« Laissez-moi vous présenter le capitaine Allen, l’une de vos supérieurs hiérarchiques. »
Un sourire, un mouvement, une envolée gracieuse. Le capitaine Allen fait rêver dans son tailleur, elle fait rêver avec ses jambes d’une longueur infinie et ses boucles cascadant autour de son visage. Au début on l’a souvent regardé avec des regards étranges, parce qu’après tout ce n’est pas commun des cheveux aussi longs dans l’armée, ce n’est pas commun des cheveux de cette couleur. Rose. Rose, toujours rose, quoi qu’on fasse ses cheveux sont roses et bien entretenus, légèrement brillant, il semblerait qu’elle ait renoncé il y a longtemps à les couper, mais qu’importe, ils sont roses. Et quand on s’interroge les gens répondent qu’elle est médecin, qu’elle est talentueuse, qu’on ne la juge pas sur son apparence mais sur son talent. Pourtant on aurait de quoi redire sur son apparence, beaucoup trop faible à peine musclé, pas assez grande. La capitaine ne dépasse pas le mètre soixante cinq, et s’amuse souvent à dire que c’est son frère qui lui a pris ses centimètres manquants, quoi qu’il en soit elle n’est pas le genre de personne à imposer, elle ressemblerait presque à une poupée s’il n’y avait pas cet éclat parfois dur dans ses yeux. Un visage rond, un cou gracieux et des yeux naturellement bleus violacé. Jolie. Oui on peut dire facilement qu’elle est jolie. Trop jolie pour certains. Le genre de personne qui n’aurait rien à faire dans l’armée, pourtant elle y est et elle y restera. L’armée c’est un peu sa planche de survie, sa sortie de secours, sans la marine, elle n’aurait pas survécu, pas un seul jour. Mais c’est un battante, alors elle se tient là devant le « commando » et encore le mot sonne mal, sur qui elle aura pleine autorité ou presque.
« Capitaine Calliste Allen, médecin dans la Marine considérée comme apte à prendre le commandement avec l’aide de mes pairs. »
Une voix légère, un port de tête gracieux la poupée s’incline avant d’accepter le document qu’on lui tend. Elle le parcours des yeux, professionnelle, et feuillette un instant les différentes feuilles qui se succèdent, avant de sourire tendrement. Le dossier de son frère. Il est en mission avec elle, c’est juste malheureux la place qu’il occupe. Malheureux et injuste. Elle aurait bien voulu tout quitter pour le défendre mais pourquoi faire ? Qu’est-ce qu’elle aurait pu faire, elle n’était pas sur les lieux et était sa jumelle, son discours aurait été considéré comme inopérant et caduc et de plus on n’aurait pu incorporer ses paroles dans la défense. Encore une fois inutile. Elle déteste ça se sentir inutile, elle déteste vraiment mais elle sourit doucement comme si ça ne l’atteint pas. Modèle de bonne humeur elle se refuse à craquer. Se battre, toujours se battre et encore se battre. Ne jamais cesser, tout au long de sa vie elle s’était battue. Elle s’en était pris des claques dans la figure mais elle s’était toujours relevée. C’était un gène de la famille ça. Teigneux, hargneux, trop têtu surtout oui. Qu’importe les coups qu’ils prennent ils se relèvent près à s’en prendre une deuxième. Mais malgré tout Calliste n’a pas un mauvais caractère. Souvent considérée comme sévère elle reste néanmoins juste et professionnelle. A croire qu’elle a enterré son cœur quelque part. C’est le cas. La moitié de son cœur bat dans la poitrine de son frère et l’autre repose avec sa mère dans l’immensité de l’océan. L’océan une grande passion que sa mère lui a transmis, tous les matins quand elle était jeune et qu’elle vivait encore dans la maison familiale à San Francisco elle allait se baigner dans la baie, d’abord avec elle, puis seule, puis un jour elle décida que la mer lui tendait les bras et elle s’engagea dans la Marine. Cela aurait été si simple si ça c’était passé ainsi. Ce n’était pas le cas.
« Comme j’ai en main tous vos dossiers médicaux et afin de rester fair-play je vais essayer me présenter également. Permission accordée Major ?
-Accordée Capitaine. Allez-y.
