Et voilà. Déjà deux jours qu'Isabella était dans cet institut, deux jours qu'elle avait débarqué là, alors qu'elle ne le voulait qu'à moitié. D'un côté, qui l'aurait voulu ? C'était bien souvent la décision du juge qui menait les adolescents dans de tels endroits, ils n'y allaient pas de leur propre grès... C'était débile, sauf si vraiment, vraiment, ils avaient un problème grave et qu'ils savaient qu'ils ne pourraient pas faire autrement pour continuer à vivre, et sans doute certains, au mental étrange, pensaient qu'ils pourraient "guérir" ici... Enfin, pour la jeune fille, c'était tout simplement complètement incongru : cet endroit n'était pas franchement normal, puisqu'il n'y avait que des jeunes "méchants" qui y venaient, ce n'était donc pas un environnement propice à la gentillesse, loin de la déchéance des gens... Au contraire. Comment pouvait-on guérir de quoi que ce fût dans un endroit où rien n'était comme notre environnement d'origine ? Comme si être enfermé ne rendait pas fou, mais révélait plutôt la beauté du monde... La jeune femme avait envie de dire "Mes fesses aussi". Et chose était qu'après sa petite visite du Cimetière, Za avait décidé d'explorer un peu cette école, puisqu'aussitôt arrivée, elle était partie dans la ville sans rien demander de plus. Elle était donc passée dans les différentes ailes et étages de l'établissement, flânant au grès des couloirs froids et indifférents...

Finalement, elle avait décidé d'aller courir. Elle aimait courir, car elle avait enfin l'impression de vivre pour elle-même, et lorsque son souffle devenait rauque et qu'elle commençait à manquer d'air, elle souriait toujours, et allait plus loin, juste pour le plaisir de tester ses limites et de les dépasser, toujours. Ainsi, elle était allée jusqu'à son dortoir pour récupérer ses affaires de sport et s'était changée rapidement. Sa nouvelle tenue était une robe-short noire, avec un débardeur aux bretelles larges et d'un rose pâle. Elle avait noué solidement son immense tignasse blonde en une haute queue de cheval pour ne pas qu'elle la gênât et s'était lancée. Par où pouvait-elle donc partir ? Elle était passée devant la piscine, s'était baladée dans l'Oasis avant de se diriger vers les jardins, pour sentir un peu plus l'odeur de la Nature. Nature dans laquelle elle n'avait jamais été vraiment immergée, sauf la mer, en réalité. Venise n'est pas vraiment connue pour sa végétation luxuriante, c'était un fait, et si la jeune fille était partie une fois avec son père à la montagne, ce n'étaient que des paysages hivernaux et désolés qu'elle avait pu croiser, à son plus grand regret.

Soupirant légèrement, courant toujours, Za regardait autour d'elle. Il y avait tout de même assez de monde, dans ces jardins, et elle sentait son corps qui commençait à fatiguer du parcours qu'elle venait de faire. Elle décida alors, une fois n'est pas coutume, de s'arrêter de courir pour marcher tranquillement. Ses épaules découvertes suintaient légèrement, alors que quelques gouttes de sueur perlaient sur son front. Souriante, elle avançait d'un pas décidé, sans pourtant savoir exactement où elle allait. Passant dans un petit chemin, assez fréquenté mais pas non plus blindé, elle vit là, un jeune homme avec une larme qui coulait sur sa joue. Fronçant légèrement les sourcils, la jeune fille le détailla un instant, appréciant son physique assez remarquable et qui lui plaisait, de surcroit, avant de décider de l'aborder...

- Vous allez bien ? Vous avez besoin de quelque chose ?

Souriante d'abord, les lèvres d'Isabella glissèrent plus vers l'expression indifférente, voire presque agacée, lorsqu'elle vit que le jeune homme était presque hébété, et qu'il ne semblait pas saisir qu'elle lui parlait. Fronçant les sourcils, pourtant Za resta là, alors qu'elle l'aurait laissé tranquille, finalement, s'il n'avait pas envie de répondre. Mais voilà, il avait répondu, juste au moment où elle avait voulu partir. Surprise, la jeune Italienne vit aussi que son accent n'était pas américain, à ce garçon. D'un côté, il n'avait pas le profil de l'américain moyen comme elle le voyait. Sans doute d'ailleurs avait-elle dans la tête le profil type, le stéréotype de l'américain européen, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Cela semblait tellement normal... Il n'y avait que certains acteurs qui n'étaient pas énormes, et encore, la plupart étaient toujours retouchés, dans les films. Comme elle ne regardait pas, ou alors vraiment par pur hasard, les magasines people, elle n'avait aucune idée de à quoi il pouvaient ressembler réellement, mais elle s'en fichait. Elle savait juste qu'ils étaient refaits. Mais pas elle. Elle, c'était du cent pour cent naturel, rien de refait ni de retouché, même sur les photos. Non, elle s'assumait.

Mais elle coupa court à ces réflexions qui n'avaient pas vraiment lieu d'être pour détailler un peu plus le garçon. Il était typé asiatique, c'était certain, pas très grand, par rapport aux européens, c'était certain. Mais ce n'était pas la même constitution ni la même nourriture, non plus, après tout. Ses yeux verts glissèrent sur son style vestimentaire, n'en retenant rien de particulier, avant de revenir dans les yeux du garçon. Penchant légèrement la tête sur le côté, Za observa la trace que la larme avait tracée sur la joue du jeune homme, avant de soupirer légèrement. Au début, elle avait aussi pensé qu'elle s'était mal exprimée en anglais, mais en repassant sa phrase dans sa tête, elle n'avait pas vu où elle aurait pu faire de faute. Lui aussi, dans ce cas, était étranger ! Souriante, finalement elle nota qu'il semblait timide, ou en tout cas qu'il était gêné, et sans doute un peu timide, car il ne dit rien de plus. Mais non, il pouvait aussi ne pas vouloir parler parce qu'il n'était pas bien, elle aussi faisait des choses comme cela, parfois, et il n'y avait pas à s'alarmer. Oui, mais voilà, il avait attisé la curiosité de la jeune fille, qui voulait désormais en savoir plus.

S'approchant de lui, elle évita cependant de le toucher, parce qu'on ne sait jamais comment les gens vont réagir face au contact, et qu'elle-même n'aimait pas particulièrement quand les gens la touchaient sans raison. Oui, elle aimait l'attention, que tout le monde soit autour d'elle pour être avec elle, mais hors de question qu'on la touchât pour rien, et puis quoi encore ? C'est donc avec attention qu'elle s'approcha un peu plus, et alors qu'elle baissait légèrement le menton pour chercher du regard le haut du crâne du garçon, elle lâcha une expiration, les lèvres tendues en moue ronde et sensuelle, car elle ne pouvait pas s'en empêcher, et elle demanda encore une fois :

- Tu n'es pas Américain, n'est-ce pas ? Tu viens d'où ?

Tournant encore légèrement sa tête sur le côté, juste parce que c'était dans son habitude de telles mimiques lorsqu'elle était curieuse et qu'elle voulait tirer les vers du nez de son interlocuteur, sans pour autant montrer violence ou exigence à ce dernier. Souriant gentiment, elle recula légèrement pour ne pas étouffer le pauvre garçon, en lui faisant peur par sa proximité...


[Désolée pour le retard, un peu surbookée en ce moment ^^]