L'automne. J'ai vraiment horreur de cette saison. Il fait bon & froid à la fois. On met un pull & une chemise en même temps. Une écharpe de temps à autre. On chope des rhumes. C'est le commencement de l'hiver & les feuilles des arbres tombent & finissent par se mêler à la boue & la pluie du sol pour faire du tout une vraie patinoire. & dégueulasser ses chaussures. Mais passons, j'en ai marre de râler, vivement qu'il y ait de la neige que je puisse aller skier un peu ! Portant une liasse de feuille sortie tout droit de la photocopieuse, j'observais ma montre une dernière fois. 18h50. Bon, j'avais le temps d'aller jusque l'auditorium déposer les partitions au prof de musique, avant de rendre mon tablier pour la journée.

Je traversais alors les couloirs, d'un pas tranquille jusqu'au lieu. J'observais à la fois le temps qu'il faisait dehors, mes iris fusillant du regard les nuages noirs, espérant que la pluie qui dégorgeait & se retrouvait fouettée contre les fenêtre de l'institut, s'estomperait lorsque je mettrais un pied dehors pour aller manger en ville. & puis ce n'est pas non plus comme si je n'avais pas de parapluie. Habillé d'une simple chemise & d'un pantalon costard, chaussure de cuir assortie, je me voyais mal tremper mes vêtements, me les geler par la même occasion & surtout, surtout !, ressembler à un chien mouillé, mes cheveux blonds ruisselants sur mon visage. La solution aurait bien été de manger là...Mais je mourrais d'envie d'un bon sandwich. & ce depuis ce midi.

Puis, comme si ça ne suffisait pas, un éclair jaillit dans le ciel & voilà que l'orage se mit à gronder. Mon pas ce veut alors plus pressé, j'aime l'orage, j'aime aussi énormément me remémorer des scènes d'horreurs de mes livres ou des films que j'ai vu dans ce genre de situation. Mais ça me mine le moral de savoir qu'avec ce temps dégueulasse je ne pourrais pas manger à l'extérieur. J'entre enfin dans l'amphi', il était temps. & le prof n'est pas là, quelle bonne surprise. & bien tant pis, si quelqu'un passe par ici avant demain matin, il aura le droit de connaitre les partitions avant tout le monde. Je descends les escaliers, puis dépose la liasse de feuille sur le devant de la scène.

Il y a de l'écho lorsque le cuir de mes chaussures se posent sur le plancher en bois de la gigantesque pièce. & une fois de plus l'orage tonne à l'extérieur. Les fenêtres ici ne sont que très mince, mais surtout elles sont parquées par les volets en extérieurs. Peut-être y avait-il un concert demain matin, ce pourquoi ses derniers étaient clos. Mais passons, j'observais ma montre. 19h00. A y'est ! Je n'avais plus qu'à ranger les dossiers qui trainaient sur mon bureau & j'étais libre comme...

" Aie ! No...non ! "

Voilà que je perds mon équilibre & que je dévale les escaliers en roulant, me protégeant le visage par réflexe. Je me stoppe au niveau des premières rangées, mon dos se cognant contre l'une des barres en fer qui tient en place les sièges. Puis je ne bouge plus, je garde les mains sur ma tête & me met en boule. Un tremblement de terre dévastateur que voilà ! Mais je n'ai pas le temps de faire des commentaires pour ma personne, car voilà le toit qui s'effondre, les murs de l'entrée également. Les lumières s'éteignent, coupure de courant. Puis d'un coup, tout s'arrête. Combien de temps s'est écoulé ? Une bonne heure pour moi, mais c'est tellement vague. J'entends des hurlements au loin, je me dis que je ferais bien d'en faire de même, mais la douleur qui me prend la colonne vertébrale m'en empêche.

" Il...Il y a quelqu'un !!? "

Ma respiration est courte, mais je reprends un peu contenance. De plus, il me semble avoir entendu un cri dans l'amphithéâtre également au même moment ou le tremblement a eu lieu. Mes yeux m'avais-je trompé en arrivant ici, me croyant seul ? Ou ce cri avait-il été le fruit de mon imagination ?