- Donc mon nom est Calliste Allen, j’ai toujours vécu à San Francisco jusqu’à mon entrée dans la Marine. J’ai actuellement 26 ans, et j’ai commencé ma carrière militaire à mes 20 ans. J’ai fait ce qu’on appelle une carrière différée dans le sens où je suis montée en grade de part mon niveau au niveau de mes études médicinales. »
Elle eut un sourire avant de poser les dossiers sur la petite valise qui contenait ses effets importants. Des souvenirs, surtout des souvenirs. La marine c’est des souvenirs, mais il y en a d’autres avant. Alors une fois qu’elle s’est présenté, elle s’éloigne, après avoir rompu les rangs, elle s’éloigne dans son uniforme de parade et on ne lui dit rien, parce qu’il n’y a rien à dire. Elle s’est portée volontaire pour la mission. Elle s’est portée volontaire pour pénétrer un enfer bien différent des guerres, de la famine et des carnages qu’elle a pu voir. C’est le carnage de son propre pays qu’elle va voir c’est l’idée qu’elle ne sera pas reçue en héros et qu’elle ne sera pas aimée pour son travail. Qu’importe, elle le fera quand même son travail. Parce qu’elle n’a rien d’un héros de toute façon. Elle a arrêté depuis longtemps d’être un héros. Au début elle voulait être le héros de son père, petite fille modèle toujours parfaite, elle voulait être le héros d’un homme qui ne la regardait pas. Mais elle ne comprenait pas à l’époque que son père n’avait pas besoin d’un héros, elle ne comprenait pas son amour et aujourd’hui encore cet homme qu’elle respectait tellement n’est plus qu’un étranger. Puis comme son père ne voulait pas de héros, elle tenta de devenir une héroïne, une héroïne pour sa mère, si malade, si détruite. Sa mère qui lui racontait des histoires sur son prénom sur son amour de la mer, sur le fait qu’elle était sa sirène. Sa mère qui ne parle plus maintenant. Parce que là aussi elle a échoué, elle n’a pas réussi à sauver sa mère de son cancer, et n’a pu que lancer les cendres au loin en regardant l’horizon les yeux remplis de larmes.
L’héroïne de son frère elle n’a jamais cherché à le devenir, parce qu’il n’avait pas besoin de héros, il avait besoin d’une princesse. Et ça elle avait sur le faire. Elle avait su le faire jusqu’à le détruire. Tout un monde détruit mais elle se tient droite et elle se bat. Elle n’a pas détruit son frère en soi, elle l’a juste jeté en pâture. Elle qui le traitait d’inhumain, elle regrette encore aujourd’hui. Après tout n’était-ce pas elle la fille inhumaine, elle qui n’avait pas compris la douleur de son père, et celle de son frère ? Elle s’était sentie tellement honteuse, tellement misérable, qu’elle avait pleuré encore plus, s’enfermant dans sa chambre étouffant ses cris et ses pleurs dans ses draps. Et le lendemain matin les yeux rouges et armé d’une volonté nouvelle, elle avait quitté la maison un instant le temps d’acheter de quoi faire un pacte. Drôle de pacte en soi, armée de plusieurs boites de coloration, elle était rentrée dans la maison avant de semer ses vêtements un peu au hasard et d’arriver en sous-vêtements dans sa chambre. Du haut de son mètre soixante elle se posa devant son frère avant de le serrer dans ses bras laissant son drôle d’attirail sur une commode. Des mots, de légères larmes et cette foutue détermination qui ne l’a jamais quittée, elle s’excuse, elle dialogue. Elle parle de la mort de sa mère, de l’éloignement de son père, parce qu’ils le savent tous les deux que ça arrivera, et ce jour là ils conclurent un drôle de pacte à l’aide de serment et de couleurs de cheveux. Des couleurs à peindre, des couleurs pour peindre cette vie qu’ils voyaient aujourd’hui en noir et blanc. Noir comme l’ambiance à la maison, blanc comme leur blondeur dérangeante et si pâle. Pas assez de couleur. Leur mère avait pris leur couleur, ils devaient en retrouver. Avec tendresse elle lui teignit les cheveux d’une couleur sanguine, tandis qu’avec révérence il lui avait coloré ses boucles d’un doux rose. «
Si je ne peux pas être ton héros, laisse-moi être au moins ton sourire. » C’était étrange mais ça ne s’expliquait pas. Une relation entre jumeaux ne s’expliquait pas, elle se vivait. Elle avait vécu la sienne. Ils avaient des chemins différents à présent, mais également le cœur apaisé des deux côtés. Le principal.
« Capitaine, vous devriez vous reposer. Demain nous plongeons.
