Un mur. Un roc. Ou tout du moins c'était son apparence.
Seth sentait presque physiquement sa haine, sa violence, et sa détresse heurter ce mur d'impassibilité, stoïque, pragmatique, perçant.
Seth baissa les yeux pour fixer ses genoux, et le sol entre eux. ça se floutait, puis redevait clair, selon le passage éphémère de ce foutu liquide salé qui lui piquait les yeux. Il avait envie de frapper ce putain d'uniforme en face de lui, de se lever et de se casser un peu plus léger qu'avant, puisqu'il venait d'y laisser sa fierté sur ce coup là. Larguer sa haine et son fucking secret l'avait pas vraiment aidé. Ouais, et quoi maintenant ducon ? Tu voulais voir ? Tu voulais avoir un meilleur panorama ? Tiens, bim, la voila cette putain de plaie purulente dans ta gueule, tu va faire quoi maintenant ? Hein ?
Il était irrécupérable. Et Seth le savait. Il n'y avait plus rien à récupérer. Qu'est ce qu'il était ? Une grande gueule immature, un gamin violent et trop loyal aux mauvaises causes, une tête de mule irrécupérable et impossible à gérer.
Mais concrètement
Vraiment
Sans déconnade
Qu'est ce qu'il est vraiment?
Seth essuie son visage avec une de ses manches et relève enfin les yeux vers le psychiatre. Son regard d’émeraude trahissant sa fatigue mentale, mais qui gardaient pourtant cette étincelle rebelle au fond, très au fond. Elle brillait encore, cette particule d'insoumission, au milieu de cet océan de larmes, de fatigue et de désespoir.
Il sort un morceau de papier froissé de sa poche. Comme ça, sans rien dire.
Voila ce que tu es au fond, Seth.
Un amas informe, un gâchis monumental.
Ce type le sait très bien. Après tout, c'est un putain d'uniforme. Ce mec il a dû en voir passer des plus teubés que toi. Tu crois vraiment qu'il va t'aider ? Qu'est ce qu'il en a à péter au fond ? Il le sait que t'es un gâchis. Il sait juste pas jusqu'ou le gâchis s'enfonce.
Seth... Est ce que tu viens vraiment de demander à ce pauvre mec de t'aider ? Supplier un uniforme ?
" Tant que j'aurais un passé... J'aurais jamais d'avenir. "
Pourquoi est ce que tu t'apprête à lui tendre ce papier ? Une fois ça t'as pas suffit hein ? Il faut que t'en redemandes. Putain de masochiste...
La lettre qu'il venait de recevoir il y a à peine quelques jours, celle qui l'avait pas mal empêché de dormir. Celle ou sa mère lui parlait de sa conditionnelle, d'une prochaine visite à l'institut pour voir son fils adoré, l'amour de sa vie, la chair de sa chair, et toutes sortes d'adjectifs qui auraient pu être adorables dans d'autres circonstances.
Il l'a tendit à Anton, sans rien dire.
Elle allait venir.
Et Seth ne comptait pas parler. Il ne pouvait pas en parler. Il ne pouvait pas faire face à sa mère à nouveau.
Qu'Anton prenne la lettre ou pas... Seth s'en foutait. Il était au bout du rouleau. Détruit. Et il avait décidé qu'il n'avait plus envie de voir cette lettre. Alors qu'il l'a tende avec sa main tremblante ou qu'il la lui jette dans la gueule, peu lui importait.
"Assumer ?"
A ces mots un coin de la bouche de Seth se redressa. Malgré ses larmes et sa tronche qui faisait pitié, l'étincelle brillait encore, au fond.
" Tu comprends pas... Tu comprends rien... Et tu pourra jamais m'aider."
Seth balança soudainement la lettre au sol, juste aux pieds du psychiatre, avant de se relever. Il inspira l'air frais, essayant de se calmer, d'empêcher ses genoux, ses mains, sa lèvre inférieure de trembler. Essayant de ne pas penser à ce qui venait de se passer. Il alla s'asseoir sur le banc, sans gestes brusques, et alla à nouveau enfouir son visage dans ses mains. Il avait juste envie d'envoyer un grand doigt dans la gueule de ce type et se casser en courant. Mais il en avait plus la force, ni la volonté. Et y'avais surtout l'idée de s'en prendre à nouveau une belle dans la gueule qui le motivait pas trop à décoller son cul du banc, à vrai dire.