Les écouteurs plantés dans les oreilles, j'étais couchée sur mon lit. J'écoutais en boucle l'album qui était mon préféré quand ma vie était encore géniale. Les chansons qui avaient bercé mon enfance maintenant si lointaine ramenaient des souvenirs à la surface de ma mémoire. 

*Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore pas votre rêve.*

La conclusion de la chanson m'arracha une larme. Ça, c'était trop tard. Je ne me rappelai même pas avoir eu un rêve un jour, autre que sortir d'ici. 
Je venais d'avoir une séance de thérapie, aussi ennuyeuse qu'inutile puisque je n'avais pas prononcé le moindre son ni esquissé le moindre geste. 
Je me levai, toute habillée étant donné que c'était la fin de l'après-midi. Le dortoirs commençait à se remplir et je n'avais aucune intention de rester là à supporter tout ce bruit et surtout tout ce monde. 
Alors j'errai un moment dans les couloirs, écoutant d'une oreille distraite les bribes de conversations que je captai au passage. 
Mais même par bribes, ces conversations devenaient oppressante. J'avais besoin de sortir. De prendre l'air. Je finis par atteindre une porte de sortie. Sauf qu'il faisait froid. Et moche. Le ciel commençait à se couvrir. Alors je fis demi-tour. En passant devant une salle dans laquelle je n'étais encore jamais entrée, j'avais entendu quelques accords de piano avant. 
Alors je rebroussai chemin en direction de cette salle. La porte n'était pas verrouillée, je la poussai doucement. 
Il faisait sombre, les volets étaient fermés. J'étais en haut d'un auditorium. Je descendis les marches sur les côtés des sièges et avançai sur la scène. Un piano y trônait. Mais alors que je passai distraitement une main sur le couvercle qui protégeait les touches, me demandant si je serai encore capable d'en jouer, la porte grinça légèrement. J'eus juste le temps de me jeter sur la première rangée de sièges avant qu'une silhouette ne franchisse le seuil. 
J'espérais qu'avec le manque de luminosité et la distance, celui ou celle qui venait d'entrer ne m'avait pas vu. Et qu'il ou elle resterait en haut. 
Sauf que j'entendis nettement que la personne descendait les escaliers. Mon cœur battait la chamade. J'avais l'impression que le jeune homme, car c'était un homme au vu de ses chaussures qui crissaient à présent sur le devant de la scène pouvait entendre le battement précipité de mon cœur, ma respiration saccadée. Mais il ne sembla rien entendre puisqu'il tourna les talons et recommença à monter les marches. 
Mais tout à coup, le sol se mit a trembler. Je poussai un cri de douleur quand les sièges sous lesquels je m'étais cachée me tombèrent dessus. Puis les murs s'effondrèrent. Heureusement, les sièges qui me recouvraient me protégèrent des gravas.
La douleur surgit avec le silence. Aiguë. Le bord d'un dossier de chaise appuyait sur mon bras gauche. Diffusant des ondes de douleurs dans mon corps entier, il me clouait au sol plus efficacement qu'une armoire à glace ou un pro des arts martiaux n'y serait parvenu. 
Le silence. 
J'entendais bien quelques bruits de pierre, de cris, de plaintes. Mais ils paraissaient étouffés, trop lointains pour combler le gouffre que le noir et la solitude ouvraient lentement mais surement en moi. 
Des larmes se mirent à rouler doucement sur mes joues. La panique commençait vraiment à me gagner, et je me retenais de hurler, lorsque j'entendis une voix. 

" Il...Il y a quelqu'un !!? "

Je sursautai. L'effroi et la douleur laissèrent une fraction de seconde la place au soulagement avant de reprendre le dessus. S'il y avait quelqu'un ?
J'étais là. Même si je n'étais pas censée être là. Mais que m'importait une remontrance ? J'avais mal, j'avais peur, non, j'étais terrorisée. Alors je répondis d'une voix tremblante dont je maudis intérieurement le manque d'assurance et de portée :

- Je... je... suis là. Mais... je suis... coincée

Un sanglot étouffa mes paroles et je n'eus pas le courage de reprendre. Alors je me tus, laissant à nouveau la place au noir et à l'angoisse qui l'accompagnait. À cet instant, et à cet instant seulement, j'aurai donné n'importe quoi pour être au milieu d'une foule bruyante et animée.  

