Institut Teenagers, un samedi après-midi. Anton se pressait parmi les résidents, une pochette sous le bras, saluant rapidement ses collègues postés dans les couloirs. Dans les faits, le psychiatre n'était pas réellement pressé. Mais sous l'emprise d'un besoin compulsif de musique, oui. Depuis combien de temps n'avait-il pas joué ? Trois semaines ? Plus ? Ces derniers temps, il avait tellement été pris par le travail qu'il n'avait pas eu le temps de faire grand chose à côté. Toutefois, il avait enfin réussi à aménager un après-midi de liberté dans son emploi du temps et comptait bien en profiter.
Anton poussa un soupir de soulagement en arrivant devant les portes de l'auditorium. Fermées à clé. Il étouffa un grognement de dépit. Le psychiatre fouilla un instant dans ses poches et batailla un peu avec son trousseau avant de trouver la bonne clé. Il s'engouffra dans l'auditorium, laissant involontairement la porte grande ouverte derrière lui. Il avait oublié que le battant de cette dernière lui permettait de s'immobiliser dans une position intermédiaire...
L'objet de son désir était là, devant lui. Un modeste piano droit, mais un piano tout de même. Cela lui suffisait amplement. Anton promena un instant la main sur les touches puis se décida à s'asseoir. Il eut alors un gros sentiment de vide. Qu'allait-il jouer ? Il reproduisit plusieurs amorces musicales dans sa tête. Il n'avait pas besoin de se souvenir par cœur d'un morceau. Une fois que ses doigts étaient lancés, ils volaient d'eux-mêmes au-dessus les touches. Mais cette mémoire particulière ne l'aidait pas des masses lorsqu'il s'agissait de choisir une musique. Ennuyé, Anton appuya sur une touche au hasard. Un mi.
« Mi, avec un m... » marmonna-t-il pour lui-même, pensif. « M, comme dans... Mendelssohn ? Non, il me manque un bout de morceau... Muse ? Non plus, ça rend toujours beaucoup mieux à la guitare... Hum, Metallica ? Allez, Metallica ! »
D'un geste fluide, il se leva et se dirigea vers le petit synthétiseur qu'il avait remarqué en entrant. Anton effectua les branchages nécessaires et quelques tests sonores, histoire de maîtriser les différents modes de l'appareil. Après réflexion, il brancha aussi un micro et attrapa un casque qu'il mit sur sa tête. Il chanterait plus juste avec un retour de son. Finalement, il prit un tabouret et s'installa derrière le synthé. Il prit une profonde inspiration et débuta l'introduction de Nothing Else Matters.
Le son n'était pas de première qualité, mais suffisament bon pour recréer l'atmosphère du morceau. D'ailleurs, Anton n'en était pas le seul profitaire. Mais il ne pouvait se rendre compte que sa voix était déversée dans le couloir par les bafles, auquel le micro était en réalité encore branché...
« So close no matter how far
Couldn't be much more from the heart
Forever trusting who we are
And nothing else matters... »
Anton ne chantait pas trop mal, on peut même dire qu'il s'en sortait honorablement. Il connaissait suffisamment la chanson pour ne pas avoir besoin de regarder ses doigts, et, faute de quelque chose sur quoi fixer son regard, s'était laissé aller à fermer les yeux ; ça l'aidait à davantage se laisser entraîner par la musique.
Une chose est sûre : s'il avait su qu'il était observé en ce moment, il ne serait pas allé au bout de la chanson...