- Bien major. »
Après un claqué de talons parfait et une main au niveau de la tempe, elle le regarde partir avant de baisser la main. Elle ne savait pas si elle avait changé, elle ne savait pas si dans le fond il n’y avait pas encore et toujours cette jeune fille qui voulait devenir forte pour le monde. Mais ce monde a changé, elle connait ses faiblesses, et elle connait celles des gens en face, elle sait observer et elle sait juger, le plus malheureux étant que malgré sa lucidité, elle est encore incapable de se pardonner les morts qu’elle a eu sur les bras, les gens qu’elle n’a pas pu sauver, sa mère n’étant que la première d’une longue liste. L’armée n’est pas un paradis, ce qu’elle a vu en voyageant n’avait rien de rêve. Elle a vu de quoi était capable l’homme, elle l’a vu et elle a décidé d’arranger ça. De toute façon elle voulait être médecin. Elle avait commencé pour sa mère, elle finit pour le monde. Téméraire, brave, elle s’est élancé dans les champs de bataille pour soigner les gens qu’elle pouvait sauver, elle s’est illustré par son honnêteté et sa droiture. Un modèle pour l’Amérique, un modèle comme tant d’autres soldats qui essayent de sauver le monde. Elle s’était jeté à corps perdu dans l’armée non pas pour suivre les traces de son père, ou de son frère, mais pour oublier. Elle devait s’occuper. Elle ne supportait plus l’amphithéâtre, encore moins l’hôpital ou elle travaillait en tant que stagiaire. L’armée avait été sa libération mais aussi sa cage. Fichée à vie. Ne jamais faire un faux pas, ne jamais hésiter, toujours foncer. C’était devenu son crédo. Elle courait après la vie comme d’autres courraient après leurs rêves. Il y avait bien longtemps qu’elle avait arrêté de rêver.
Attrapant sa valise, elle monta jusqu’à sa chambre, déposant les dossiers sur la commode, avant de se débarrasser de la veste de son uniforme. Bien vite le chemisier suivi et elle s’observa dans le miroir, à défaut de pouvoir se construire un caractère elle s’était construite un physique. Poitrine voluptueuse sans être gênante, membres fins et délicats, tout semble s’accorder, tout si ce n’est les deux tatouages qu’elle a. Le premier, elle l’a depuis longtemps. Une folie pour ses seize ans, il se trouve sur son bras droit un peu en dessous de l’épaule, et descendant jusqu’au coude. C’est le symbole de sa gémellité avec Khaless. Deux poissons entourant une rose. La symbolique est étrange, mais elle et son frère le comprenne sans problème. Le deuxième elle le fit avant d’entrer dans l’armée, il est sur son autre bras et on retrouve encore une fois ce fameux poisson cette fois-ci embrassant une amaryllis. Pour sa mère, pour la femme de sa vie. Deux symboliques, deux choses qu’elle n’oubliera jamais et qu’elle ne veut jamais oublier. On ne les voit pas souvent ses tatouages, souvent caché par l'uniforme, ils n'apparaissent que quand elle se trouve en civile, la demoiselle ayant un style vestimentaire bien a elle, mais qui la met en valeur bien sûr. Grande amoureuse de la mode, elle aborde souvent un style dit pin-up, appréciant les vêtements des années 70, tout comme elle aime marier différents genre pour obtenir quelque chose d'original. Parfois dans la lignée du steampunk, parfois dans le retro, elle est une marginale au niveau apparence et on aurait peine à croire qu'elle fait partie de l'armée une fois l'uniforme enlevé. Mais Calliste n'a jamais fait comme les gens de son âge semble-t-il, si son style vestimentaire diffère il en ait de même pour la musique qu'elle écoute. Ni rock, ni autres musiques de son temps pour elle, Calliste oscille entre musiques de film, classique et musiques d'ambiances. Elle l'avouera avec un peu de mal mais elle a peur de se retrouver dans les paroles des chansons, la musique ayant une forte influence sur elle.
Toujours décalée, elle ne se sent pas à sa place. Aujourd'hui encore même dans cette chambre d'hôtel, même avec le respect qu'on lui a montré elle ne se sent pas à sa place, elle irait même mal parfois. Elle ne se sent bien qu'avec son frère, et dans l'eau. L'eau sa seule et unique passion. Si la réincarnation est véridique, lors de sa prochaine vie, elle sera un poisson, et elle pourra enfin vivre sans se sentir à part. Cela ne vous étonnera d'ailleurs pas de savoir que son livre préféré est la petite sirène d'Andersen. C'est sans doute puéril de sa part, mais parfois elle aimerait bien être capable d'aimer aussi innocemment que la petite sirène. Mais une chose est sûr elle est capable de tout sacrifier pour le bonheur de l'être aimé, même sa vie. Malheureusement le grand amour n'a pas encore tapé à sa porte. Il n'y a que Khaless. De sa main manucurée elle touche son tatouage, celui des jumeaux et sourit. Cela fait longtemps qu’elle n’avait pas vu Khaless, mais elle n’a pas osé l’approcher. Que lui dire, qu’elle comprend, qu’elle est désolée. Non il n’y a rien à dire, juste des plaies à penser, mais le problème c’est que dans l’institut il y en aura d’autres qui auront besoin de soins, de plaies à penser, qu’elles soient physiques ou mentales. Alors elle se fera couturière des âmes en peine, elle essayera de toutes ses forces, jusqu’à ce que ça marche.
On n’a qu’une vie. Ne la gâchez pas.