[Désolée pour l'attente, j'espère que ça conviendra]
*Emilie Jolie, chanson finale, de Philippe Chatel

Spoiler:

Non, je n'étais pas seul. Je le savais, parce que j'entendais -malgré le fait que quelques graviers & bout de plâtre tombaient encore maladroitement- que l'on bougeait pour se sortir d'un pétrin sans nom. Essayant de me relever, la douleur me tiraillant le dos, je réussissais à prendre sur moi, & à m'adosser contre...un bout de mur.

- Je... je... suis là. Mais... je suis... coincée

C'était une jeune femme. & le sanglot qu'elle poussa me revigora. Allez vieux, bouge tes fesses -enfin vieux, soyons bien d'accord, mon visage de poupon n'affiche pas encore une seule ride. Mais pourquoi je pense à ça maintenant ?- il faut sortir d'ici ! Poussant un cri de douleur dès que j'arrivais à me remettre sur mes jambes, voilà qu'à présent je ne voyais pas à 2 mètres. La poussière du plâtre n'était pas retombée. Ce qui me permit alors de me situer dans le temps. Au fond, cela ne faisait pas des heures que le séisme avait duré, mais bien quelques minutes à peine, sinon le plâtre serait déjà retombé.

" Parlez ! Que je puisse vous rejoindre ! "

Parce qu'il fallait tout de même que je la sorte de là si je le pouvais. Parce que j'avais trop bonne conscience. Parce que je devais être masochiste : Je me déplaçais au son de sa voix, du peu qu'elle pouvait parler &...je me cognais partout. Dans les ruines, contre les sièges tenant encore debout, me prenant les pieds dans ceux allongés au sol, dérapant sur la plâtre, me griffant les mains suivant les endroits que je touchais à tâtons...parce que la seule source de lumière qu'était la sortie de secours...venait aussi de nous lâcher, je n'avais pas d'autre moyen que de me déplacer de la sorte. Finissant à quatre pattes, voici que je touchais enfin quelque chose...de la demoiselle.

" Oh pardon ! Je crois bien que c'était vos...bref. "

Je reculais ma main, au moins, je l'avais trouvé. Bon, maintenant restait à savoir sous quoi elle était bloqué. Partant encore à tatillon, je finissais par trouver l'enquiquineur. Je soulevais alors le dossier du siège avec mal, puisque ce dernier était également bloqué, je parvenais au moins à laissais la jeune femme se dégager.

" Vous pouvez bouger le bras ? Rien de cassé, vous ne saignez pas ? "

Ce qui n'était pas mon cas. Mes mains étaient abimé & je sentais un truc couler dans mon dos, mais rien de bien méchant. La question qui se posait après ça était surtout : Mais après ?

J'entendis un cri de douleur, suivit de divers bruits et roulements de gravats. Il me demanda de parler. Mais je ne savais pas quoi lui dire. Je suis ici ? Complètement stupide. Plus à gauche ? Ça aurait eu un sens si je savais où il était. Sauf que pas de réponse est déjà une réponse en soit. Alors je pris une grande inspiration. Mais au lieu de parler, je me mis à tousser violemment à cause de la poussière que je venais d'avaler. Cela dû tout de même lui suffire puisque je sentis une main sur moi. Il s'excusa piteusement alors qu'un réflexe complétante stupide m'ordonna de reculer subitement, m'arrachant une grimace de douleur.  Je l'entendis s'affairer avant que le poids qui m'écrasait ne se relâche juste assez pour que je puisse glisser hors de ma cachette. Je pris appui sur mon bras valide pour me redresser tant bien que mal, avant de jeter un regard à celui qui venait de me sauver la mise. Je balbutiai un "merci" qu'il je sembla pas entendre. Je ne distinguai pas grand chose dans l'obscurité ambiante. C'était un adulte, clairement plus âgé que moi, même s'il était loin d'être vieux pour autant. 
Il me demanda comment je me portai, ce qui me poussa à me détailler moi plutôt que de le lorgner. J'étais couverte de poussière et d'égratignures. Une méchante estafilade qui demanderait probablement à être recousue barrait ma cuisse. Mon bras gauche était en compote et m'élançait terriblement, quoi que je ne sentais presque plus mes doigts. Mais je n'avais pas envie de l'embêter avec ça et de toute façon, il ne pouvait pas faire grand chose pour moi. Alors je me penchai, réprimant la nausée qui me vint lorsque je bougeai mon bras, et attrapai ma jaquette qui trainait par terre. Je la nouai maladroitement autour de mon épaule avant de coincer mon bras dedans, réprimant un cri de douleur. Je remarquai alors que je n'avais pas répondu à sa question alors j'ouvris la bouche :

