de la terre se changera en merde, parce que je l'ai dit ; et l'homme mangera et chiera son Dieu, parce que Dieu est bon, et qu'il est tout-puissant. » Il m'était si facile d’apprécier Sade, c’était comme téter du petit lait. Pour ses idées, sa lucidité. Parfois s’en était presque bandant pour l’esprit. Plein de vulgarités, aucune finesse dans l’expression du corps. Propagande du viol et puis du vol.
Je refermai l’ouvrage que je posai sur le meuble qui me servait de table de chevet, et mon corps se tourna en direction de la forme de vie. Allongé sur les couvertures de ma couche. Tête à demi portée par mon avant-bras. Il n’était pas tard pourtant, mais j’étais atteint par ce que l’on appelle communément la flemme pour entreprendre une quelconque activité. Physique ou intellectuelle. Cela faisait un petit moment d’ailleurs que je n’étais plus seul dans le dortoir puisque Serena était venue lui donner un peu de sa féminité. Pas le moins du monde préoccupé par ses occupations jusqu’à maintenant, je me mis à l’observer, plus ou moins longuement - ce jugement tenant de l’ordre de la seule subjectivité des individus.
Femelle.
Serena.
Déjà croisée, déjà parlé. De quoi je ne m’en souviens plus, parce que cela ne devait certainement être d’aucune utilité. Contrairement à tous ceux à qui j’avais pu souffler mot depuis mon arrivée. Etrange d’ailleurs que cette nana n’éveille en moi strictement… rien du tout. Pas de dégoût, pas de pitié. Pourtant c’était une femme, et qu’elles sont juste bonnes à fermer la bouche et avaler. Sauf quelques rares qui pouvaient gagner leur place dans un cercle très fermé que j’avais pris soin de tracer. A la condition d’avoir une lueur d’intelligence dans le regard, de ne pas ressembler aux catins, toutes plus communes, qui circulaient ici.
S. Salope. Sournoise. Serpent.
C’est surement ce qui me serait passé par la tête si je ne te sentais pas. Prudence est mère de sûreté. Mais il faut savoir se mouiller pour avancer. Et quelque part, j’éprouvais peut-être une certaine forme de respect à ton égard pour ne pas me renvoyer l’image de la parfaite cruche. Et des trop hargneuses.
« Serena… »
Juste pour capter l’attention. Soufflé sans une once d’animosité, un brin suppliant peut-être.
« Je peux te poser une question ? »
Parce qu’avec toi évidemment je n’imposerai rien. Sauf si tu montrais les crocs. Mais jusqu’à maintenant je me sentais comme un chaton aux côtés d’un de ses semblables. Adorable. Naïf certainement.