Karl guettait. Si Ludovic arrivait, c'était la mort. Pas qu'il le détestait, mais sa présence le faisait tourner chèvre. Il en était même venu à parler dans un allemand imbuvable à ses patients tant le très jeune homme lui faisait tourner les sens. Mais ce jour-là, il ne daignait pas ramener ses fesses - que Ludovic trouvait d'ailleurs awesomes. -

Le blond s'avança en terrain conquis. L'odeur du latex & des anticeptiques, un vrai bonheur mes amis, un vrai bonheur. Il pouvait même manger des chips sans l'intervention musclée de qui que ce soit pour lui en " taxer.". Le cul vissé sur une chaise à roulettes et ses rangers posées sur son bureau, il dévorait en regardant distraitement par la fenêtre. S'il avait du temps et moins de "clients", il partirait courir un moment aujourd'hui. Le sport lui manquait atrocement, il devait rester enfermé dans cette infirmerie à manger des conneries. Beurk. La médecine militaire était tout de même préférable. Et il fallait aussi dire que les hurlements des supérieurs sur les plus jeunes lui manquaient, ainsi que l'ordre impeccable qui régnait dans les régiments.

Mais que voulez vous, il avait dû tout quitter, et reprendre une autre vie. Et les délinquants avaient malgré tout besoin d'encadrement. Le visage fermé, Karl mangeait chaque chips d'un air très concentré, perdu dans ses pensées. Il jeta distraitement le paquet et fixa ses pieds sur le bureau. Il avait pris de sales manies depuis son départ de l'armée, c'était un peu la bonne franquette. Tant pis. Il laisserait Ludovic brailler sur les marques de pompes sur ses documents officiels ( ou non d'ailleurs, et puis mieux valait ne pas lire. ) Même s'il craignait son côté grande folle, c'était ce même côté qu'il s'amusait a faire ressortir par tout les moyens. Les hommes gays étaient vraiment les meilleurs. Mais bref.

Il était là, tranquille lorsqu'une voix brailla. Sans féminité aucune, un peu comme une guerrière valkyrie fraichement revenue de son Valhala. Un peu comme les allemandes au lit. Il bougea du bureau, allant ouvrir la porte, toujours d'un calme olympien. Il ne souriait pas mais ne tirait pas non plus la gueule. Impassible Karl. Un sourcil se leva lentement devant la jolie jeune fille qu'il avait pensé être une sorte de grosse mama, type dame de la cantine fraichement coupée en faisant les carottes rapées pour ce midi.

" L'immense postérieur de notre ami Ludwig n'est actuellement pas présent, je peux vous aider ? " Dit-il d'un ton monocorde, baissant la tête pour observer le visage de la jeune femme qu'il reconnut vaguement; elle travaillait dans l'établissement aussi.

Cette petite pile sur pattes était amusante. Il aimait ces personnes vivantes, piquantes, qui donnaient un peu d'animation autre qu'un " gros c** j'ai pas envie de venir te voir j'vais bien avec mes 4 bras cassés et mes 36 bleus sur le ventre ". Karl laissa un léger sourire naître sur ses lèvres. Oui il pouvait l'aider, et elle avait un soucis. Elle était tombée dans les escaliers, et était manifestement assez consciente sur les risques de la malade.

Heureusement, elle serait déjà morte sinon. Qu'il devait être énervant d'être une assistée pour une femme comme elle. Il se poussa, la laissa entrer et se concentra une seconde avant de l'asseoir sur une chaise. Il n'allait pas la considérer comme une autre, mais il était sûr qu'il allait l'ennuyer dès qu'elle se présenterait. Il ne fallait rien laisser de côté, c'était professionel, elle le savait. L'allemand se pencha et attrapa la jambe de la femme electrique.

" Alors comme ça Cendrillon est insensible ? "

Il lui ôta sa chaussure lentement, pas spécialement envie d'aggraver la situation, si situation grave il y avait. Son humour n'était peut-être pas le meilleur du monde mais il n'avait pas pitié. Il prennait la chose telle qu'elle était. Il palpa un moment la cheville de la jeune femme et constata que le gonflement musculaire n'était pas plus grave que celui d'une légère entorse. Alors allez dire à une analgésique congénitale de se promener en béquille quand elle n'en ressent pas le besoin ?

" Je vais te mettre un strap, ça bloqueras les mouvements que tu ne dois pas faire, au moins ça ira vite à la guérison, et non, ce n'est pas cassé. " Il parlait toujours de son ton impassible, puis leva ses yeux clairs vers les siens, toujours a genoux devant la pseudo princesse vicking.