- Euh, ça ira, merci. Et t... vous ?

Le vouvoiement sortit comme un inconnu de la bouche. Nous venions de frôler la mort ou en tout cas l'accident grave dans la même pièce et je le vouvoyais ? Toutefois, c'était mon devoir, alors je n'ajoutai rien de plus, même si une réplique me brulait les lèvres :

*Et au point où on en est, je peux vous tutoyer ? Moi c'est Lana.*

Sauf qu'une fois de plus, je ne dis rien. J'avais aussi ma petite idée pour la suite des événements, mais pour cela, il aurait fallut que je m'affiche et même face à un inconnu dans une situation exceptionnelle, je ne pouvais le faire. Je pensais très fort les mots, j'ouvrais la bouche, je faisais un son. Mais ça s'arrêtait là. Impossible de faire sortir les mots qui tournoyaient en boucle dans mon esprit. 

[Encore désolée pour l'attente, j'espère que ça ira...]

Alors que je l'aidais à sortir de son piège, je l'entendais bien crier dans mon oreille, toute douleur, mais également le soulagement qu'elle avait d'avoir un bras plus ou moins libéré. Relâchant son bourreau qui, j'eus l'impression, manqua de m'écraser le pied, j'entendais enfin le son de sa voix. Moi ça allait. De toute façon, nous étions dans la même situation désastreuse...& le même état semblait-il.

"Je vais bien merci."

Poussant un soupire de soulagement, mon oreille se tendait alors en direction de l'extérieur. Aucun bruit. Les cris de toute à l'heure s'étaient estompés, puis tut. Nous étions seul. Pour le moment. Du moins c'est ce que j'espérais. Au fond, tant que mon splendide visage n'avait rien...malgré surement une petite égratignure à l'arcade...

" Je suis le secrétaire, comment t'appelles-tu ?"

Cela me stressait un peu, je connaissais quelques dossiers d'élèves féminins & j’espérais ne pas être tombé sur une dépressive ou une suicidaire...Mais j'avais aussi besoin de savoir, pour...l'uniformité. Oui aucun rapport mais j'aimais savoir à qui j'avais affaire & qui sait, savoir avec qui je risquais de me faire enterrer vivant !!! Relax Isaac, ce n'est pas le moment...de paniquer.

M'installant correctement, aucune source de lumière ne pouvait nous indiquer une pseudo sortie. Puis je sentis quelques gouttes d'eau perler sur mon bras. Il pleuvait à torrent dehors, pas étonnant que nous soyons, en plus de la poussière, trempé sous un tas de gravât. & donc...dégueulasses.

"Nous allons devoir attendre de l'aide. Ça ira d'ici là ? Il va falloir parler pour nous occuper..."

Sauf que...je n'avais aucune idée. Lui parler de ma vie, mes passions...c'était tellement barbant...alors ne restait qu'un seul sujet. & oui, je ne suis pas fou : elle.

" Alors, qu'est ce qui t'a amené...à Teenagers ? Tentative de suicide, vol...drogue ? Autres...? Moi...moi c'est juste que je cherchais un job. Rien de bien extraordinaire en fait. J'ai jamais rien fais de mal dans ma vie en fait...c'est...censé être bien non ? "

& pourquoi est-ce que je me remets en question moi ? C'est pas parce que t'es entouré de jeune délinquant...que tu ne supportes pas, que tu dois penser que de n'avoir rien fais de mal dans sa vie c'est être un nul ! & voilà que je me parle à moi même...la bonne blague...

[ Je suis pire que toi coté retard. x_x ]

[Pas de problème, juste que j'en ai oublié mon idée, mais on trouvera autre chose...]

Il allait bien, enfin, s'il ce mot avait la même signification pour lui que pour moi, il était tout de même en mauvais état. Puis il me demanda mon nom après s'être présenté lui aussi, prénom que je lui offrit. 
- Je m'appelle Lana, enfin, Ilana Norwen..
Une lettre. Une seule lettre pouvait-elle changer mon prénom en surnom ? Il y avait plusieurs raisons à ce surnom apparemment pas suffisamment différent de mon prénom pour en être un. Premièrement, cette expression. Mettre les points sur les i. Ce qui sous-entend autorité, rigueur, et tout ce qui va avec. Une raison suffisante pour oublier le i de mon nom.
Ensuite, le plaisir que j'avais à faire des points en forme de tout et n'importe quoi petite, alors que les autres enfants n'arrivaient pas à écrire leurs noms compliqués qui comportaient des s, des g, des k ou encore des e. Ce plaisir autrefois qui me rendait mélancolique. Comme si j'avais besoin de ça. 
Et finalement, ce désir, puissant, de me démarquer de ce que mes parents voulaient pour moi. Ils voulaient que je me nomme Ilana, et bien ce ne serait pas le cas. Et pourtant, changer complètement de nom était trop difficile, je m'y étais habituée, en une quinzaine d'années, tout de même. Alors voilà. Semblable mais différent. 
Dans le noir et le silence de la pièce, le secrétaire, dont je ne connaissais toujours pas le nom, semblait avoir réfléchi, lui aussi. Il s'était assit. Je remarquais alors qu'il pleuvait. Comme s'il ne nous manquait que ça ! Il se mît à parler. Et je ne réagis pas. Parce que ces paroles m'avaient rappelé que j'étais seule dans une pièce sombre, avec un homme inconnu et l'impossibilité de sortir. Non, je n'avais pas peur qu'il m'agresse, mais c'était plus fort que moi. Je ne supportais pas la présence des gens de trop près, tout comme je n'aimais pas être enfermée, et encore moins dans le noir. Je reculai d'un pas, par réflexe, lorsqu'il reprit la parole.
Pourquoi étais-je ici ? Pour tout ce qu'il avait énuméré, et tant d'autres choses. Mais pouvais-je parler avec désinvolture de... tout ça, de ma vie de mon histoire ? 
Je ne répondis pas immédiatement. Je fis un autre pas en arrière, mais mon talon buta contre une brique et je m'assis dessus. C'était une mauvaise idée, ma cuisse, qui saignait moins un instant plus tôt s'était remise à couleur. Je pressais ma main valide dessus tout en réfléchissant.
En tentant de réfléchir.
Parce que mon cœur battait la chamade et mon souffle était court, parce que j'étais morte de trouille, glacée de peur et que je mourrais d'envies de prendre mes jambes à mon cou, parce que j'avais impérativement besoin de lumière, parce que mes yeux pleuraient maintenant, seulement à cause de la poussière, tentais-je de me persuader, parce que je ne savais pas quoi dire. Je ne pouvais pas mentir. Mais la vérité était trop dure à prononcer. 
Je traçais quelques lignes dans la poussière sur le sol à côté de moi. Il faisait sombre et je ne voyais pas les mots que j'avais écrits, mais ce type de poésie est seulement faite pour être écrite. 

Mensonge ou vérité
Abandon ou lutte
Choix douloureux

Comme par magie, je me remis à respirer presque normalement, même si la poussière m'en empêchait un peu. Je choisis de lui répondre. Parce que ça devait faire deux minutes qu'il attendait la réponse et parce qu'il avait raison. Nous n'avions rien d'autre à faire. 