" Tu es Analgésique Congénitale, pas myopathe, comment tu as fait pour tomber ? Oublié de marcher " Demanda t-il avec un léger sourire, une lueur dans les yeux qu'il n'avait pas avant.

L'intention n'était pas méchante, mais il la vannait. Au moins, c'était franc, c'était d'égal à égal. Et c'était naturel.

Que demander de plus?

Karl l'écoutait remuer. Au moins elle n'était pas du genre depressive. Il se redressa après avoir entendu de jolies menaces et lui adressa un gentil sourire, au fond il était toujours au travail, il n'était pas là pour plaisanter, mais elle était amusante.

" Pas aujourd'hui, je ne suis pas d'humeur à me faire casser la figure. " Disait-il en palpant ses bras, tout du long, consciencieux. Il était très bon médecin.

A vrai dire il était chirurgien, dans la reconstruction. Et avait complétement changé de voix. Il avait aimé la médecine militaire, s'était re spécialisé, puis avait finalement choisi autre chose. Toujours dans le but d'aider autrui, si c'était pas mignon ? Il était donc bien plus qu'un infirmier, mais chut. C'était sa vie, et personne ne la connaissait, encore heureux d'ailleurs. Heureusement pour elle, la collègue de Karl n'avait rien.

" Vous n'avez rien là non plus. " Ajouta t-il d'un ton paisible. Un petit tour au niveau des genoux au cas où, puis il alla chercher les straps pour lui entourer solidement la cheville, l'air concentré. Il comptait bien la serrer, histoire de ne pas la voir gambader le lendemain avec le strap dans le lit.

Le blond termina ses examens puis s'assit face à la jeune femme.

" J'aimerais avoir votre dossier médical, si c'est possible, et comme ça nous pourrons voir un peu plus en approfondi quelles précautions j'aurais à prendre avec vous, car là, je suis un peu pris de court, j'aimerais pouvoir être efficace. Avec tout le monde. " Il était de nouveau très sérieux.

Karl se caressa le menton une seconde, regardant encore par la fenêtre. Cette drôle de maladie dont on ne décelait pas tout les symptômes, exceptés ceux visibles, était un bel obstacle.

" Vous me semblez cependant en bonne santé alors je vous fait confiance. " Ajouta t-il avec un air entendu.

" Cendrillon. "

Karl chercha le dossier tranquillement, fouillant dans les étagères de ce très cher, oh so dear, Ludovic. La moitié des noms avaient droit à des annotations griffonnées en allemand. Le gros paquet là. Effectivement, c'était elle. Il l'ouvrit et lu en diagonales quelques informations. Il comptait bien l'engloutir, comme celui de tout ses autres patients. Il n'était pas du genre à laisser les détails de côté, un dossier médical était important, en particulier dans ce genre de cas. En regardant la blonde en coin il remarqua un drôle de tatouage dans dos. Elle était quand même un peu frappée. Et il était quasi sûr qu'elle était amatrice d'alcool. Malheureusement elle ne devait pas sentir les problèmes arriver. Ou peut-être que si. Comment se mettre à sa place ?

D'habitude, l'analgésie congénitale entraînait un retard mental, l'apprentissage de la vie en était modifié, mais là il n'y avait rien d'étrange. Quelques problèmes de foie, de reins, normal. De nombreuses, trop nombreuses fractures. Il imaginait la pauvre demoiselle allongée dans un lit, immobilisée de force, sans trop comprendre pourquoi. Ni pouvoir comprendre les hurlements de douleur des autres, leur air véxé quand on les attrapait trop fort par le poignet. Comment gérer sa force quand on en connaissait pas les effets? Autant de question qui se posaient en lui, mais il n'osait rien demander, de peur de paraître impoli.

" Très..." Elle était déjà rhabillée.

Comme si rien ne s'était passé. Drôle de madame que voilà. Andrews. Tiens, après coup, comment ne pas avoir capté avant. Kyllian... Le jeune cas social qu'il connaissait déjà. Il l'aimait beaucoup ce gosse. Et vu le caractère de la Kaladrielle, aucun doute sur un lien de parenté.

" Je me disais bien aussi, Andrews. Vous vous ressemblez un peu tout les deux. Ou alors c'est fortuite ... mais je ne pense pas. Vous êtes venue le surveiller ? "

Comme c'était mignon. Il tourna quelques pages, réfléchissant à Kylian. Cher gamin, ça faisait un moment qu'il ne l'avait pas vu, un peu plus et il irait le chercher, enfin plutôt passer à côté et vérifier d'un regard si tout allait bien.

" Enfin je ne vais pas vous retenir vous avez l'air pressée de partir "