- Je ne sais pas si c'est censé être bien, mais tant que ça vous convient... Je..
...me tus le temps de réfléchir une dernière fois. Devais-je vraiment tout lui dire ? Pouvais-je vraiment tout lui dire ? N'en ferait-il pas un sujet de rigolade une fois sortit d'ici, autour d'une tasse de café, entre "adultes" ? *Vous savez, pendant le séisme, je me suis retrouvé coincée avec une fille. Mais alors celle-là, qu'est-ce qu'elle pouvait être timbrée !* Em vérité, je n'en savais rien. Ce secrétaire pouvait être un type adorable comme un gros sadique, je ne le savais pas. Tout ce que je savais, c'était que si le silence continuait à peser comme ça, moi j'allai me mettre à hurler. Alors je repris la parole, pour le briser.
- Je... je pense que si on n'a jamais rien fait de mal, on peut pas savoir ce que c'est, et si on ne sait pas ce qu'est le mal, on ne peut pas savoir ce qu'est le bien, puisque c'est juste une question d'équilibre. Et moi, si je suis ici, c'est parce que mon équilibre a basculé du mauvais côté. À cause de tout ce que vous avez dit, la drogue, le vol, une tentative de suicide et d'autres choses... Enfin, la drogue, c'est elle qui a tué ma mère, moi je n'y ai jam...
Je m'arrêtai encore. J'avais peut-être brisé le silence, mais il s'était brisé en éclats tranchants qui étaient venus se planter dans ma poitrine et dans mon âme, juste là où j'essayais de me mentir à moi-même en me disant que non, je n'avais pas mal. Alors je ne dis plus rien. Les larmes coulaient toujours sur mes joues même s'il n'y avait plus de poussière et pas assez de pluie pour que je puisse prétendre à de la simple eau...

[ Désolé x_x mais je n'ai pas vraiment eu de temps à consacrer aux rp's ses derniers mois... ]

Ilana Norwen...son nom me disait quelque chose, mais sans plus. Un dossier que j'avais surement survolé, comme la plupart des dossiers que je finissais par juger banal. Un dossier d'élève n'était jamais banal ici à Teenagers, mais j'avais du me persuader qu'un élève qui n'avait pas d’antécédent réellement gravissime ne pouvait être que banal. & mon cerveau avait encore bien du mal à assimiler la chose...personne n'était normal ici, pas même les professeurs & les surveillants. Pas même la directrice. Il y avait des jours ou je me disais que j'étais trop normal pour l'être justement. Spirale infernale, je me redonnais mal au crane rien que de penser de la sorte. Mais le silence planait entre nous deux, ce qui n'arrangeait pas le fait que je pensais trop vite, de trop de choses, en même temps & sur une trop courte durée ! Mais enfin Ilana parlait à nouveau, avec énigme. Je comprenais que ce n'était pas évident pour tout le monde ici que de parler de soi, de son passé & des bêtises que l'on avait faites pour avoir fini ici, mais cette demoiselle s'en sortait plutôt bien.

" Relaxe toi Ilana. Ou Lana si tu m'y autorise ? Je ne te fais pas subir un interrogatoire, & puis j'ai accès aux dossiers de tout les élèves, si vraiment je voulais savoir des choses j'irais le lire après. Ce qui n'est pas mon cas. Enfin...j'ai lu beaucoup de dossiers, mais si tu ne m'as pas marqué, alors c'est que tu es quelqu'un de bien qui a de l'avenir devant soi. "

Je le disais sincèrement, parce que dans un sens, je le pensais. Beaucoup d'élèves ici n'avaient pratiquement rien fait, ou même si le dossier était long, s'il s'agissait de petits délits -bien que toujours énorme à mes yeux- ses jeunes là avaient plus de chance que d'autres du pensionnat pour relever la tête hors de l'eau. Enfin, tout le monde a le droit à une seconde chance, c'était mal pour ma part de penser de a sorte ! Mais passons, mon estomac commençait à crier famine pour une raison des plus incongrue. Comme si, après m'être pourtant enfilé deux entrecôtes & deux bonnes assiettes de pomme de terre, je pouvais encore avoir faim, en cette soirée ? Bon ok : Coup d'adrénaline poussé à bloc & puis...il devait bien être...Oh & puis on s'en fichait de l'heure, je ne mangeais jamais le soir & donc en toute logique, je ne devais pas avoir faim !

" Oh, tu peux m'appeler Isaac au fait. On ne se voit pas actuellement &...on est un peu dans une situation...malsaine...mais même après ça, tu pourras m'appeler par mon prénom ! Je trouve que monsieur ça fait vieux...& je ne suis pas vieux ! "

& je divaguais. Mon pauvre vieux, je sais qu'il fallait parler mais dire tout & n'importe quoi n'était peut-être pas la situation la plus adapté ! Trouvant alors une position confortable -enfin si vous pouvez appeler un bout de mur confortable- c'est à l'affut de tout bruit extérieur, mais également en continuant de parler, que j'essayais de faire connaissance avec Ilana.

" J'espère que tu sortiras vite de ce pensionnat Ilana. Du peu que tu m'en as parlé, je doute que tu ais réellement fait quelque chose de mal. Bon la tentative de suicide, c'est bien un truc que je ne comprends pas, parce qu'il y a tellement à voir & apprendre dans ce monde que...enfin après c'est mon avis, tout le monde ne la partage pas c'est vrai. Moi j'ai rien fais de mal dans ma vie, bien qu'une fois ce n'est pas l'envie qui m'ait manqué. & sinon tu as peur du noir ? Vu qu'on est dans le noir je ne t'ai même pas demandé ! & on a pas un seul jet de lumière...Okay...je suis un peu inutile sur ce coup là aussi..."

& complètement débile à parler de la sorte. Comme si elle en avait quelque chose à faire. Trouver autre chose, trouver autre chose...mon cerveau n'a pas envie de penser, c'est indéniable. Je touche alors mon visage par réflexe pour revérifier que je n'ai rien de bien grave, vu que ma tempe me fait mal, mais je tartine plus de poussière mélangé à de l'eau sur ma peau qu'autre chose...

" Tu sais...même si c'est pas cool d'être ici...au fond je suis content d'être avec toi. Je ne vois pas du tout à quoi tu ressembles, mais tu as une jolie voix &...tu n'as pas un passé gravissime comme je te l'ai expliqué. Je ne suis pas à l'aise avec les pensionnaires de Teen'. Beaucoup me font peur..."

& toi t'es obligé de dire ça à une nenette que tu ne connais ni d’Ève, ni d'Adam. Ah bah bravo l'artiste !

Je levai la main valide pour m'essuyer les yeux, mais je ne fis que me mettre de la poussière dans les yeux, ce qui fit redoubler mes larmes. J'aurais aimé réussir à me persuader que je je pleurais qu'à cause de ça, la poussière qui m'irritait la cornée. Mais au fond de moi, je savais que c'était faux. J'étais juste morte de trouille.  Je ne supportais pas ce noir étouffant. J'avais terriblement besoin de lumière, même juste d'une lueur. 
Il faisait noir le soir où ma mère est morte. Il faisait noir lors de ma première fugue. Il faisait noir quand j'ai acheté mon arme. Il faisait noir quand j'ai braqué la banque. Il faisait noir lorsque j'ai appuyé sur la détente. Il faisait noir dans ma cellule. Et il faisait noir à présent.
J'aurais tout donné pour un peu de lumière. Mais je n'avais pas mon portable avec moi, et la nuit n'en était probablement qu'à ses débuts, elle allait donc durer encore longtemps. Le secrétaire me réconforta, mais je ne fis qu'entendre ses mots. Je ne les écoutais pas. Ils me glissaient dessus, comme tant de gouttes d'eau, si proche de moi et pourtant insaisissables.
"quelqu'un de bien qui a de l'avenir devant soi"
Je sentais sa voix sincère, c'était un truc, une petite intonation, une accentuation, une vibration, ce "truc" qui change une vérité en mensonge. J'avais appris ça, à force de côtoyer des hypocrites et menteurs. J'étais touchée par ses mots et leur sincérité innocente. Il y croyait, vraiment. Et moi, je me sentais coupable de ne pas réussir à y croire avec autant de conviction. Oh, ce n'était pas que je ne voulais pas, bien au contraire, mais je ne pouvais pas. Retourner dans le monde dit "normal", probablement en foyer vu que j'étais mineure, aller à l'école, se lever tous les matins, bref, vivre une petite vie d'adolescente banale. Et comment ? Oui, peut-être que j'en étais capable. Capable d'intérioriser, capable de me taire, capable de faire semblant. Semblant que tout va bien.
Alors il s'appelait Isaac. Il disait n'être pas âgé, et à sa voix, je lui donnais environ vingt-cinq ans. Il était jeune pour le poste qu'il occupait, mais d'un autre côté, étant loin d'avoir fini mes études, je ne savais pas vraiment le temps qu'il fallait pour ça. 
Je fermai les yeux alors qu'il se remettait à parler. Ça ne changeait rien vu qu'il faisait aussi noir que dans un four, mais de cette façon, j'avais l'impression que ça laissait plus de place à mon ouïe et mon sens du toucher.  Il se remit à parler de ma sortie. Mais je n'étais pas ici depuis un mois, alors je n'étais pas prête de sortir. Quand à la tentative de suicide... Je ne me sentais pas la force d'en expliquer la raison, mais s'il s'arrêtait sur sa lancée et m'en laissait le temps, alors peut-être que je trouverai les mots. Ma peur du noir ? C'était une blague ? Non, bien sûr, il n'en savait rien, ne pouvait pas savoir. Quand à lui, il avait peur de mes "camarades". Et bien, ça nous faisait un point commun.
Il avait finit de parler. Et ne semblait pas prêt de recommencer. C'était mon tour. À moi de briser à nouveau le silence, sous peine que ces éclats ne me blessent encore. Alors je me mis à parler, d'abord avec le plus d'assurance possible, toute celle que je parvenais à rassembler, puis de plus en plus faiblement. Mais vu qu'il n'y avait aucun autre bruit, exceptées nos respirations, cela n'avais aucune importance. 

[indigo]- Appelle -moi Lana, alors. Et désolée de te décevoir, mais je viens d'arriver, alors je ne risque pas de sortir de sitôt.  Oui, j'ai peur du noir, je suis morte de trouille, et je crois que si on arrête de parler, je vais me mettre à hurler, parce qu'en plus, on est enfermés, et ça non plus, je ne le supporte pas. Ça peut paraître ridicule, mais c'est juste qu'il faisait noir lorsque les pires trucs de la vie me sont arrivés, alors maintenant, je ne supporte plus le noir, j'ai l'impression qu'il va encore m'arriver un truc. Et toi, ça te fait quelque chose, le noir ? Tu as peur des pensionnaires ? Et bien sache que tu n'es pas le seul. Ils m'effrayent tout autant que toi. Mais ce n'est pas leur faute, c'est juste que je ne supporte que difficilement les gens lorsqu'ils sont plus qu'un ou deux. Ou lorsqu'ils sont autoritaires, hypocrites, injustes ou autre.  Quand à mon histoire... Dans mon dossier, tu n'as dû lire, ou tu ne liras, que les notes de mes psys, de mon juge et de mon assistante sociale. Alors je vais te donner ma version, le plus fidèlement possible. Mais d'abord, il faut que tu me jures que tu ne te retiendras pas de dire ce que tu en penses vraiment, que ton attitude ne changeras pas, de même que ton regard sur moi, même si je sais bien que tu ne me vois pas, parce que je ne supporte pas quand on me ment en croyant que je ne le remarque pas, ce qui m'oblige à mentir aussi ou à passer pour une gamine insolente. Alors, tu promets ? Ah, et... Désolée du tutoiement, c'est venu tout seul. Je vous vouvoie, si vous voulez...[/color]